Skip to main content
Matières Premières

Foire d’empoigne sur le cuivre

By 21 mai 2024One Comment

Le cuivre se démarque. « Dr Copper », comme aiment à le surnommer les traders londoniens, sort du lot des matières premières. Son cours actuel tutoie ses plus-hauts historiques. Le cuivre pourra-t-il dépasser les 10 600 $ la tonne, chiffre atteint en 2022 ? C’est le pari que font de plus en plus de grosses mains. 

Record annuel battu, et même largement battu ! Après avoir échoué sous les 9 975 $ fin avril, le prix de la tonne de cuivre s’est finalement arraché à la hausse et a clôturé, la semaine dernière, au-dessus du seuil psychologique des 10 000 $.

Quelques jours plus tard, il atteignait même les 10 290 $ la tonne, portant la hausse sur douze mois à plus de 25 %.

 

Evolution prix cuivre (en tonnes)
Evolution du prix de la tonne de cuivre au comptant
(Infographie : BusinessInsider.com)

 

« Dr Copper », comme aiment à le surnommer les traders londoniens, sort du lot des matières premières. Alors que la plupart des autres métaux industriels font grise mine sur fond de ralentissement de la croissance chinoise, de marasme européen et de possible récession américaine, le métal rouge voit son prix s’approcher de ses plus-hauts historiques.

Le cuivre pourra-t-il dépasser les 10 600 $ la tonne, chiffre atteint en 2022, alors que le prix du platine est resté stable sur un an, que le palladium abandonne -33 %, et que le lithium s’effondre de -60 % sur la même période ?

C’est le pari que font de plus en plus de grosses mains. A court terme, la demande en cuivre pourrait s’avérer suffisamment solide pour dépasser une offre qui peine à augmenter. Et à long terme, le métal pourrait, bien loin de l’emballement médiatique autour des métaux associés à la transition énergétique comme le lithium ou le nickel, s’avérer être un facteur limitant de nos efforts d’électrification – ce qui offrirait aux producteurs un pricing power (la capacité à imposer le prix au marché) bien plus important que sur les autres métaux.

Ces derniers jours, le feuilleton autour du rachat d’Anglo American a été initialement présenté comme une question politique, notamment vis-à-vis de l’Afrique du Sud. Sur place, l’émotion était forte quand BHP a indiqué son intention de se séparer des activités sud-africaines de sa proie. 

Mais, en réalité, ce qui était présenté comme un outrage de Londres envers Johannesburg n’était qu’une conséquence des objectifs de BHP. Le géant minier anglais ne voulait pas les diamants d’Anglo American… mais son cuivre.

Nervosité sur les marchés

La hausse exponentielle qui a lieu depuis le début du printemps est le signe d’une nervosité extrême des opérateurs.

Selon Goldman Sachs, les tensions sur le marché du cuivre pourraient propulser la tonne au-delà des 12 000 $ d’ici à l’année prochaine. Certains analystes voient même le métal rouge atteindre les 15 000 $ dans les prochaines années.

L’an passé, la production chilienne a été décevante, tandis que l’une des plus importantes mines au monde, la Cobre Panamá exploitée par le géant minier canadien First Quantum Mineral, a vu son contrat d’exploitation suspendu par la Cour suprême du pays.

 

mine de Cobre Panamá
Une seule mine vous manque, est tout est dépeuplé.
La mine géante Cobre Panamá devait voir sa production augmenter jusqu’à 300 000 tonnes de cuivre par an
(Photo First Quantum)

 

Avec la preuve que les acheteurs de cuivre sont prêts à payer un prix à cinq chiffres, la rentabilité attendue des mines est bouleversée. C’est ce qui a conduit BHP à relever son offre sur Anglo American de +9 % à 42,6 Mds$, et à afficher clairement son intention de se séparer des activités pourtant significatives comme l’extraction de diamants.

Même si la deuxième offre de BHP a été rejetée, l’idée a fait son chemin dans les esprits et Anglo American a annoncé réaliser de son propre chef sa scission en plusieurs entités. Ce qui était vu quelques jours auparavant comme un caprice de l’acheteur potentiel aura finalement lieu quoi qu’il arrive. Anglo American a annoncé se séparer de son activité autour du platine, céder une unité de production de charbon, et « explorer toutes les options » pour se séparer du diamantaire De Beers.

Objectif clairement affiché : valoriser indépendamment chacune des activités… et ne conserver plus que le minerai de fer et de cuivre en portefeuille. Les 730 000 à 790 000 tonnes de cuivre par an qui resteront dans le portefeuille d’Anglo American ne manqueront pas d’attiser les convoitises. En cas d’absence de rachat par BHP, le milieu des matières premières attend de voir Glencore et Rio Tinto sortir du bois pour proposer, à leur tour, une offre d’achat qui pourrait être jugée acceptable par les actionnaires d’Anglo American. 

Jusqu’où peut gonfler la bulle ?

A l’instar de la hausse massive du prix du cacao, dont je vous parlais dès la fin 2023, l’augmentation du prix du cuivre est un mélange de fondamentaux haussiers et d’emballement spéculatif. Comme pour la plus délicieuse des matières premières, il est tout à fait possible de voir les prix du cuivre augmenter encore de plusieurs dizaines de pourcents dans les prochains mois. 

Mais gare aux retournements de tendance après les phases maniaques : depuis son plus-haut de la mi-avril, la fève de cacao a vu son prix s’effondrer de -39 % en à peine un mois.

 

Cours cacao
Le cacao est venu nous le rappeler il y a un mois de cela :
même sur les actifs tangibles, les prix ne montent jamais jusqu’au ciel
(infographie : BusinessInsider.com)

 

Le risque est d’autant plus important que le cuivre, à l’instar du pétrole et contrairement au cacao, est une matière première stratégique non substituable. Une hausse trop importante du prix a un effet dépressif immédiat sur des pans entiers de l’économie réelle. Les fluctuations de prix étant, comme pour tous les métaux, causées par des différentiels de quelques pourcents entre l’offre et la demande, toute destruction de la demande peut envoyer les prix au tapis aussi vite qu’ils étaient montés.

Si vous voulez spéculer sur la hausse du prix du cuivre, suivez bien les indicateurs d’optimisme du marché que sont les offres faites sur Anglo American. Tout assagissement des valorisations proposées signalerait un revirement du sentiment de marché. 

Le fait que BHP ait limité son relèvement d’offre à 27,53 £ par action Anglo American, alors que les analystes anticipaient que le seuil psychologique des 30 £ serait atteint, pourrait déjà être un signal de retour à la raison imminent.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

1 commentaire

Laisser un commentaire

FERMER
FERMER
FERMER

5 Valeurs pour doubler votre PEA

X