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Hopium : une sortie de route prévisible

By 17 avril 2023mai 15th, 2023No Comments

Le Tesla tricolore ne sera pas. Tout du moins ce ne sera pas Hopium : la start-up ambitieuse, pourtant lancée en grandes pompes dans le segment des véhicules électriques made in France vient tout simplement de jeter l’éponge, après de nombreux déboires structurels et financiers. Endettée et acculée, l’entreprise va tenter un repositionnement opportuniste qui ne fait pas l’unanimité…

 

En Bourse, le mélange des genres donne rarement de bons résultats. Hopium en est l’exemple le plus récent.

La start-up, fondée par le pilote automobile Olivier Lombard, se voyait devenir le nouveau Tesla. Surfant sur la popularité du zéro carbone, elle comptait mettre sur le marché les véhicules verts d’après-demain : des voitures à hydrogène. Et cette fois-ci, l’innovation ne serait pas venue de Californie mais de France.

Tous les ingrédients étaient réunis pour assurer la promotion de l’entreprise : un fondateur connu dans le milieu de l’automobile, une pointe de chauvinisme, un positionnement « vert », des relais médiatiques… Sans surprise, son IPO menée en janvier 2021 a connu un franc succès. Le cours de l’action a même été multiplié par 5 sur les douze premiers mois de cotation, et Hopium a rejoint Euronext Growth dès janvier 2022.

Un an plus tard, la réalité prend le pas sur la belle histoire médiatique.

Au mois de janvier, je vous mettais en garde dans cet article contre le recours aux obligations convertibles qui avait été décidé pour compenser des pertes opérationnelles abyssales. Non seulement ce montage était un camouflet pour les actionnaires historiques, mais son envergure n’était même pas suffisante pour financer la R&D nécessaire au développement de la voiture à hydrogène.

En sécurisant 70 M€, l’entreprise était bien loin de disposer des milliards nécessaires à la mise sur le marché de sa berline. Un rapide calcul montrait, à l’époque, que l’entreprise risquait de se retrouver en manque de trésorerie bien avant d’avoir vendu son premier exemplaire, et potentiellement avant l’été.

 

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En janvier 2022, le fondateur d’Hopium faisait la tournée des médias pour préparer une levée de fonds de 400 M€. Aujourd’hui, l’entreprise restructure son activité. Interview : BFM Business

C’est bien ce qui s’est produit, et la start-up a annoncé début avril abandonner le développement de ce qui devait être son produit phare. Naturellement, l’ancienne coqueluche de la French Tech jure avoir trouvé un nouveau relais de croissance, cette fois-ci dans les piles à combustible à hydrogène.

[NDLR: Ce pivot va-t-il sauver Hopium ? Rien n’est moins sûr… Les investisseurs les moins informés risquent encore d’y laisser des plumes. Heureusement, les abonnés de Zéro Carbone Millionnaire, eux, bénéficient de l’expertise d’Etienne et sont sûrs de se prémunir des beaux discours trompeurs…]

Ce faisant, l’entreprise tente de rassurer les actionnaires en mentionnant l’une des clés de la transition énergétique – et il est vrai que le marché des piles à combustible est promis à une croissance explosive dans les années à venir.

Les grandes chaînes d’information continuent d’ouvrir leurs micros aux dirigeants pour qu’ils viennent expliquer leur nouvelle stratégie de croissance. Mais l’entreprise n’a, une nouvelle fois, pas de légitimité industrielle dans le domaine.

Une dose de greenwashing, une savante couverture médiatique, et une incursion dans un milieu ultra-concurrentiel sans légitimité… Vous reconnaissez la recette qui avait été utilisée lors de l’annonce de la voiture à hydrogène Machina Vision. Depuis le début 2022, elle a conduit à une perte de -88 % pour les actionnaires. En 2023, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets, et le dossier reste un piège destiné aux actionnaires crédules.

 

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Depuis son arrivée sur Euronext Growth, l’action Hopium a effacé la quasi-totalité de sa valeur. Infographie : Investing.com

   

Un vrai diagnostic sur le futur de la mobilité

Dans une interview à BFM Business, Sylvain Laurent, le nouveau directeur général d’Hopium transfuge de Dassault Systèmes, l’indiquait avec raison : « [En France], on ne voit pas arriver toute la vague hydrogène qui est en train d’arriver d’Asie et qui est en train de se propulser aux Etats-Unis (…) C’est maintenant que, pour la France, il faut soutenir ce type de développement. On pourrait aller beaucoup plus loin. On a perdu la bataille de l’électrique à batteries, avec la pile à combustible à hydrogène, on a cette capacité de reprendre le leadership ».

Le diagnostic de Sylvain Laurent est globalement correct.

Il est tout à fait vrai que la France, et même l’Europe dans son ensemble, ont manqué le virage de la voiture électrique. Nous sommes condamnés, au mieux, à héberger des gigafactories de batteries possédées par des entreprises étrangères – et encore ces projets ont-ils subi des annulations à répétition depuis un an, sur fond de crise énergétique.

Si nous voulons investir sur un marché naissant de la mobilité propre, il nous faut viser la technologie d’après-demain qu’est l’hydrogène-énergie. Les Américains l’ont bien compris, les Chinois l’ont bien compris, et il ne tient qu’à l’Europe de le réaliser à temps pour faire émerger des champions sur le Vieux Continent.

