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Bayer continue dans la destruction de valeur

By 18 novembre 20242 Comments

En 2016, Bayer a acquis le géant Monsanto, espérant ainsi renforcer sa position dans l’agrochimie. Huit ans plus tard, le bilan est désastreux : l’entreprise a perdu de nombreux procès et des milliards d’euros. Depuis, la confiance des actionnaires ne cesse de s’éroder.

 

 

Les grands noms de l’industrie européenne ont bien du mal à tenir leur rang dans le contexte économique actuel, comme nous le prouve le feuilleton Bayer.

Fin novembre dernier, suite à l’arrêt anticipé de l’étude de phase III de l’Asundexian, le titre abandonnait près de 18 % en une séance de cotation. La Bourse sanctionnait la disparition prématurée de ce qui devait être le relais de croissance de la décennie – alors que son succès restait très hypothétique, comme je vous l’expliquais à l’époque.

Moins d’un an plus tard, c’est l’annonce de résultats trimestriels décevants qui a une nouvelle fois envoyé le titre au tapis. Dans la nuit du 11 au 12 novembre, le titre du géant allemand a perdu 12 %. Aucun flux acheteur ne s’est manifesté dans les heures qui ont suivi, et la glissade s’est poursuivie jusqu’à -17,3 % lors de la séance du 13 novembre.

Cette perte symétrique à la séquence de 2023 a de quoi donner des sueurs froides aux investisseurs. Entre ces deux gaps baissiers, qui ne furent jamais comblés, le titre a continué sa lente érosion. Résultat des courses : l’action cède près de 50 % sur un an, dont 40 % depuis le 1er janvier. Et que l’on regarde l’évolution du titre à un an, deux ans, ou dix ans, la baisse semble inarrêtable.

 

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Evolution de l’action Bayer sur 10 ans : de baisse en baisse, la destruction de valeur dépasse désormais les -80 %. Infographie : Investing.com

 

 

Avec une capitalisation boursière tombée sous les 21 Mds€ la décote peut sembler excessive pour un groupe vieux de plus de 150 ans, dont les ventes annuelles s’établissent bon an mal an entre 40 et 50 Mds€, et dont les actifs sont évalués à plus de 100 Mds€.

Mais la sanction boursière, si cruelle qu’elle soit, matérialise en réalité la fin d’un modèle économique. Après avoir survécu à deux guerres mondiales, au choc pétrolier de 1973 et aux mutations technologiques de la fin du XXsiècle, le groupe a mal négocié l’évolution du paysage économique européen.

Si les méthodes du siècle passé ont pu faire illusion durant les années 2000, elles atteignent désormais leur limite. Faire grossir toujours plus les conglomérats n’est plus ni un gage de résilience, ni une garantie de croissance.

Après l’échec de la stratégie dans la santé, c’est désormais la suprématie dans l’agrochimie qui est remise en question. Le coup de poker du rachat de Monsanto en 2016 se transforme en boulet financier – au point de faire plonger les comptes trimestriels dans le rouge vif.

 

Bayer: la mutation mal anticipée de l’agriculture verte

Lorsqu’il a mis 63 Mds€ sur la table pour racheter Monsanto en 2016, le géant Bayer espérait asseoir sa domination dans l’agrochimie pour les décennies à venir. De fait, en mettant la main sur le fameux Roundup, le groupe allemand s’est offert l’herbicide le plus utilisé au monde.

Mais l’évolution de la perception de cette molécule contestée, symbole de l’agriculture industrielle moderne, coûte cher. Les procès autour des dégâts sanitaires du glyphosate, molécule active de l’herbicide accusée de provoquer des cancers, ont déjà coûté 16 Mds€ à Bayer – et rien ne dit que cette facture n’ira pas en augmentant.

En plus de ces près de 80 Mds€ déjà dépensés, externalités comprises, Bayer doit maintenant faire face à des volumes en berne. Au dernier trimestre, les ventes du composé-phare se sont effondrées de -19 %, faisant passer le chiffre d’affaires de la division agrochimie sous le seuil psychologique des 4 Mds€ (3,99 Mds€, -3,6 % sur un an).

