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L’innovation automobile se fait loin de l’Europe

By 30 mai 2023janvier 17th, 2024No Comments

L’automobile à l’européenne a du souci à se faire. Trop sûrs de leurs acquis et de leur popularité, les constructeurs du Vieux Continent n’ont pas su prendre à temps le virage de la mobilité propre quand leurs homologues chinois rivalisaient d’inventivité pour proposer des modèles électriques à moindre coût. Résultat, les marques chinoises, avec leurs offres particulièrement alléchantes, risquent de faire oublier bien vite les Volkswagen et autres Renault.

 

 

Tandis que le marché automobile européen se morfond, le reste du monde accélère sa migration vers la mobilité propre du futur.

Sur le Vieux Continent, les immatriculations se font toujours plus rares. Après une année 2021 qui n’avait déjà rien de fantastique, elles se sont encore contractées de -4,6 % en 2022, à 9,25 millions seulement. Si le premier trimestre 2023 a été placé sous le signe du rebond avec 2,7 millions de véhicules immatriculés, il reste bien loin de la période pré-Covid (4,15 millions au 1er trimestre 2019).

La faute à une demande en berne ? Certainement, mais le dédain des consommateurs pour les véhicules neufs est peut-être aussi à mettre sur le compte d’une offre décevante.

Dans les années 2010, les constructeurs européens faisaient l’impasse sur la mobilité propre, convaincus qu’ils étaient de la supériorité de leurs moteurs à combustion interne. Pour un particulier qui souhaitait électrifier ses déplacements, il n’y avait guère d’alternatives crédibles aux Prius de Toyota, et aux Tesla.

Au tournant des années 2020, prenant acte de leur retard (et des nouvelles réglementations), les constructeurs européens ont brutalement électrifié leur catalogue. Mais ce changement de motorisation, fait comme à contre-cœur, a fait naître des modèles sans grande créativité.

Après l’uniformisation visuelle des gammes, les conducteurs se sont vu proposer des modèles électriques aux caractéristiques et aux performances quasi-identiques. Pour ne rien arranger, la pénurie chronique de composants électroniques a renforcé le pouvoir des constructeurs au dépend des consommateurs : les modèles neufs disponibles sont ceux que les fabricants daignent assembler. Le consommateur a le choix entre sortir le porte-monnaie les yeux fermés… ou se rabattre sur un modèle d’occasion.

Le marché européen de l’automobile a ainsi évolué en vase clos depuis trois ans. Dans ce contexte, le salon Auto Shanghai 2023 a fait figure d’électrochoc. Non seulement les constructeurs européens ne font plus rêver dans le plus riche pays d’Asie, mais les annonces les plus innovantes sont dues aux entreprises locales.

Tandis que Stellantis, Volkswagen et Renault se reposaient sur leurs lauriers centenaires, les Chinois CATL et BYD ont réussi, le temps d’une pandémie, à prendre une longueur d’avance sur l’industrie occidentale. Et l’écart sera difficilement rattrapable.

 

Un marché automobile qui a su trouver sa clientèle

 La Chine est sans conteste la locomotive du marché de la mobilité propre.

Près de six voitures électriques vendues au monde le sont dans l’Empire du Milieu. Absorbant 60 % du marché mondial, le pays a accueilli près de 6 millions de voitures électriques supplémentaires en 2022, presque autant que son parc total en circulation au 31 décembre 2021 (7,84 millions).

Sur place, les ventes de voitures électriques représentent désormais 25 % des immatriculations.

Cette mutation du marché ne s’est pas faite uniquement avec l’évolution des motorisations : le leadership du secteur a été bouleversé. S’il y a dix ans de cela, la classe moyenne supérieure et ceux qui s’étaient rapidement enrichis aimaient à s’afficher au volant de véhicules occidentaux (Volkswagen en tête), ce sont désormais les marques chinoises qui représentent le summum de la désirabilité.

