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Transition énergétique

Mobilité propre : l’hydrogène plus rentable que l’électrique ?

By 25 juillet 2023No Comments

Sur le papier, les véhicules électriques dominent totalement le secteur de la mobilité propre. Mais le marché de l’hydrogène pourrait très bientôt dépasser celui de la batterie : certains équipementiers se tournent d’ores et déjà vers ce nouveau carburant générateur de bien plus de bénéfices à long terme…

 

« Follow the money » (regardez où va l’argent) : pour Wall Street, les mouvements de capitaux parlent plus fort que les grandes déclarations d’intention. Pour faire le tri entre les bulles médiatiques et les grandes tendances qui ont toutes les chances de durer, la sagesse anglo-saxonne nous conseille de regarder avec détachement où vont les flux financiers.

C’est pour cette raison que les conférences de presse sont souvent bien pauvres en informations tangibles, tandis que les rapports les plus austères regorgent d’indications fiables. Car c’est au cœur des comptes de résultats qu’est dévoilée la manière dont les industriels investissent réellement.

L’équipementier automobile Bosch nous apporte de précieuses indications sur la manière dont il pressent l’évolution du secteur de la mobilité terrestre. Alors que l’Europe est censée basculer vers le tout électrique d’ici 2035, et que les projets de gigafactories de batteries se multiplient, il semble inévitable pour les analystes que notre parc automobile basculera rapidement vers des véhicules à batterie, et que le transport routier lourd lui emboîtera le pas.

Pourtant, les dépenses d’investissement de Bosch racontent une toute autre histoire. Parce que la maison mère du groupe est restée loin de la Bourse, et que la direction n’a pas besoin d’adapter son discours pour coller aux modes médiatiques du moment afin de satisfaire les analystes, sa communication peut être considérée comme plus fidèle à la réalité que celle de ses concurrents cotés.

Les chiffres ne mentent pas : Bosch est déjà en train de préparer l’après-batteries. Pour l’équipementier, l’avenir de la mobilité n’est pas dans un remplacement des réservoirs d’essence par des batteries, mais dans l’hydrogène.

Dans la torpeur estivale, le groupe a annoncé augmenter de deux tiers son effort de R&D dans l’ »hydrogène-énergie ». D’ici à 2026, ce ne sont pas moins de 2,5 Mds€ qui seront dépensés pour faire naître différentes business units autour du gaz propre.

Bosch ne dépendant pas de la bienveillance des médias ou des analyses formatées des grandes banques pour la bonne marche de ses affaires, le groupe n’a certainement pas décidé de cet investissement pour des raisons de greenwashing, mais bien pour s’assurer plus de bénéfices à long terme – quitte à s’écarter du narratif actuel qui fait la part belle aux véhicules à batteries.

 

L’impasse du véhicule électrique

Sur le papier, les voitures électriques dominent totalement le secteur de la mobilité propre. Plus de 10 millions de véhicules électriques ont été vendus en 2022, en hausse de +55 % par rapport à 2021. Cette année, la hausse des immatriculations devrait dépasser les 35 %.

Les industriels répondent présents pour satisfaire la demande croissante. Au printemps, Tesla a annoncé vouloir doubler la capacité cible de son site de production allemand, pour lui faire atteindre le million de véhicules par an. Quelques jours plus tard, Elon Musk dévoilait un projet d’usine similaire à Mexico, capable de produire des volumes équivalents.

Mais la hausse exponentielle des volumes de véhicules électriques risque de se heurter à deux plafonds de verre : le pouvoir d’achat des ménages et la disponibilité des batteries. Déjà, les marchés de certains métaux sont déstabilisés par la demande causée par la production de voitures électriques. Le lithium, par exemple, a vu son cours multiplié par 15 entre 2020 et 2022, alors que les ventes de véhicules électriques n’augmentaient que d’un facteur 3 sur la même période.

