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TotalEnergies va-t-il rester rentable ?

By 22 mai 2023No Comments

Epouvantail écologique pour les uns, valeur idéale de bon père de famille pour les autres, TotalEnergies laisse peu d’actionnaires indifférents. Voici comment le géant français compte rester rentable alors que les prix de l’énergie se sont effondrés depuis leurs plus-hauts de 2022.

 

L’année 2022 fut bien particulière pour le secteur de l’énergie. Les grands énergéticiens ont été sous le feu des critiques pour avoir réalisé de prétendus « superprofits ». Comme je vous l’expliquais en début d’année, l’évolution du bénéfice de TotalEnergies en 2022 (+28 %) n’était pas si exceptionnelle – et pour tout vous dire quelque peu décevante par rapport à celle de ses concurrents directs comme Equinor (+120 %), Shell (+122 %) ou encore Eni (+139 %) sur la même période.

 

C’est un fait : TotalEnergies n’a pas su faire croître sa rente d’hydrocarbures à périmètre constant, et les énergies fossiles ne sont plus la machine à cash qu’elles furent par le passé.

 

Les actionnaires pouvaient légitimement s’inquiéter de l’avenir du groupe alors que les prix de l’énergie se sont effondrés depuis leurs plus-hauts de 2022. Après avoir manqué une occasion en or de se constituer un matelas de liquidités l’an passé, TotalEnergies serait-il capable de rester rentable en période de reflux des prix des matières premières ?

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Evolution du prix des futures de WTI et de gaz naturel sur un an. De -30 % à -67 %, la chute est rude et frappe tous les énergéticiens. Infographie : Investing.com

 

C’est dans ce contexte de forte inquiétude que les annonces de ces derniers jours sont venues mettre du baume au cœur des actionnaires. TotalEnergies a en effet annoncé coup sur coup d’excellents résultats trimestriels et dévoilé d’importants relais de croissance.

 

 

Faire mieux qu’en 2022 : une prouesse contra-cyclique

 Avec le recul généralisé du prix des hydrocarbures, les investisseurs ne s’attendaient pas à un miracle dans les comptes trimestriels des énergéticiens.

La base de comparaison étant ultra-défavorable, les résultats des groupes qui tirent le gros de leurs revenus des énergies fossiles avaient toutes les raisons d’être décevants. De fait, Equinor a subi une baisse de son chiffre d’affaires de -32 %, Eni a sauvé les meubles avec une contraction de -5 % de son résultat, et Shell a dû se contenter d’une petite poussée de +7 %.

Voyant les grands gagnants de 2022 s’enrhumer, il y avait lieu de s’inquiéter quant à la performance trimestrielle de TotalEnergies.

Le groupe français a toutefois réussi la prouesse de maintenir son bénéfice à contre-courant du prix des hydrocarbures et du repli du chiffre d’affaires. Le résultat net part groupe a progressé de +12 %, passant de 4,94 Mds$ à 5,56 Mds$, malgré un prix moyen des ventes de liquides en baisse de -19 %. La performance est principalement due à l’évolution favorable de la marge de raffinage, qui a presque doublé en passant de 46 $/tonne à 88 $/tonne.

Le groupe confirme ainsi la pertinence de son modèle d’affaires diversifié – un positionnement d’autant plus important que le volume d’hydrocarbures vendus s’est encore contracté (-11 %) et devrait rester, au mieux, stable à 2,5 millions de barils équivalent pétrole par jour (2,5 Mbep/j) au prochain trimestre.

 

Le GNL en soutien

Dans les prochaines années, c’est sans nul doute le gaz naturel liquéfié (GNL) qui va venir gonfler l’activité de TotalEnergies. Mis sur le devant de la scène après la fermeture du pipeline Nord Stream qui nous acheminait l’abondant (et abordable) gaz russe, le GNL a sauvé notre approvisionnement énergétique l’an passé.

Le marché mondial du GNL s’est tendu comme jamais : les flux vers l’Europe, qui étaient négligeables par rapport aux volumes acheminés par pipelines, sont devenus prépondérants… et les acheteurs asiatiques, qui n’ont pas d’alternative à l’approvisionnement par navire du fait de leur position géographique, se sont retrouvés en concurrence frontale avec un Vieux Continent prêt à tout pour éviter la pénurie énergétique.