Pour des raisons de transparence comptable, la direction a été contrainte de procéder à des réévaluations d’actifs. Cette opération vérité a coûté cher, avec une dépréciation d’actifs de 4,09 Mds€ dans les comptes trimestriels.

Les prévisions sur l’ensemble de l’année ont également été revues à la baisse.

L’Ebitda, le bénéfice avant intérêts et impôts, dépréciations et amortissements, n’est plus attendu entre 10,7 et 11,3 Mds€ mais entre 10,4 et 10,7 Mds€. Malgré le plan de restructuration engagé l’an passé, la marge devrait encore se dégrader, passant d’une fourchette de 20 % à 22 % à une estimation comprise entre 18 % et 20 %.

 

 

Quel salut pour le géant de la chimie ?

Si la Bourse a été si dure avec l’action Bayer, c’est que le groupe ne parvient plus à lisser les pics et les creux d’activité grâce à sa taille.

Les actionnaires sont en droit d’attendre d’un paquebot industriel qu’il ne tangue pas sous l’assaut des vaguelettes… mais la suprématie dans l’agrochimie et les ventes dans la santé de Bayer ne suffisent plus pour équilibrer les comptes.

Le deuxième trimestre 2024 avait déjà fait l’effet d’une douche froide avec une perte nette constatée de 34 M€. Au troisième trimestre, la situation devient critique avec une perte atteignant les 4,18 Mds€. Certes, la dépréciation d’actifs dans l’agrochimie représente plus de 97 % du montant… mais les dépréciations d’actifs sont bien des pertes, même si elles n’ont pas d’effet sur le cash disponible. Et, hors dépréciation d’actifs, la perte subie est tout de même trois fois supérieure à celle du trimestre précédent.

La direction convient même que « les défis réglementaires supplémentaires et les pressions sur les prix de nos produits génériques devraient peser sur les activités de protection des cultures » l’an prochain. Aucun rebond significatif des ventes n’est donc à attendre dans l’agrochimie.

Reste à savoir si la restructuration massive qui devrait s’achever en 2026 portera ses fruits sur le long terme. Après déjà 5 500 suppressions de postes cette année, Bayer espère générer pour 2 Mds€ d’économies par an d’ici deux ans. Une baisse des coûts suffisante pour faire repasser les comptes dans le vert si les ventes se maintiennent au niveau actuel, si les affaires autour du Roundup cessent de se multiplier, si le prix de l’énergie en Europe cesse d’augmenter, et si les dépréciations d’actifs ne sont plus nécessaires.

Un alignement des planètes bien incertain qui a de quoi faire douter de la capacité du groupe à générer de nouveau des flux de trésorerie significatifs. Pour les actionnaires, le retour du dividende de l’ordre de 2 € par an qui était la norme jusqu’en 2022 est de plus en plus hypothétique. Sans le soutien du rendement, le cours de l’action pourrait continuer de plonger à mesure que les trimestres dans le jour se multiplient.

 

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

2 commentaires

  • Avatar Francis dit :

    Les anciens propriétaires de Monsanto savaient que leur entreprise allait faire face à de gros problèmes judiciaires. C’est pourquoi ils l’ont vendue à des naïfs. Le brevet du glyphosate était déjà tombé dans le domaine public, donc largement copié. La rentabilité du glyphosate n’existait plus pour Monsanto que étant associée aux cultures OGM résistantes à cette molécule. Or cette technique de culture est à juste titre fortement contestée par les écologistes. Cette molécule est biodégradable, mais à condition que son utilisation respecte un certain nombre de précautions………non compatibles avec les cultures d’ OGM.

  • Avatar Francis dit :

    « Mettre la main sur l’herbicide le plus utilisé au monde » ne servait à rien. Il peut être fabriqué et vendu par n’importe qui. La transition agroécologique de l’agriculture augmente son utilisation, il remplace la charrue. Mais ceci par définition en l’absence de culture, soit avant ou immédiatement après le semis. C’est une bonne chose qu’il soit interdit comme accélérateur de maturité en culture classique et comme désherbant en cours de végétation sur culture OGM parce que là, on en retrouve dans les graines récoltées. Pour l’agriculture européenne, cela devrait donner un avantage commercial mais qui malheureusement n’est pas exploité.

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