Avec des batteries qui représentent plusieurs centaines de kilogrammes par voiture et un coût qui peut atteindre 40 % du prix d’achat, le coût du stockage d’énergie risque d’être le principal facteur qui limitera la démocratisation des véhicules électriques – que ce soit en causant une pénurie, en tirant les prix à la hausse, ou une combinaison des deux.

C’est pour cette raison que Bosch a décidé de renforcer ses efforts autour de l’hydrogène-énergie. L’objectif de l’équipementier est de faire naître un véritable écosystème qui permettra l’émergence des voitures à hydrogène (à peine plus de 70 000 exemplaires sont aujourd’hui immatriculés sur la planète), et pourra permettre à l’aviation et au ferroviaire de rentrer à leur tour dans la mobilité propre.

 

Un retour sur investissement avant 2030

Lors de l’annonce de l’augmentation du budget de R&D consacré à l’hydrogène de 1,5 Md€ à 2,5 Mds€, le président du directoire Stefan Hartung a dévoilé les hypothèses qui justifient cet investissement.

Selon la feuille de route de Bosch, l’hydrogène-énergie devrait apporter 5 Mds€ de chiffre d’affaires avant la fin de la décennie. Le groupe compte développer et commercialiser des briques technologiques à tous les stades de la chaîne de valeur.

Pour la production d’hydrogène, il proposera des électrolyseurs. Pour sa conversion en électricité, des piles à combustible. Afin de s’assurer que le gaz puisse être produit en tous lieux, le catalogue sera enrichi de systèmes de traitement de l’eau pour ne pas dépendre de la disponibilité d’eau pure.

Ces éléments de base vont ensuite être déclinés en produits finis pour les différentes situations où l’hydrogène-énergie a un intérêt. Un groupe moteur-générateur haute performance sera fourni à Ligier Automotive pour ses voitures de course. Une version lourde équipera les camions de Nikola, Daimler et Volvo (Bosch prévoit que 20 % des poids lourds rouleront à l’hydrogène avant la fin de la décennie).

Les réservoirs ultraplats, amenés à remplacer les bonbonnes cylindriques actuelles, ont vocation à équiper les voitures particulières de BMW.

 

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Les systèmes à hydrogène de Bosch vont se retrouver dans tous types de véhicules. Photos : Ligier Automotive, Daimler, BMW

 

 

Batteries vs hydrogène : vers un croisement des courbes ?

Le monde de la mobilité propre pourrait être à quelques années seulement d’un point d’inflexion où le marché des véhicules à hydrogène dépassera celui des véhicules à batterie.

L’hypothèse n’est pas aussi farfelue qu’elle en a l’air : bien peu d’analystes prévoyaient, au début des années 2000 et même en 2010, qu’il se vendrait des millions de véhicules électriques par an ! Dans un effet ciseaux inexorable, les voitures à batteries sont cependant en train de rattraper les véhicules thermiques à mesure que les volumes de ventes augmentent bien plus vite que ceux des modèles thermiques. L’an passé, les véhicules légers propres ont représenté 15 % des immatriculations à l’échelle de la planète. Au mois de juin, les ventes de voitures électriques ont même dépassé pour la première fois celles de moteurs Diesel en Europe.

Mais une technologie chasse l’autre et, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, la voiture électrique pourrait connaître le même effet de remplacement que nos vénérables moteurs thermiques. Déjà, la motorisation à hydrogène entre dans une croissance exponentielle : selon l’Agence internationale de l’énergie, le nombre de voitures équipées de piles à combustible sur les routes a augmenté de +40 % sur un an en 2022.

 Les constructeurs et équipementiers qui font l’impasse sur cette énergie risquent de se retrouver à courir après le marché comme lors de la bascule de la motorisation thermique vers l’électrique. Ceux qui s’engagent dès aujourd’hui dans la course, en revanche, disposeront d’une confortable avance technologique et commerciale.

 

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