Les capacités de production supplémentaires promises par les Etats-Unis et le Qatar ne devant pas voir le jour avant trois ans (au mieux), rares sont les opportunités pour les énergéticiens de signer des contrats d’approvisionnement supplémentaires. Le secteur du GNL devrait ainsi rester un marché où les vendeurs font la loi pour les années à venir.

Cette rareté de l’offre rend le contrat que TotalEnergies a signé avec l’ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company) d’autant plus précieux. Avec un approvisionnement en GNL garanti jusqu’en 2025, le groupe tricolore pourra abreuver le marché mondial du précieux gaz. Selon les dernières estimations, le contrat devrait représenter un volume d’affaires supplémentaire compris entre 1 Md$ et 1,2 Md$. Et plus qu’un fusil à un coup, il pourrait marquer le début d’une collaboration accrue entre le groupe tricolore et les Emirats arabes unis.

Abu Dhabi compte en effet tripler sa production de GNL, à 15 millions de tonnes par an, et a besoin d’un solide partenaire industriel pour écouler ce gaz vers les acheteurs les plus solvables – qu’il s’agisse de l’Europe ou des pays émergents asiatiques.

Pour TotalEnergies, l’accord est d’autant plus intéressant qu’il permet de surfer sur la vague du GNL en attendant le passage au zéro carbone de l’Europe. Suite à la guerre en Ukraine, le groupe a fait main basse sur 15 % des capacités de regazéification européennes. Il pourra se renforcer immédiatement en amont de la chaîne de valeur sans pour autant être engagé à long terme : là où le Qatar impose des contrats courant sur des décennies, le court-termisme d’Abu Dhabi qui demande des engagements sur quelques années seulement est un atout.

Bruxelles est, en effet, formelle : le gaz naturel doit rester une énergie fossile de transition. Malgré un besoin important en gaz dans l’immédiat, l’Europe compte réduire drastiquement son utilisation dans les dix prochaines années.

Maximiser la création de valeur ajoutée à court terme sans bloquer ses capitaux dans des projets d’infrastructures qui deviendront inutiles à horizon 2040 est un véritable numéro d’équilibriste. TotalEnergies joue sur les deux tableaux avec finesse – tout en préparant en parallèle l’après-pétrole et l’après-gaz.

 

Un pétrolier toujours plus vert

Alors que les ventes d’hydrocarbures se sont contractées de plusieurs dizaines de pourcents, la production d’énergie renouvelable du groupe croit déjà de manière exponentielle.

Sa capacité nette de génération d’énergie renouvelable a bondi de +55 % sur un an, passant de 5,4 GW au T1 2022 à plus de 8,4 GW cette année.

En ajoutant les projets en construction et ceux en développement, le groupe sera bientôt à la tête d’un parc de plus de 44 GW de génération d’électricité verte – l’équivalent de la puissance de production de notre parc nucléaire cet hiver.

Outre la production d’électricité, TotalEnergies investit aussi massivement dans le stockage. Déjà à la tête de quatre sites de stockage par batteries en France pour un total de 130 MWh, le groupe a lancé fin avril un nouveau projet de stockage à Anvers dont la capacité atteindra les 75 MWh. Permettant de couvrir l’équivalent de la consommation quotidienne de 10 000 foyers, il s’agira du premier site du groupe en Belgique et son plus important au monde.

Dans nos frontières, TotalEnergies est aussi en embuscade pour profiter de l’imminente libéralisation du marché des barrages hydrauliques. Le gouvernement a multiplié les appels du pied en direction des énergéticiens pour les inciter à investir dans la construction de STEP, ces stations de pompage qui permettent aux barrages de fonctionner dans les deux sens, les transformant en gigantesques batteries qui peuvent produire de l’électricité le jour et en consommer la nuit.

Actuellement, les STEP représentent une puissance de 5 GW à l’échelle du territoire. Le gouvernement voudrait la faire passer à 6,5 GW entre 2030 et 2035, soit +30 % en dix ans. La Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) s’est déjà fendue d’appels du pied en faveur d’énergéticiens triés sur le volet pour savoir quelles aides publiques permettraient de sécuriser les montages financiers. Aides directes à l’investissement, revenus garantis sur plusieurs décennies : aucune piste n’est écartée pour rendre les projets dignes de financements.

Selon les spécialistes, TotalEnergies fourbirait déjà ses armes pour répondre aux premiers appels d’offres. De quoi sécuriser, sur le long terme, l’activité de l’énergéticien dans un paysage énergétique totalement décarboné.

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