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HighTechInfrastructures & hardware

La démocratisation du hardware va transformer l’économie

By 10 avril 2024avril 26th, 2024No Comments

Diagnostics, prothèses médicales, agriculture, soins pour personnes âgées : des transformations majeures se préparent dans ces secteurs grâce à la démocratisation du hardware. Mais elles ne viendront pas forcément de géants bien établis ou de scientifiques reconnus et primés : elles seront parfois l’œuvre de petites entreprises ambitieuses et d’inventeurs passionnés anonymes comme le montre Chris Campbell…

 

 

Le hardware – c’est-à-dire l’ensemble des machines et équipements informatiques – va changer le monde.

Il y a plus de 10 ans, Marc Andreessen avait raison quand il écrivait « les logiciels dévorent le monde » [NDLR : article intitulé « Why Software is Eating the World«  paru le 20 août 2011 dans The Wall Street Journal].

Mais nous sommes à l’aube d’un gigantesque retour de balancier.

Certes… Intel investit 20 Mds$ pour construire deux nouvelles usines de fabrication de puces en Arizona. Samsung construit une usine de semi-conducteurs à 17 Mds$. Tesla continue d’augmenter la production de ses usines de Californie, du Nevada, de New York et du Texas. General Motors (GM) a prévu d’investir 35 Mds$ dans les véhicules électriques (« VE ») et les véhicules autonomes (« VA ») jusqu’en 2025, et notamment dans de nouvelles usines de batteries dans l’Ohio et le Tennessee.

Mais… Je ne parle pas de ça.

Moi, je parle des projets fous, de ce qui fait changer les paradigmes, des « disrupteurs ».

Par exemple, alors que Boeing investit dans de nouveaux sites de R&D, de production et de tests dans le domaine de l’aérospatiale… Astro Mechanica souhaite réinventer le secteur des compagnies aériennes et nous emmener vers une nouvelle ère du transport aérien.

Alors que First Solar étend sa production de panneaux solaires dans l’Ohio, Heliogen développe un système solaire concentré susceptible de générer une chaleur extrême à des fins industrielles et de production d’électricité.

Alors que GM et Ford investissent des milliards dans les VE et les batteries, QuantumScape travaille sur une batterie à l’état solide (ou « batterie solide ») en lithium-métal susceptible d’améliorer de façon spectaculaire l’autonomie, la vitesse de chargement et la sécurité, par rapport aux batteries lithium-ion actuelles.

Et bien que la construction traditionnelle n’ait pas beaucoup changé, ICON imprime en 3D des bâtiments entiers à l’aide de matériaux avancés et de la robotique, avec pour objectif de créer des logements abordables et durables sur Terre et, peut-être même un jour, sur la Lune et sur Mars.

Ces entreprises ne se contentent pas d’utiliser les technologies existantes : elles innovent en adoptant des approches totalement nouvelles. Elles affrontent de grandes difficultés sur les plans de la technologie, de l’évolutivité et des coûts, afin de concrétiser leurs ambitieux projets visionnaires.

Mais en cas de succès, des innovations telles que ces panneaux solaires à haute température super efficaces, ces batteries solides pour VE, et ces bâtiments imprimés en 3D pourraient totalement transformer leurs secteurs respectifs, de même que l’ensemble de la société.

Avec cette nouvelle vague de « hardtech » réapparaissent de grands paris audacieux sur l’avenir.

Et il y a mieux.

 

Le hardware open source

Cela ne va pas arriver du jour au lendemain. Mais au cours des prochaines décennies, dans des secteurs économiques majeurs vont apparaître les premiers signes d’une transformation fondée sur des innovations accessibles et collaboratives réalisées sur le hardware.

Qu’est-ce qui motive ce profond changement ?

Pour commencer, les outils exigés pour développer un hardware ouvert et innovant sont désormais accessibles à presque tout le monde.

Des ordinateurs à carte unique (« single-board computer ») bon marché comme le Raspberry Pi  [NDLR : nano ordinateur de la taille d’une carte de crédit] et l’Arduino permettent à des petits génies de créer des appareils sophistiqués dans leur garage. Le prix des technologies de fabrication numérique – comme l’impression 3D et les machines-outils à commande numérique (MOCN) – a baissé de façon spectaculaire. Et une multitude d’ateliers de fabrication numérique offrent un accès partagé aux outils et au savoir-faire.

