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Matières PremièresOr et matières premières

Aluminium : entre surabondance et pénurie

By 13 mars 2023mai 15th, 2023No Comments

Après avoir perdu 40 % en six mois l’année passée, l’aluminium vient de matérialiser début mars un rebond qui pourrait préfigurer d’un retour sur ses plus-hauts. Pourquoi ce métal aussi présent sur Terre viendrait-il à manquer ?

 

Après un pic à 3 500 $ la tonne (3 500 $/t) en 2022, le métal a subi une correction comme il en connaît fréquemment après les phases de hausse. Mais, contrairement aux mouvements de 2009, 2015 et 2020, qui l’avaient ramené autour des 1 500 $/t, la vague baissière de ces derniers mois semble avoir trouvé un support inattendu sur les 2 200 $/t.

En ce début d’année, les facteurs fondamentaux ont pris le pas sur la psychologie des marchés. Alors que le ralentissement mondial laissait penser qu’une surproduction était imminente, voilà que l’offre marque le pas et renverse le rapport de force entre acheteurs et vendeurs.

Aluminium_USD_tonne

Evolution du cours de la tonne d’aluminium depuis 15 ans. Cette fois-ci, le retour sur les 1 500 $ n’est pas garanti.

Infographie : Tradingeconomics.com

 

Comme souvent sur le marché des matières premières, c’est à la Chine que nous devons ce revirement de situation. La réouverture du pays en début d’année est venue doper la consommation, tandis que de nouvelles restrictions environnementales vont faire baisser la production dans les prochaines semaines.

Il n’en fallait pas plus pour que les traders reprennent des positions haussières, à contre-pied des mouvements historiques. Pour les analystes de Citi, la tonne d’aluminium pourrait retrouver les 3 000 $ dans les mois qui viennent – soit une marge de progression de 25 %.

Dans la grande famille des matières premières industrielles, l’aluminium devrait avoir une situation privilégiée dans les prochains mois. Et à long terme, la transition énergétique va encore soutenir la demande. Car même s’il est moins médiatique que le lithium ou le nickel, l’aluminium fait partie des éléments irremplaçables de la course au zéro carbone.

  

Pourquoi nous manquons d’aluminium

L’aluminium n’est, en soi, pas rare. Contrairement au lithium ou à l’uranium, qui représentent respectivement 0,002 % et 0,0003 % de la composition en masse de la croûte terrestre – ­et pour lesquels nous savons que les besoins de notre société industrielle dépassent largement les ressources disponibles – l’aluminium est même surabondant.

Représentant près de 8 % de la masse de la croûte terrestre, il s’agit du deuxième métal le plus abondant après le silicium.

Mais cela ne signifie pas qu’il soit disponible pour autant. Du fait de sa réactivité, l’aluminium ne peut être simplement extrait du sous-sol où il n’est pas présent à l’état pur, mais sous forme d’oxydes et de silicates.

Pour obtenir de l’aluminium métallique si prisé pour sa légèreté, sa malléabilité, sa résistance à la corrosion et sa solidité à masse donnée, une réaction chimique est nécessaire. Or, celle-ci est très gourmande en énergie, plus précisément en électricité.

Pour les spécialistes, l’aluminium n’est pas une ressource minière, c’est de « l’électricité en lingots ». Produire de l’aluminium à partir de son oxyde (l’alumine, contenue dans la bauxite) nécessite 13,5 MWh d’électricité par tonne de métal. Il s’agit là d’une contrainte physique due à la réaction chimique nécessaire à la réduction de l’aluminium, et qui ne pourra jamais être significativement modifiée.

Ainsi, même si tous les pays du monde ou presque sont capables d’ouvrir des mines de bauxite, seuls ceux disposant d’une électricité fiable et bon marché, sont en mesure de produire de l’aluminium à bas prix. Il faut, en outre, être capable d’accepter la pollution due aux rejets de cette industrie particulièrement polluante.