Bien sûr, comme chez nous, Tesla reste un acteur de référence. Au premier trimestre, la firme d’Elon Musk a livré près de 135 000 véhicules en Chine – soit environ un tiers de sa production mondiale. Mais, c’est désormais incontestable, les marques locales ont dépassé le californien et creusent l’écart.

BYD a écoulé dans le même temps plus de 550 000 véhicules électriques, soit une progression de +90 % sur un an. Même XPeng et Nio, avec plusieurs dizaines de milliers de véhicules chacune, ne font plus de la figuration dans les chiffres mondiaux – XPeng a vendu plus de voitures propres que Volkswagen, et Nio plus que le groupe Stellantis.

Avec les dernières annonces des entreprises chinoises, l’écart devrait encore se creuser.

Quand l’épicentre de l’innovation change de continent

Alors que beaucoup d’experts pensaient l’industrie chinoise endormie depuis 2020, les annonces du fabricant de batteries CATL et du constructeur BYD ont de quoi donner des sueurs froides aux acteurs occidentaux.

Le premier a annoncé avoir finalisé une batterie au lithium de nouvelle génération, dont la densité énergétique est doublée par rapport aux standards de l’industrie. Alors que la plupart des batteries Tesla ont une densité qui varie entre 212 et 296 Wh/kg, la nouvelle batterie de CATL atteindrait les 500 Wh/kg, sans pour autant être plus dangereuse que les batteries existantes – un des points faibles habituels des batteries les plus denses.

Baptisé « Qilin », cette nouvelle référence serait si efficace et sûre qu’elle pourrait servir à alimenter des avions, un domaine qui était jusqu’ici de l’ordre du fantasme du fait de la faible densité énergétique des batteries au lithium.

De son côté, le constructeur BYD a frappé fort en présentant la Seagull, une voiture électrique à bas coût. Positionnée sur le segment A des petites citadines, elle arrivera en concurrence frontale avec la Dacia Spring et la Volkswagen ID.1. Son autonomie de 400 km lui permettra d’assurer les déplacements du quotidien, et son design ne surprendra aucun acheteur.

 

automobile_Seagull_300523  La BYD Seagull pourrait tout à fait passer pour une citadine européenne. Crédit : BYD

 

Le modèle est basé sur des spécifications passe-partout pour la clientèle urbaine. L’innovation n’est donc pas dans les caractéristiques du produit, qui pourra plaire à Pékin comme à Paris. Le prix, en revanche, est inédit : la Seagull est proposée en entrée de gamme à 75 000 yuans, soit 10 000 € seulement. Toutes options incluses, le tarif ne monte qu’à 500 €.

Il s’agit d’un tarif près de deux fois plus bas que celui de la Dacia Spring, qui faisait déjà figure d’ovni dans les gammes des constructeurs occidentaux.

Les hésitations de Tesla en termes de positionnement tarifaire montrent que le marché de la mobilité propre est mûr pour une guerre des prix et une consolidation. Dans ce contexte, la prudence est de mise quant à la solidité des constructeurs européens.

Ceux qui n’écoulent leurs véhicules électriques qu’au compte-goutte ne vont plus pouvoir se contenter de se comparer les uns avec les autres. Il leur faut désormais compter avec une concurrence chinoise qui redouble d’innovation… et qui multiplie les succès commerciaux.

 Pour l’instant, bien peu de véhicules conçus dans l’Empire du Milieu sont vendus dans nos frontières, et les constructeurs européens justifient leurs ventes atones par un marché européen en berne. La Bérézina des dix dernières années en Chine devrait pourtant les inciter à une remise en question rapide : lorsque les consommateurs ont accès à des produits plus performants et moins chers, l’attrait de l’image de marque finit inéluctablement par passer au second plan.

Pour les investisseurs qui cherchent à se positionner sur la transition énergétique et financer des constructeurs en croissance, il est clair que les progressions les plus rapides se trouvent désormais en Asie. La bonne nouvelle pour les particuliers est que leurs actions peuvent souvent être achetées même depuis la France.

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