Sur le front collaboratif, un écosystème prospère est apparu autour du hardware open source. Les fabricants partagent gratuitement des modèles, du code, du savoir, sur des plateformes telles que GitiHub et Thingiverse. Les licences ouvertes encouragent une innovation « permissionless » [NDLR : qui ne nécessite aucune autorisation].  Et le financement participatif (« crowdfunding ») – surtout dans l’univers des cryptomonnaies – offre aux entrepreneurs une alternative au capital-risque traditionnel.

Et on a donc une explosion cambrienne de projets de hardware open source. En témoignent tous les gadgets réalisés sur Arduino [NDLR : plateforme de prototypage open source]. Ou cette communauté qui conçoit des prothèses de main dont le prix est très inférieur aux versions commerciales. Ou ces nombreuses entreprises qui bâtissent sur l’architecture open source RISC-V [NDLR : architecture de jeu d’instructions].

Nous évoluons vers une ère où le hardware sera accessible librement, personnalisable et remaniable à l’infini.

C’est un tournant décisif semblable aux premiers temps de la révolution du PC ou de la naissance du web. Sauf que, cette fois-ci, nous serons libérés à la fois des atomes et des bits.

Cela aura un impact profond.

Imaginez la santé. Des créations open source font déjà fonctionner des équipements de diagnostic améliorés et moins chers dans les pays en cours de développement. A mesure que les barrières réglementaires tomberont, des dispositifs médicaux personnalisés et fabriqués par les communautés deviendront la norme, et non une exception.

Ou bien prenez le secteur de la robotique, qui pèse 80 Mds$. Aujourd’hui, les robots sont surtout accessibles aux organisations disposant d’importants moyens financiers. Mais un certain nombre de petites startups sont en train de développer des plateformes de robots open source qui pourraient engendrer une explosion de nouvelles applications allant de l’agriculture aux soins pour les personnes âgées. On va revivre ce qu’il s’est passé avec le PC.

Les produits de grande consommation seront également transformés. L’écart entre la réalisation de prototypes et la production de masse, qui était abyssal, se réduit rapidement. Alors que la commercialisation d’un seul produit coûtait des millions, traditionnellement, les modèles open source et la production numérique permettent de plus en plus à des individus créatifs de lancer leurs propres produits, en quantité, et avec très peu de moyens.

Même les grands secteurs industriels seront affectés. Les principaux constructeurs automobiles mettent les modèles de VE et de VA en open source. Des géants de l’aérospatiale expérimentent des innovations ouvertes. General Electric possède toute une division dédiée au hardware open source. Ces géants admettent que la dynamique du « gagnant qui rafle tout » cède la place à un monde où l’innovation permissionless stimule le progrès.

Certes, la révolution de l’open source n’en est qu’à ses débuts. Il demeure des difficultés autour du financement, de la distribution et de la réglementation. Et l’esprit égalitaire de ce mouvement peut parfois retarder une normalisation et une professionnalisation cruellement nécessaires.

Après tout, le hardware, c’est difficile.

Mais les tendances sont incontestables. Nous entrons dans un monde où le hardware open source ne sera plus réservé à ceux pour qui c’est un passe-temps. Il fera fonctionner de puissantes machines et transformera des secteurs majeurs.

Les membres de la génération Z seront les héros de ce mouvement.

Les entreprises qui adopteront ce changement seront prospères alors que celles qui y résisteront s’étioleront. On en revient à la fameuse destruction créatrice de Schumpeter

L’opportunité en présence est immense.

Les responsables politiques et les chefs d’entreprise devraient se demander comment on peut accélérer la révolution du hardware open source pour débloquer l’innovation et l’entrepreneuriat, et générer une vaste croissance économique. Les universités et les programmes de formation devraient diplômer plus de contributeurs, et pas que des consommateurs. Et les investisseurs devraient reconnaître que certaines des entreprises à un milliard de dollars de demain seront bâties et non rachetées.

Les institutions ne peuvent se permettre d’observer cette tendance depuis le banc de touche. Comme les petites startups qui en sont à l’origine, elles doivent retrousser leurs manches, mettre les mains dans le cambouis et s’y mettre. Les outils sont bon marché, les connaissances accessibles et la communauté est mondiale. Le moment n’a jamais été aussi propice à la création.

Au cours de la prochaine décennie, la vieille bataille entre opérateurs du hardware (machines) et rebelles du software (logiciels) se déroulera dans tout le paysage économique. Les vainqueurs seront ceux qui auront opté pour la démocratisation de l’innovation et qui ne craindront pas d’être un peu ouverts.

L’avenir du hardware est là. Mais il ne s’est pas encore totalement démocratisé.

 

Chris Campbell

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