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Matières Premières

Cacao : les prix s’envolent

By 20 novembre 2023One Comment

Ne soyez pas surpris si votre chocolat vous coûte plus cher pendant les fêtes. Les cours du cacao sont proches de leurs plus-hauts, en raison des aléas agricoles qui ont perturbé les récoltes, mais pas que. Une chose est sûre, les spéculateurs qui parient sur la hausse des denrées alimentaires s’en donnent à cœur joie !

 

Et si les fêtes de fin d’année se déroulaient sous le signe du rationnement de chocolat ?

Après l’huile de tournesol et la moutarde l’an passé, voici que les fèves de cacao commencent à manquer. Les acheteurs, anticipant une offre moins abondante que la demande, envoient les prix vers des sommets : les futures sur la précieuse graine ont atteint le 14 novembre les 4 100 $ la tonne, un prix qui n’avait pas été vu depuis les années 1970.

Pour les Français, la nouvelle est amère : nous sommes l’un des pays où la consommation de chocolat est la plus importante au monde, avec plus de 300 000 tonnes dégustées chaque année. Cela représente, par habitant, une moyenne de 7,3 kilogrammes par an !

Pour les spéculateurs, en revanche, la pénurie qui se profile va être un terrain de jeu idéal tant la hausse des prix peut devenir explosive.

 

La fin du chocolat à bas prix

Avec une hausse de +75 % depuis l’été 2022, le coût du cacao ne manquera pas de se répercuter sur le prix des confiseries – d’autant que le prix de gros du sucre, autre ingrédient majoritaire dans la préparation du chocolat, a également atteint des niveaux qui n’avaient pas été vus depuis plus de dix ans.

Les consommateurs s’étaient habitués à acheter leur chocolat à un prix relativement stable ces dernières années malgré l’inflation. Côté coûts d’approvisionnement, le cours du cacao était resté sage entre 2017 et 2022. Les industriels avaient même protégé les prix (et leurs marges) en ayant recours à la redoutable shrinkflation, qui consiste à baisser discrètement le poids unitaire des produits vendus.

Cet hiver, la donne est bien différente. La tonne de cacao cote désormais près de 4 000 $. Elle a franchi sa résistance historique établie en 2011, et fait route vers les plus-hauts de l’été 1977 – une époque où le chocolat était loin d’être la gourmandise banale qu’il est devenu !

 

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Evolution du prix de la tonne de cacao sur 50 ans. Source : TradingEconomics.com

 

 

Cette hausse brutale des prix est due à des fondamentaux qui ne risquent pas de s’inverser de sitôt. La production de fèves de cacao est majoritairement concentrée sur deux pays d’Afrique, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui assurent à eux deux plus de 60 % de la production mondiale.

Or, la récolte de cette année s’annonce catastrophique dans les deux pays. Selon les dernières estimations, elle pourrait être inférieure de 30 % à celle de 2022. Et si les aléas météorologiques et agricoles n’étaient pas suffisants, un grain de sable financier est venu gripper la machine bien rodée des échanges internationaux.

 

Quand les financements s’évaporent

 Le secteur du chocolat est connu pour être organisé « en entonnoir ».

Il existe, au Ghana et en Côte d’Ivoire, une multitude de producteurs indépendants, qui sont le plus souvent organisés en exploitations familiales. La production des fèves met donc en jeu des milliers de structures peu organisées.

Elles revendent ensuite leur production à quelques traders qui contrôlent le marché mondial de la matière première.

Le cacao est ensuite transformé en chocolat qui est revendu sous d’innombrables marques commerciales.

Cet hiver, l’un des rares grossistes en cacao fait face à une crise de liquidité sans précédent. Le Cocoa Board (Cocobod), structure nationale du Ghana chargée d’acheter la production de fèves pour la revendre aux multinationales, n’a plus la trésorerie nécessaire pour payer les producteurs.

Dans ce pays, c’est en effet une instance nationale qui est chargée de faire le lien entre les planteurs et les acheteurs internationaux. Il lui faut donc une trésorerie suffisante pour être en mesure d’acheter les récoltes avant de les revendre. Un principe de base de l’activité de trading… qui se heurte à la hausse du prix de l’argent.

Selon Bloomberg, le besoin en fonds de roulement du Cocobod se monte à 1,2 Md$. La somme était habituellement levée auprès de banques internationales à un taux privilégié, l’activité étant relativement peu risquée. Mais à l’heure de l’argent cher et de l’aversion au risque des grandes banques internationales, le Cocobod a essuyé plusieurs refus cette année.

Alors qu’il empruntait, autrefois, à un taux parfois plus bas que celui demandé à l’Etat du Ghana, le Cocobod n’a pu boucler cette année qu’un tour de table de 800 M$. Il lui manque ainsi près d’un tiers de la somme nécessaire pour parvenir à écouler la production du pays.

Sur place, les transactions sont de plus en plus difficiles, avec des comptoirs qui restent fermés par manque de liquidités. Les planteurs sont dans l’incapacité d’écouler leur production, n’étant pas organisés pour exporter par eux-mêmes les fèves vers d’autres filières.

Le scénario noir serait celui d’une crise de solvabilité du Cocobod qui couperait la production ghanéenne des marchés internationaux. Car le bureau est non seulement en manque de liquidités, mais c’est en plus un habitué des pertes – ce qui n’est pas pour rassurer les potentiels prêteurs.

 

Les traders s’empiffrent déjà

 La nouvelle jambe haussière des cours du cacao de ces derniers jours prouve que les traders anticipent une pénurie durable.

La baisse de 30 % des récoltes justifie déjà pleinement une hausse des cours, et la situation tendue au Ghana pourrait mettre le feu aux poudres. Déjà, les industriels anticipent une hausse des prix telle qu’elle déclenchera un fléchissement de la demande, comme nous l’avons vu sur le marché de l’énergie en 2022. Selon Commerzbank, les achats industriels de cacao ont déjà baissé de 4 % sur un an – une diminution notable, mais encore trop faible pour compenser la moindre disponibilité des fèves.

Achat « plaisir » par excellence, il est probable que les consommateurs occidentaux continueront d’accepter de payer le prix fort pour leur chocolat. C’est déjà ce qui a été constaté l’an passé durant les fêtes pour le foie gras et le saumon fumé, dont les tarifs s’étaient pourtant envolés sous le coup de l’inflation alimentaire.

Si la demande en chocolat se maintient, le prix de la fève de cacao pourrait encore s’envoler vers les 5 000 $, voire 6 000 $ la tonne. Une hausse des prix qui sera dure à avaler pour les consommateurs… mais qui ravira les spéculateurs qui ne craignent pas de se placer sur les matières premières alimentaires pour dégager des bénéfices.

Et avec l’essor des véhicules boursiers comme les ETC (sortes d’ETF sans garantie sur le sous-jacent en cas de faillite de l’émetteur), il est plus simple que jamais, même pour les particuliers, de se placer sur les commodities et de profiter des hausses.

 

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Evolution de l’ETC Wisdom Tree Cocoa sur un an : un rendement à rendre jaloux les compartiments « actions »

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