Philippe Béchade vous livre dans cette analyse un florilège de données saisissantes qui donnent à penser que le deuxième trimestre boursier sera anthologique. Attention tout de même à l’excès d’emballement…
Tenez-vous bien : il s’est investi 25% plus d’argent dans les fonds actions de par le monde en l’espace de cinq mois (569 Mds$ depuis le 1er novembre) qu’au cours des 144 mois précédents (« seulement » 452 Mds$). Autre donnée impressionnante : le volume des échanges a augmenté de 40% au premier trimestre par rapport aux trois derniers mois de 2020.
Quant à l’entame du deuxième trimestre, elle est exceptionnelle en raison d’un nombre exceptionnel de facteurs techniques exceptionnels.
Pour commencer, la première semaine du trimestre s’est inaugurée par un « gap » haussier sur le S&P500 (le 5 avril). Dans le même temps, un « gap » baissier sur le VIX, l’indice qui mesure la volatilité, est venu combler le surlendemain le « gap » haussier du 25 février 2020.
La VIX a même littéralement plongé, décrochant de 8% vers 18,4 points sur la semaine (et même jusqu’à -10% en séance, juste au-dessus des 18 points), ce qui traduit un niveau de confiance sans précédent depuis fin février 2020. Pour en revenir au S&P500, il a inscrit par ailleurs cinq records à l’issue des six premières séances du trimestre, dont un nouveau zénith à 4 128,8 points le 9 avril ; ainsi que des plus hauts niveaux de valorisation historique le même jour à 36,7 fois les bénéfices selon le ratio de Shiller (deux fois la valorisation médiane sur 150 ans) et 22,3 fois selon le mode de calcul le plus « hédoniste », qui se base sur une moyenne de 15 ans, la norme étant voisine de… 13.
Toujours le 9 avril, trois autres indices majeurs de Wall Street ont battu un record : le Dow Jones, le NYSE Composite et le Dow Jones Global Index à respectivement 33 800, 15 960 et 43 145 points. Et ce n‘est pas tout : le ratio de capitalisation Wall-Street/PIB américain vient pour sa part de dépasser les 200%, à 200,1%… pour la première fois de l’Histoire, non pas des seuls marchés américains, mais de l’ensemble des marchés de la planète (le précédent record était de 138 en mars 2000, ce qui représente une hausse de 47%).
Une hausse des bénéfices déjà « pricée »
Alors certes, la croissance devrait être exceptionnelle aux Etats-Unis cette année, de l’ordre de 6,5%, mais rappelons que cette hausse spectaculaire intervient après un repli de 3,5% en 2020. De leur côté, les bénéfices des entreprises américaines au titre du premier trimestre devraient ressortir en hausse de 23,5% sur douze mois, mais le S&P500 et le Nasdaq se sont adjugés respectivement 67 et 75% par rapport à leurs niveaux de la fin mars et cette hausse des profits était déjà dans les cours au 31 août dernier.
Ce jour-là, les taux longs américains évoluaient 100 points en dessous de leurs « standards » actuels. Les conditions monétaires se sont donc nettement dégradées, mais le niveau actuel des taux est encore plus absurdement bas par rapport à la moyenne de la croissance et de l’inflation anticipés à la fin de l’été 2020, ce qui signifie qu’ils ont une marge de progression comprise entre 250 et 300 points avant de seulement se rapprocher du taux « neutre » (ni restrictif, ni accommodant).
Or, 50 points de base de plus sur le loyer de l’argent ou le rendement du dix ans américain suffiraient à désintégrer Wall Street et les marchés.