Comme pour bon nombre de matières premières, la Chine a endossé ces dernières années le rôle de premier producteur mondial, tandis que les pays développés se délestaient bien volontiers de cette industrie énergivore et polluante.

Mais en ce début d’année, les contraintes environnementales viennent obliger l’Empire du Milieu à réduire la production d’aluminium. Les stocks chinois ont diminué de -5,6 % sur la première quinzaine de février 2023 selon le média AlCircle, et la baisse devrait se poursuivre dans les prochaines semaines.

 

Une production chinoise en baisse

Comme la France, la Chine est touchée par une vague de sécheresse cet hiver.

Dans la province du Yunnan, le manque d’eau dans les barrages a conduit les autorités à réduire la production hydroélectrique. Naturellement, les industriels locaux ont été mis à contribution pour diminuer la demande d’électricité et permettre d’éviter les black-outs sur le réseau.

Dans le seul Yunnan, ce sont pas moins de 415 000 tonnes qui ne seront pas produites au printemps, l’équivalent de la moitié de la production annuelle des Etats-Unis. Des mesures similaires avaient déjà été prises en 2021, lorsque la ville de Baotou en Mongolie intérieure avait été sommée de réduire sa production d’aluminium pour des raisons identiques.

La Chine paye, paradoxalement, son effort de décarbonation. Ces dernières années, de nombreuses industries énergivores ont été déplacées dans le Yunnan pour réduire leur intensité carbone.

Alors que l’électricité produite dans l’Empire du Milieu est encore issue à plus de 60 % de la combustion de charbon, le Yunnan fait office de bon élève avec 80 % de l’électricité issue de barrages hydroélectriques. Dans cette province de plus de 40 millions d’habitants, l’électricité est ainsi largement plus décarbonée et plus renouvelable qu’en France.

Mais la production électrique des barrages reste dépendante de la quantité d’eau dans les retenues, et les autorités locales ont prouvé à de nombreuses reprises qu’elles utiliseraient l’industrie comme variable d’ajustement de la consommation électrique.

La production chinoise, qui représente plus de la moitié de l’offre mondiale d’aluminium, pourrait ainsi rester en berne jusqu’à l’automne 2023.

 

La transition énergétique pour soutenir les cours

A moyen terme, la Chine est en mesure d’augmenter significativement ses volumes de production. Alors que le Yunnan pouvait produire 2 millions de tonnes d’aluminium par an en 2017, sa capacité annuelle dépasse aujourd’hui les 5 millions de tonnes.

Cette offre supplémentaire ne sera pas superflue : avec la transition énergétique, la demande en aluminium est amenée à augmenter dans des proportions encore plus importantes.

L’aluminium est en effet un métal vital pour aller vers la décarbonation. Il est utilisé dans les pales et les nacelles d’éoliennes, les cathodes de batteries lithium NCA, dans les aimants permanents et comme structure de panneaux solaires.

Selon les calculs de l’IFPEN, la demande cumulée en aluminium à horizon 2050 devrait mobiliser entre 25 % et 64 % des ressources disponibles en bauxite sur l’ensemble de la planète. Autant dire qu’à l’instar des hydrocarbures fossiles, l’humanité s’apprête à utiliser tout l’aluminium sur lequel elle pourra mettre la main.

Au début du siècle dernier, l’aluminium coûtait plus cher que l’étain, valait le double du cuivre et près de huit fois plus que le zinc. Aujourd’hui, même à plusieurs milliers de dollars la tonne, il est si peu cher que nous l’utilisons pour emballer nos sandwiches. Une fois que la parenthèse de surabondance d’énergie fossile dans laquelle nous vivons aura été refermée, le prix de l’aluminium reflètera de nouveau son coût de production réel, directement lié à celui de l’énergie.

Les 3 500 $/t pourraient rapidement sembler bon marché pour ce métal irremplaçable.

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