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Veolia s’attaque à un marché à 40 milliards de dollars

By 3 juin 2024No Comments

Bien ancrée dans le traitement de l’eau, des déchets et dans les transports, Veolia poursuit sa diversification. Parallèlement à son projet autour des énergies renouvelables, la multinationale française va installer sa nouvelle activité de désalinisation dans le golfe Persique. Un plan ambitieux qui répondra à un besoin vital : fournir en eau douce l’une des régions les plus arides de la planète.

 

 

Pour le moment, l’année 2024 est synonyme de sans-faute pour Veolia.

Au mois de janvier, l’ex-Générale des eaux annonçait son intention de se diversifier dans la production d’énergie. Ce plan, qui pouvait passer à première vue pour un énième greenwashing d’industriel en mal de reconnaissance, était en réalité parfaitement ficelé. De par son métier de traitement des eaux, Veolia est idéalement placée pour collecter les effluents et les valoriser. Et, avec un potentiel estimé en Europe à 400 GW (près de 10 fois la puissance du parc électronucléaire français), cette nouvelle activité est bien partie pour avoir un impact significatif sur les comptes.

Mais Estelle Brachlianoff, la nouvelle présidente du groupe, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Elle vient de signer un contrat-cadre avec les Emirats Arabes Unis qui fera date. Après le retraitement des eaux usées et l’énergie, voici que Veolia change d’échelle dans le dessalement d’eau de mer.

Répondre au plus impérieux besoin de l’Homme, même dans les territoires les plus arides : voici le nouveau défi que se lance le groupe tricolore. Par le biais de sa filiale Sidem, Veolia va construire une usine géante qui sera la deuxième au monde en termes de capacité de dessalement. Installée à Dubaï, il s’agira d’une vitrine technologique parfaite pour le groupe – et qui rapportera, pour ne rien gâcher, près de 300 M€ dans les comptes.

 

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Le golfe Arabique : du sable, un soleil écrasant, de l’air brûlant… et bientôt de l’eau douce en quantité grâce à Veolia.  Ici, l’émirat de Charjah et son usine de Al-Hamriyah (en haut à droite sur la photographie aérienne), dont la capacité plafonne au quart de celle de la future usine de Veolia.

 

 

Un marché à 40 Mds$ pour Veolia

Le dessalement de l’eau de mer pour obtenir de l’eau douce est, au dire de nombreux écologistes, la pire des solutions… mais c’est aussi, dans certains lieux, la moins mauvaise.

Dubaï en est le parfait exemple. Coincée entre un désert aride et les eaux salées du golfe Persique, la ville est bien à la peine pour répondre aux besoins en eau de ses 3,3 millions d’habitants.

Si la désalinisation a un impact certain sur les écosystèmes marins, notamment du fait de la saumure qu’elle rejette, elle permet toutefois d’éviter d’avoir recours à des solutions encore plus polluantes ou de court terme comme le forage dans les nappes fossiles. En complément de la réutilisation des eaux usées, elle permet de réserver les prélèvements dans les nappes phréatiques aux usages non-destinés à la consommation des particuliers.

L’enjeu est de taille : à Dubaï, la consommation d’eau des foyers représente 60 % de la consommation totale, et le secteur commercial 25 %. Contrairement à nos contrées, l’industrie et l’agriculture ont un poids anecdotique. Cela ne signifie pas pour autant que ce territoire utilise peu d’eau, bien au contraire. La consommation des citoyens atteint les 2 300 gallons par personne et par jour, ce qui en fait les plus grands consommateurs d’eau au monde devant les Américains (2 200 gallons/j) et les Israéliens (1 700 gallons/j).

L’expansion démographique du territoire oblige à une course permanente pour augmenter la capacité d’approvisionnement en eau potable. En 1980, il n’y avait que 260 000 habitants à abreuver. Le seuil du million a été franchi en 2004, et les deux millions en 2010. A la fin de la décennie, la population devrait dépasser les 5,2 millions d’habitants – ce qui obligera, en ordre de grandeur, à doubler la fourniture d’eau en prenant en compte l’augmentation du niveau de vie.

C’est dans ce contexte qu’intervient la nouvelle usine fournie par Veolia.

En régime de croisière, elle produira plus de 810 000 mètres cube d’eau douce par jour, l’équivalent de la consommation en eau potable de deux millions de personnes. En s’appuyant sur les dernières évolutions dans le domaine de l’osmose inverse, elle pourra retirer le sel de l’eau sans avoir recours à l’évaporation. Cela lui permettra, selon la promesse de Veolia, d’avoir le meilleur rendement énergétique au monde en atteignant les 2,9 kWh de consommation par mètre cube d’eau produit.

Bien entendu, pour éviter de remplacer un désastre écologique par un autre, il est prévu que l’électricité utilisée pour dessaler l’eau de mer soit majoritairement d’origine renouvelable.

Là réside la grande force de la proposition de valeur de Veolia : le manque d’eau douce étant très lié à l’ensoleillement (les trois quarts du marché sont situés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord), les lieux de consommation sont aussi les plus propices à l’utilisation de panneaux photovoltaïques.

L’eau douce pouvant être stockée bien plus facilement que des électrons, les pics de production d’électricité pourront facilement être exploités même s’ils ne correspondent pas à des moments de forte demande en eau.

Ce nouveau projet est aussi la preuve que l’ère des méga-usines approche. A moins de 30 kilomètres à vol d’oiseau du futur site d’Hassyan, qui accueillera l’usine de Veolia, le voisin Abu Dhabi vient d’inaugurer la plus grande unité de désalinisation du monde, dont la capacité dépasse les 900 000 m³ par jour. Pour les industriels, le million de mètres cube par jour est à portée de main.

Et pour les pétromonarchies, les quelques centaines de millions de dollars de budget requis sont une goutte d’eau dans les budgets annuels.

 

 

Un relais de croissance pour un groupe qui n’en a pas vraiment besoin

Même sans compter sur ce marché naissant promis à un bel avenir, Veolia est dans une situation financière enviable.

Au premier trimestre, son chiffre d’affaires a dépassé les 11,5 Mds€, en hausse de +3,9 % sur un an. L’Ebitda s’est établi à un peu plus de 1,6 Md€, en croissance de +5,7 %. Dans le même temps, le programme d’économies est en avance sur le calendrier avec 88 M€ de dépenses évitées sur le trimestre (350 M€ prévues sur l’année).

La direction a récemment confirmé son optimisme et ses prévisions au titre de l’exercice 2024. De nouvelles synergies devraient s’ajouter à la réduction des dépenses pour réduire les coûts d’un demi-milliard d’euros par rapport à 2023. L’Ebitda devrait maintenir sa croissance organique entre 5 % et 6 % sur l’ensemble de l’exercice. Le tout devrait permettre un résultat net supérieur à 1,5 Md€, ce qui permettra d’augmenter le dividende versé.

Veolia fait partie de ces rares groupes industriels tricolores capables d’opérer des diversifications fructueuses. Ne boudons pas notre plaisir, d’autant que le titre n’est pas hors de prix avec une capitalisation boursière de l’ordre de 22 Mds€ seulement.

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