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Location de Tesla : un business ruineux !

By 27 novembre 2023No Comments

En 2021, Hertz a fièrement annoncé sa volonté de verdir son parc automobile en optant pour l’achat de véhicules Tesla non polluants. Deux ans plus tard, ruiné par ce projet, le groupe pourrait être obligé de faire appel aux marchés pour se refinancer…

 

Les mariages nés dans la passion ne finissent pas nécessairement comme dans les contes de fées : les actionnaires du loueur de véhicules Hertz en font l’amère expérience.

La relation fusionnelle entamée avec Tesla pour verdir la flotte de véhicules du groupe est en train de tourner au fiasco, et les superlatifs quant au potentiel du rapprochement font place à une indifférence teintée de rancœur.

Applaudie lors de son annonce tant elle apportait un vent d’optimisme au cœur de la pandémie, la méga-commande de 100 000 véhicules électriques Tesla annoncée en 2021 s’est rapidement avérée encombrante. Elle est maintenant un véritable boulet stratégique et financier qui menace, si l’on en croit les marchés, la survie de l’entreprise Hertz.

L’action Hertz a perdu les trois quarts de sa valeur en deux ans, et les opérateurs pricent désormais le groupe comme s’il était à deux doigts de la faillite. Avec une valorisation boursière ne représentant même plus 1,7 fois les bénéfices 2022, et moins de 1,2 fois l’EBITDA, le titre pourrait sembler un achat évident pour les investisseurs « value ».

Mais se placer sur le dossier est prématuré tant que la menace nommée Tesla qui flotte au-dessus des comptes du groupe n’est pas écartée. Car l’incertitude financière que fait peser le méga-contrat « vert » représente aujourd’hui une fraction non négligeable de la capitalisation boursière de Hertz.

 

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De plus de 34 $ à moins de 8,50 $ en deux ans : l’alliance stratégique avec Tesla n’a pas porté chance à Hertz

 

Le greenwashing Tesla : une stratégie contre-productive

La relation entamée avec la firme d’Elon Musk en 2021 était un véritable pari sur l’avenir de l’automobile d’une part, et du secteur de la location de véhicules d’autre part.

Souvenez-vous : à l’époque, les déplacements internationaux de loisirs et professionnels n’étaient plus qu’une fraction de leurs volumes de 2019. Hertz s’était d’ailleurs placée sous la protection de la loi sur les faillites (le bien connu Chapter 11) dès les premières semaines de la pandémie, et n’en était sortie qu’un an plus tard.

Sa mauvaise fortune ne pouvait être imputée aux seules décisions stratégiques de l’équipe dirigeante, dans la mesure où l’ensemble des loueurs de véhicules avaient été touchés de la même manière. Les actionnaires d’Europcar Mobility se souviennent sans doute de la descente aux enfers qui avait conduit, en juin 2021, à une véritable spoliation de leurs titres lors d’une OPA menée par Green Mobility.

Aussi, lorsqu’Hertz a annoncé publiquement en 2021 son intention de verdir son parc automobile à marche forcée en commandant pas moins de 100 000 Tesla, les marchés ont salué cet optimisme.

Hertz indiquait ainsi sa confiance, bien justifiée, dans le rebond de l’économie et la réouverture des frontières. Mais le groupe sombrait – et là est le cœur du problème – dans le piège du greenwashing, qui consiste à justifier toutes les dépenses sous couvert de « verdissement » de l’activité.

Or, la pratique a montré que l’électrification à marche forcée n’était pas demandée par les clients, qui restent les juges ultimes du bien-fondé des stratégies commerciales. Pire encore, cette décision a aujourd’hui des implications financières si importantes qu’elles font planer un risque sur la solidité du groupe.

 

Une perte potentielle à neuf chiffres : Tesla va-t-elle tuer Hertz ?

Deux ans après l’annonce, le retour d’expérience montre que les véhicules verts n’ont tenu aucune de leurs promesses.

Selon les aveux du P-DG du groupe, Stephen Scherr, les véhicules électriques sont loin d’apporter les économies escomptées. En pratique, ils coûteraient « environ le double en termes de coûts de réparation des dommages par rapport à un véhicule à moteur à combustion interne classique ».

Au lieu d’être un investissement générateur d’économies de long terme, ils ont pour effet inverse de dégrader la marge du loueur. Celle-ci s’est établie à 13 % sur le trimestre échu, alors qu’elle aurait pu être, toujours selon le P-DG, « supérieure de plusieurs points » si la flotte n’avait pas déjà compté plus de 50 000 véhicules verts.

Le problème ne pourra même pas être réglé par la revente des Tesla déjà acquises, dont le nombre est estimé à plus de 35 000. Car depuis quelques mois, le constructeur californien s’est engagé dans une guerre des prix avec les fabricants chinois.

Elon Musk a dû dire adieu à « l’exception Tesla », qui lui permettait de générer une marge insolente sur ses véhicules vendus (jusqu’à 25 %, contre 17 % chez Toyota et 8 % chez Renault). Il a dû revoir fortement le prix catalogue de ses modèles, avec des baisses approchant les 20 % sur ses Model S et X.

Effet immédiat : la cote de l’occasion s’est effondrée. Bien loin d’être des « Rolex de l’automobile », dont la rareté assurerait aux possesseurs une valeur de revente similaire (voire supérieure par moment !) au prix d’achat, les Tesla ont vu leur prix de revente diminuer en quelques heures. Selon les analystes, il aurait chuté de 20 % à 30 % selon les zones géographiques.

Or, Hertz s’était engagé sur une enveloppe de 4,3 Mds$, qui aurait déjà été consommée à hauteur de 35 %. Le loueur est donc à la tête d’un parc de Tesla acheté près de 1,5 Md$, dont la dépréciation théorique avoisine les 300 M$.

Sachant que sa capitalisation boursière n’est plus que de 2,7 Mds$, la moins-value latente sur ces actifs est loin d’être négligeable.

La question est désormais de savoir si Hertz va pouvoir se désengager du méga-contrat passé il y a deux ans. Déjà, le P-DG a fait savoir lors de l’annonce des résultats que le calendrier de verdissement de la flotte précédemment communiqué n’était « qu’indicatif ». L’objectif précédent, qui consistait à atteindre les 25 % de véhicules verts dès l’an prochain, ne sera pas nécessairement respecté (ni au niveau du volume, ni au niveau de la date).

Stephen Scherr se réserve même le droit de faire des infidélités à Tesla et d’opter pour des véhicules concurrents pour réduire les coûts d’acquisition et les dépenses d’entretien. Le nom de General Motors a d’ailleurs été publiquement mentionné lors de l’annonce des résultats.

Avec une dette de 16 Mds$ pour seulement 1,7 Md$ de cash, le groupe pourrait être contraint de faire appel au marché pour se refinancer ou payer sa transition énergétique qui s’avère plus coûteuse et moins rentable que prévu.

Pour les investisseurs, le scénario noir serait une émission d’actions avec dilution des actionnaires existants. Le risque est loin d’être nul, car en cas d’opération capitalistique, il faudrait plusieurs années pour compenser l’effet dilutif par une hausse de l’activité.

De quoi justifier de rester, dans l’immédiat, à l’écart du dossier comme le font nombre de grosses mains.

 

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