La bonne nouvelle est que la France et l’Allemagne sont moteurs dans ce domaine et œuvrent à la naissance d’un écosystème de l’hydrogène vert européen, à la fois pour les usages industriels et pour l’utilisation comme carburant. Le timing d’Hopium est donc idéal.

Par ailleurs, la R&D autour d’un seul composant de la mobilité propre (la pile à combustible) est bien moins coûteuse que l’élaboration ex nihilo d’une voiture dans sa totalité. Le besoin en liquidités est cohérent avec l’envergure financière d’Hopium, et cette spécialisation rend les plans de la start-up plus réalistes.

En revanche, le discours d’Hopium oublie un élément clé : le marché de la pile à combustible n’est pas vierge, et des acteurs européens de poids existent déjà.

 

Négliger le savoir-faire des concurrents, une stratégie à risque

Durant son roadshow médiatique, Sylvain Laurent a vanté les performances de la pile à combustible développée dans le cadre de l’effort de R&D autour du véhicule électrique. Elle serait très en avance sur la concurrence en termes de compacité et de poids.

Même en accordant une confiance absolue aux dires du dirigeant, cela ne signifie pas qu’Hopium dispose d’une avance particulière. En effet, les piles à combustible sont affaire de compromis. Poids et compacité sont certes des critères, mais la durée de vie, le prix, la facilité de maintenance et la tolérance aux impuretés dans l’hydrogène consommé le sont aussi.

Mettre sur le marché un produit en avance sur certaines caractéristiques n’a aucun intérêt si les autres performances sont inacceptables.

Sylvain Laurent se permet également quelques raccourcis lorsqu’il déplore l’absence de champions de l’hydrogène en France et en Europe. S’il est vrai que les spécialistes européens de l’hydrogène n’ont pas la taille des entreprises que l’on peut trouver aux Etats-Unis ou en Chine, il n’en demeure pas moins que nous ne manquons pas de pure players.

 Que l’on parle de concepteurs d’électrolyseurs, de méthodes de stockage ou de piles à combustible, le Vieux Continent dispose d’un savoir-faire sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène vert. Ces entreprises sont bien souvent nées par essaimage des grands laboratoires de recherche publics, et ont déjà des années – voire des décennies – d’expérience scientifique, industrielle et commerciale derrière elles.

Autant dire que les acteurs existants ont plusieurs longueurs d’avance sur Hopium.

 

Le temps va manquer pour sauver l’entreprise

De l’aveu même du directeur général, les piles à combustible d’Hopium ne sont qu’à la phase de validation sur les bancs de test. Si tous les tests sont concluants, les capacités de production ne seront opérationnelles au mieux qu’en fin d’année, avec des premières livraisons qui ne devraient pas arriver avant 2025.

Deux ans durant lesquels les spécialistes du secteur, dont l’activité est déjà en croissance exponentielle, ne resteront pas les bras croisés.

Les actionnaires qui décident de continuer à soutenir l’entreprise doivent bien réaliser ce dans quoi ils s’engagent. En ce début d’année, Hopium ne vise pas la commercialisation d’un produit inédit que le monde entier s’arrachera pour ses performances uniques, mais une incursion sur un marché de niche dans lequel les acteurs historiques attendent de valoriser leurs savoir-faire depuis plusieurs années.

L’aventure boursière d’Hopium risque donc d’être encore bien mouvementée dans les prochains mois.

En revanche, en termes de création de richesse globale, nous ne pouvons que nous féliciter du recentrage d’Hopium autour d’une brique technologique utile à la transition énergétique. La commercialisation d’une pile à combustible différente de ce qui existe fera nécessairement progresser le marché – quel que soit son avenir commercial. Et celle-ci a bien plus de chances de voir le jour que la voiture à hydrogène Machina Vision.

Aucun commentaire

  • Avatar Stephane DC dit :

    Toujours aussi pertinent. Merci pour cette analyse juste.

  • Avatar JP Lejeune dit :

    Les dirigeants de cette boite fumeuse devraient être jugés et condamnés sévèrement à plusieurs titres : évidente pyramide de ponzi sur le modèle d’affaires, dégâts d’image considérables pour l’ensemble de la filière industrielle française de l’hydrogène en France et à l’export (une fois de plus on passe pour des guignols fanfarons auprès de nos partenaires allemands), et détournement de fonds publics. Avec en prime un mélange des genres regrettable entre politique et industrie. A quand une enquête sérieuse sur le sujet ?

  • Avatar BollYogi dit :

    Merci Etienne pour cette magnifique analyse, fine et bien docEt si Hopium faisait un appel du pied à Elon Musk,puisque la Tesla électrique va se faire damer le pion par les électriques chinoises?Un fantasme?

  • Avatar BOUFRANCE dit :

    La voiture a hydrogène n’a absolument aucun avenir
    Quel gâchis de faire croire a des investisseurs naïfs que ce type de voiture va se développer !
    Une marque française aurait pu naître en proposant par exemple un concurrent de l’id buzz…
    Vous avez vraiment envie de continuer à aller à la station service pour remplir vos encombrantes bombonnes a hydrogène ?
    Alors que votre voisin recharge a moindre coup, la nuit, sa voiture électrique !

  • Avatar Pommier dit :

    Edson Pannier serait le directeur de la communication chez hopium.

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