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Tesla : le moment du short est-il venu ?

By 22 janvier 2024No Comments

Côté captation du marché, Tesla a été dépassée par le constructeur chinois BYD en nombre de voitures vendues. Côté rentabilité, la guerre des prix qui démarre a déjà laminé les marges du constructeur américain. Le moment est peut-être venu pour les plus audacieux de prendre une position baissière sur le dossier…

 

Des calendriers non tenus. Un patron au comportement si erratique que la SEC, le gendarme de la Bourse américain, l’a traîné plusieurs fois en justice. Une ambiguïté permanente quant à la capacité réelle des véhicules à rouler de manière autonome. Une capitalisation boursière totalement décorrélée de l’activité du groupe et des ratios en vigueur dans le secteur.

Les raisons de vendre l’action Tesla à découvert n’ont jamais manqué.

Mais les traders « fondamentalistes » qui ont pris le risque ont souvent perdu leur chemise.

Peu importe la qualité des raisonnements qui conduisaient à parier sur la baisse de l’action, s’attaquer à Elon Musk a jusqu’ici rarement porté ses fruits. Il faut dire qu’à l’exception de l’année 2022, qui était celle du reflux de la tech américaine, l’action Tesla a surtout connu d’impressionnantes vagues de hausse depuis le début de la décennie.

Et lorsque les Robinhood traders – ces particuliers qui ont découvert le boursicotage à l’occasion des premiers confinements – se sont piqués d’intérêt pour le dossier, la hausse est devenue exponentielle. Entre janvier 2020 et novembre 2021, le titre est passé de 29,53 $ à 407,36 $. Une hausse phénoménale de + 1279 %, étonnante alors que les ventes de l’entreprise avaient simplement doublé sur la période. Au pic de la spéculation, la capitalisation boursière du groupe a dépassé les 1 200 Mds$ – un chiffre totalement délirant par rapport aux estimations du potentiel du marché du véhicule électrique.

 

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Action chérie des spéculateurs durant le Covid, l’action Tesla pourrait perdre 80 % de sa valeur et rester chère par rapport aux ratios de l’industrie automobile. Infographie : Investing.com

 

En ce début 2024, le moment est peut-être venu pour les plus audacieux de prendre une position baissière sur le dossier, et ce pour trois raisons.

Premièrement, Tesla a commis un péché cardinal pour toutes les entreprises qui se positionnent sur le segment premium, en se lançant dans la guerre des prix avec les constructeurs chinois. Les analystes savent que, quel que soit le résultat de ce combat pour les consommateurs, il ne fait que des perdants chez les industriels.

Pire encore, le marché de l’automobile électrique haut de gamme est en train de se figer. En Chine, les ventes sont décevantes et Tesla n’a plus que 7,8 % des parts de marché sur 2023, contre 35 % pour BYD. Dans le même temps, le haut de gamme semble être arrivé à saturation en Europe comme le prouve l’attrait pour les offres low cost.

Dans ce contexte général inquiétant, le coup de grâce pourrait être le revirement spectaculaire de Hertz. Le géant de la location de véhicules, qui avait tout misé sur l’électrique durant la pandémie par le biais d’achat massif de voitures Tesla, avait déjà jeté un froid l’an passé en annonçant que les performances des véhicules de l’écurie Musk étaient décevantes. Moins d’un trimestre plus tard, le voici qui jette l’éponge. Non content de cesser les achats, Hertz a même annoncé se débarrasser d’une grande partie de sa flotte nouvellement acquise, et utiliser les 250 à 300 M$ ainsi générés pour acheter des voitures thermiques – un camouflet pour Tesla et un sacré signal d’alarme pour l’ensemble de l’industrie.

 

2024, l’année revanche des short sellers ?

« Les marchés peuvent rester irrationnels plus longtemps qu’un investisseur ne peut rester solvable ». Dicton de Wall Street.

Globalement, l’année 2023 a été catastrophique pour les vendeurs à découvert.

La performance exceptionnelle des « 7 magnifiques », qui ont vu leurs ratios boursiers s’envoler, a causé des dégâts importants sur les paris à la baisse. Il faut dire que leur hausse moyenne de +110 % laissait peu de place aux positions baissières.

