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Alors que vient de se produire un des rallys haussiers les plus contre-intuitifs de l’histoire de Wall Street, les détenteurs de bons du Trésor viennent de subir une perte en capital encore jamais vue… De nouvelles réformes fiscales aux Etats-Unis pourraient-elles combler ce déséquilibre ? 

Le mois de mars 2022 restera dans l’histoire des marchés – si l’on en reste là – comme celui du plus grand carnage obligataire planétaire depuis mars 1987, février 1994 puis octobre 2016.

Le rendement des T-Bonds de maturité « 7 ans » affiche +90 Pts depuis le 1er mars, ce qui entraîne symétriquement une perte en capital jamais observée pour les détenteurs de bons du Trésor US, sur un intervalle de quatre semaines.

L’absence d’impact négatif d’une hausse de 33 Pts du rendement du « 10 ans » US sur les actions, lors de la semaine du 10 au 25 mars (avec une hausse de 1,85% du S&P 500), constitue une grande première, dans l’Histoire.

Mais nous n’en avons pas fini avec l’inédit, puisque le dollar n’a quasiment pas progressé face à l’euro le 25 mars (+0,1%), alors que la rémunération offerte par les T-Bonds US bondissait de 14 Pts à 2,485% (au plus haut depuis plus de 3 ans). Dans le même temps, le rendement des OAT ne progressait que de 4 Pts, et les Bunds de 5 Pts, soit un avantage de 10 Pts pour le billet vert.

Plus singulier encore : le yen – dont la BoJ a fixé le rendement à 0,00% – s’appréciait de 0,2% face au dollar.

Une partie de l’explication pourrait résider dans l’anticipation d’une accélération de la croissance japonaise, malgré un baril qui a doublé en 1 an (à 115 $) et un prix du gaz qui a triplé. Comme on imagine mal que cela soit lié à une embellie conjoncturelle spontanée au pays du soleil levant, et encore moins planétaire (vu la flambée des taux en cours), cela signifie qu’une hausse des exportations nippone résulterait probablement d’une nette baisse – en relatif – de celles de la Chine.

La Chine, qui multiplie les confinements massifs (politique du « zéro COVID ») et ferme épisodiquement ses principaux ports, s’impose comme un fournisseur moins fiable qu’avant la pandémie. Son soutien implicite à la Russie pourrait lui valoir des sanctions douanières comme sous l’ère Trump.

Mais attention cette fois à la riposte de Pékin : une dédollarisation à la russe – et la montée en puissance des « pétro-Yuans » – pourrait se solder par une non-participation au refinancement de la dette US (moins de $ à recycler), voire à des liquidations de T-Bonds US qui pèseraient lourd sur les grands équilibres financiers américains.

Peut-être faut-il y voir l’une des raisons de la divulgation par la Maison-Blanche, ce 26 mars, d’un projet de Joe Biden (historique à plusieurs titres) visant à mettre à contribution des ultra-riches pour accroître les recettes fiscales aux Etats-Unis.

C’est une inversion de vapeur radicale, car depuis 2001, toutes les réformes fiscales ont eu pour effet de diminuer l’imposition des 1%, et même surtout des 0,01% les plus riches.

Joe Biden a l’intention de proposer une taxe minimale de 20% sur les ménages possédant un patrimoine supérieur à 100 M$ (soit 0,01% des contribuables), ce qui permettrait de réduire de 1 000 Mds$ les déficits budgétaires d’ici 2032.

Ceux possédant un patrimoine d’au moins 1 Md$ y contribueraient pour moitié, notamment via une taxe sur les plus-values boursières latentes.

C’est un projet que beaucoup qualifient de « communiste ». Ce serait « l’un des impôts les plus fous de l’histoire du pays », selon les libéraux, car il contraindrait effectivement les détenteurs d’un portefeuille à vendre l’équivalent de la taxe qu’ils devraient acquitter sur les plus-values non réalisées.

Grâce à l’argent magique de la Fed, la capitalisation de Wall Street – et la fortune des 0,01% – avait plus que doublé en 2 ans, sans que les plus fortunés des actionnaires aient à consentir le moindre effort.

La valeur des actions cotées sur le Wilshire-5000 (incluant les valeurs du S&P 500/Nasdaq/Russell-2000) représentait plus de 2 fois le PIB américain début janvier.

Et cette inflation sans précédent de la valeur des actions n’a rapporté que des miettes au budget fédéral : une refonte de la fiscalité incluant les plus-values latentes permettrait de compenser une partie de l’explosion historique des dépenses pour lutter contre le coronavirus.

Sachant que de nombreux parlementaires démocrates font partie des 0,01% et que les républicains (bientôt majoritaires selon les dernières projections concernant le scrutin des « Midterm ») sont farouchement contre, il y a peu de chances que Joe Biden parvienne à faire adopter une telle réforme.

Mais il s’agit tout de même d’un message symbolique fort et qui tombe au moment où vient peut-être de se produire l’un des rallys haussiers les plus violents et les plus contre-intuitifs (pour ne pas dire insensés) de l’histoire de Wall Street. Tous les aspects du contexte sont tellement négatifs (inflation incontrôlée, hausse de taux, guerre, pénuries…) que la plupart des investisseurs sont positionnés à la baisse sur les marchés.

Et comme à une table de poker, ceux qui pensaient détenir un brelan d’as (ou mieux), se « font retourner » par un « tapis » lancé par un des joueurs qui ne possède peut-être plus qu’une paire de 2… Mais il le fait avec une telle assurance et avec une masse de jetons tellement énorme que ses adversaires n’ont d’autre choix que de jeter l’éponge (et de se racheter à tout prix), ou emprunter pour pouvoir suivre l’enchère (oui, je sais, au poker, face à un « tapis » on ne « suit » qu’avec les jetons que l’on possède, mais il n’est pas interdit de jouer à crédit), avec le risque de perdre plus que sa couverture… ou de faire fortune, si l’on a les nerfs assez solides.

Et face à un « tapis », il n’y a pas de surenchère possible : c’est le moment où chacun montre ses cartes (ceux qui misaient à la table obligataire viennent de se faire « défoncer » par la Fed).

Bientôt, sonnera l’heure de vérité où l’on saura si l’un ou plusieurs joueurs n’ont pas « jeté leur main » (leurs positions « short »). Dans le cas contraire, c’est le roi du bluff qui aura gagné.

Philippe Bechade

Rédacteur en chef de « La Bourse au Quotidien » et de la lettre « Béchade confidentiel », Philippe Béchade rédige depuis 2002 des chroniques macroéconomiques et boursières. Il est également l’auteur d’un essai, "Fake News", qui fait office de manuel de réinformation sur les marchés financiers. Arbitragiste de formation, analyste technique, il fut en France dès 1986 l’un des tout premiers traders et formateur sur les marchés à terme. Intervenant régulier sur BFM Business depuis 1995, rédacteur et analyste contrarien, il s'efforce de promouvoir une analyse humaniste, impertinente et prospective de l’actualité économique et géopolitique.

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