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Hertz : le pari contrarien de Bill Ackman

By 28 avril 2025No Comments

En apparence, le titre Hertz ne figure pas parmi les investissements les plus alléchants. Entre une faillite retentissante en 2020 et un pari contestable sur l’électrique l’année suivante, la société semblait sur la mauvaise pente. Pourtant, les annonces douanières de Donald Trump pourraient offrir une bouffée d’air frais au groupe. C’est en tout cas le pari du milliardaire Bill Ackman, qui mise sur un retournement de situation pour l’ancien géant de la location de véhicules.

 

Les mesures économiques de Donald Trump n’en finissent plus de rebattre les cartes. Alors que les conséquences négatives ont rapidement été prises en compte par les « grosses mains », qui ont envoyé les actions américaines au tapis, les investisseurs les plus contrariens cherchent maintenant des effets de deuxième ordre capables de favoriser certaines entreprises pour pouvoir repasser à l’achat.

C’est ce que vient de faire le milliardaire Bill Ackman, en prenant une participation massive dans le loueur de voitures Hertz par le biais de son fonds spéculatif Pershing Square. Alors qu’il ne détenait que 4 % du capital début janvier, il a annoncé fin avril posséder désormais 19,8 % de Hertz – juste sous le seuil technique des 20 %.

Cette annonce a arraché le titre du loueur à la hausse, le propulsant de 3,6 $ à 9 $ en quelques jours de cotation.

 

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L’action Hertz (NASDAQ:HTZ) s’envole de plus de 130 % sur un mois. Infographie : TradingView

 

Bill Ackman joue gros : avec cette prise de participation, son fonds devient le deuxième plus gros actionnaire de Hertz derrière un autre fonds, Knighthead Capital Management, qui possède plus de 30 % du capital.

Le pari a de quoi surprendre lorsque l’on sait à quel point la situation financière du groupe est précaire. Après le fiasco de l’achat des 100 000 Tesla, contre lequel nous vous mettions en garde l’an passé, Hertz a signé un exercice 2024 calamiteux. Il a perdu pas moins de 2,9 Mds$ sur l’année, et continue de payer le prix de son pari dans le véhicule électrique.

Plus inquiétant encore, sa dette dépassait à la fin de l’hiver les 6 Mds$, et le groupe fait déjà face à des actions en justice de ses créanciers. Selon Bloomberg, il serait même contraint d’envisager de nouvelles émissions d’actions ou levées obligataires pour financier ses dettes à court terme arrivant à échéance dès l’an prochain – sans même commencer à s’attaquer aux milliards à rembourser en 2028 et 2029.

Avec une capitalisation boursière qui ne représentait plus que trois mois de chiffre d’affaires mi-avril, Hertz était valorisé pour une faillite imminente. Même sa dette corporate s’échangeait sur le marché secondaire avec une décote de 52 %, signe que les prêteurs à horizon 2029 ne comptaient même pas récupérer la moitié de leur mise en cas de restructuration.

Le pire semblait certain à court terme pour le groupe, qui a déjà fait faillite en 2020. Mais pour Bill Ackman, les barrières douanières de Donald Trump vont tant bouleverser l’industrie automobile qu’Hertz pourrait, paradoxalement, gagner une petite fortune sur le dos de l’économie réelle.

 

 

Hertz : le pari de la pénurie

Bien que fervent supporter de Donald Trump, Bill Ackman ne mâche pas ses mots quant à l’inanité des barrières douanières décidées par le nouveau président. Début avril, le milliardaire les qualifiait dans un message public de « massives » et « disproportionnées », avant de considérer qu’elles « détruisaient la confiance accordée par les partenaires commerciaux [aux Etats-Unis], en tant que lieu où faire des affaires et où investir ». Il concluait son appel à Donald Trump par un cinglant « ce n’est pas ce pour quoi nous avons voté ».

Ces remords électoraux passés, Bill Ackman a repris sa casquette d’investisseur opportuniste, et a conclu que le nouveau contexte douanier causerait une pénurie massive de véhicules aux Etats-Unis.

Les retours de terrain tendent à lui donner raison : les marques Volkswagen et Audi ont annoncé suspendre, début avril, les livraisons de véhicules depuis l’Europe et le Mexique. Les marques Jaguar et Land Rover en ont fait de même, et le stock de voitures neuves aux Etats-Unis a déjà plongé de 91 jours de vente à 70 jours de vente en à peine trois semaines selon CNBC.

Or, une telle situation de pénurie de véhicules neufs s’est déjà produite il y a peu. Au sortir de la pandémie, lors de la crise de disponibilité des puces électroniques, les constructeurs automobiles avaient le plus grand mal à assembler des véhicules neufs. Les parkings des concessionnaires se sont vidés, et le prix des véhicules d’occasion s’est envolé – certains modèles s’échangeant plus cher en seconde main que le prix du neuf, pour lequel les clients faisaient face à des mois d’attente.

Or, Hertz est à la tête d’un parc automobile de près d’un demi-million de véhicules, dont la valeur actuelle est estimée à 12 Mds$. Sur X, Bill Ackman s’est fendu d’un calcul conservateur : avec une simple augmentation de 10 % du prix moyen des véhicules d’occasion, la valeur du parc détenu par Hertz augmenterait de 1,2 Md$. Et avec 20 % de hausse, un chiffre qui n’a rien d’inatteignable en période de pénurie, le parc vaudrait 2,4 Mds$ de plus qu’en début d’année… soit l’intégralité de la capitalisation boursière de Hertz avant la montée au capital de Pershing Square !

A plus long terme, Bill Ackman voit même un retour à l’équilibre des comptes et la possibilité d’un partenariat avec Uber, de quoi pérenniser la structure une fois passé le mur de la dette.

Le pari est risqué, mais la thèse d’investissement est cohérente. Et avec son réseau à Wall Street et à Washington, Bill Ackman est bien placé pour s’assurer qu’aucune réglementation ne viendra mettre des bâtons dans les roues de son nouveau véhicule d’investissement. En comptant une personnalité de poids à son capital, Hertz pourra repousser plus facilement les attaques des prêteurs obligataires qui ont tout intérêt à pousser le groupe à la faillite pour en prendre le contrôle.

Entre consommateurs et entreprises, prêteurs et actionnaires, la lutte de pouvoir va être homérique… mais potentiellement lucrative pour qui se trouve du bon côté.

 

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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