Selon le cabinet spécialisé S3 Partners, plus de 6,6 Mds$ ont été perdus sur le dossier Meta, 7,3 Mds$ sur Apple, et jusqu’à 11,2 Mds$ sur Nvidia. Tandis que le S&P 500 gagnait déjà un confortable +24 % sur l’année, les progressions de +48 % (Apple), +194 % (Meta) et +239 % (Nvidia) ont laminé ceux qui avaient emprunté les titres en espérant les racheter plus tard moins cher.

Tesla, avec sa hausse de +102 % sur 2023, n’a pas fait figure d’exception. Son doublement sur l’année a fait perdre plus de 12 Mds$ à ceux qui avaient parié sur un assagissement de la valorisation.

Mais en Bourse, les performances passées ne présagent pas des performances futures. Et plus les ratios boursiers d’un dossier s’écartent de la norme, plus le retour à la moyenne est violent. En ce début d’année, les raisons d’imaginer une correction de l’action Tesla ne manquent pas.

 

Tesla : des chiffres insoutenables dans la durée

L’action Tesla s’échange, aujourd’hui, à environ 60 fois ses bénéfices. C’est un multiple qui n’a pas lieu d’être dans l’industrie automobile, avec par exemple un ratio de 5 pour General Motors, inférieur à 4 chez Stellantis, et même de 3 pour le groupe Renault.

Même le segment du luxe automobile n’est pas aussi cher : Ferrari ne se paye « que » 40 fois ses bénéfices, et Porsche est retombé sur un PER de 13.

Tesla ne peut d’ailleurs plus se targuer de faire partie de ce segment, qui justifie toutes les largesses de valorisation. Avec plus de 2 millions de véhicules vendus par an, les Tesla ne sont plus des produits rares mais de simples véhicules statutaires pour les classes moyennes supérieures. Dans les quartiers en vogue de New York, Singapour, ou Hong Kong, il n’est pas rare de trouver des rues dont 50 % des voitures sont des Tesla blanches… mais, en passant dans les zones où résident les vrais ultra riches, ces modèles se font aux abonnés absents au profit des Porsche, Ferrari, et autres Bentley.

La Tesla est donc devenue la Rolex de l’automobile électrique : un produit grand public, mais cher. C’est certainement ce qui a conduit Elon Musk à accepter de s’engager dans la guerre des prix avec les constructeurs chinois.

En 2023, la firme avait mis fin aux augmentations régulières dans un revirement inattendu. Le prix de la Model 3 avait terminé l’année sous les 39 000 $ aux Etats-Unis. La semaine passée, rebelote – cette fois-ci en Chine. Son produit d’appel, la Model 3 à deux roues motrices, a vu son prix réduit de -5,9 %, passant de 36 800 $ à 34 600 $. Même le Model Y, locomotive de la performance du groupe dans l’Empire du Milieu, a vu son prix baisser de -2,8 %.

A ce niveau de prix, les marges insolentes de Tesla ne seront plus soutenables.

Or, ce sont les marges brutes qui justifiaient, dans le discours des investisseurs, la valorisation stratosphérique de Tesla. Parce qu’ils espéraient que le segment des voitures électriques haut de gamme créé par Elon Musk serait bien plus rentable que l’activité historique des constructeurs, et serait intégralement capté par Tesla, ils considéraient normal que le Californien soit valorisé plus que l’ensemble des constructeurs existants.

Dans cette thèse d’investissement, le groupe Tesla devait faire plus que capter 100 % du marché automobile classique : il devait créer un nouveau marché de la mobilité électrique ultra rentable.

Cette thèse a vécu. Côté captation du marché, le chinois BYD a dépassé Tesla en nombre de voitures vendues au dernier trimestre 2023 au niveau mondial – et, sauf retournement de tendance, l’écart devrait se creuser en 2024. Côté rentabilité, la guerre des prix qui démarre tout juste a déjà laminé les marges du constructeur. Au T3 2022, Elon Musk pouvait se féliciter de dégager 17,2 % de marge brute sur la vente de ses véhicules. Au T3 2023, elle n’était plus que de 7,6 %.

A peine devenue rentable en 2020, Tesla voit déjà son modèle d’affaires rejoindre celui des constructeurs historiques. Reste maintenant à ce que son cours de Bourse prenne en compte cette réalité pour que ses ratios de valorisation rejoignent ceux des concurrents. Avec une capitalisation boursière de 680 Mds$, le potentiel de baisse est colossal – autant d’opportunités pour les vendeurs à découvert.

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