Malgré les reconfinements en Chine, la guerre en Ukraine, les futures pénuries, Philippe Béchade entrevoit de l’espoir pour les marchés. En effet, les banques centrales vont sûrement soutenir l’économie et tout ira pour le mieux.
Les défis s’accumulent pour les marchés financiers : après la guerre en Ukraine, voilà que la Chine reconfine à coups de métropoles de plus de 10 millions d’habitants.
Plus précisément, Shenzen a une population totale de 17,5 millions, dont plus de 11,5 de salariés.
Ajoutez à cela que Pékin recommence à reconfiner des « quartiers » de Shanghai, dont un « quartier » compte un million d’habitants, si ce n’est plus !
De plus, la seconde semaine de mars s’est conclue par un rebond de 3,5% du CAC40 tandis que le S&P500 a lâché 2,7%, le Nasdaq -3,4%… Une résilience qui invite à considérer l’hypothèse qu’avec 12,5% perdus depuis le 1er janvier, la plupart des circonstances adverses sont « pricées » dans les cours.
Après tout, deux mois avant qu’un conflit n’éclate en Ukraine, l’inflation atteignait déjà 7,5% aux Etats-Unis et plus de 5% en Europe, au plus haut depuis 40 ans. Les marchés s’en sont bien accommodés et ont malgré tout fini l’année 2021 au zénith.
Et ce n’était pas leur bouquet final puisque les indices boursiers ont entamé l’année 2022 sur deux nouveaux records absolus, le CAC40 se hissant vers 7 380 points, malgré une envolée de 550 Mds€ (+20%) de l’endettement de la France en deux ans et un début de récession chez son principal partenaire économique, l’Allemagne.
Les investisseurs n’ont commencé à quitter leur petit nuage qu’au soir du 5 janvier à cause de « minutes » de la FED faisant de la lutte contre l’inflation une priorité sur fond de « normalisation » de la politique monétaire, synonyme de coup d’arrêt à l’argent abondant et gratuit.
Wall Street ne s’en est jamais vraiment remis. Et le marché obligataire US non plus.
Le mois de janvier avait bien failli s’achever au plus bas : la séance euphorique du 31 janvier avait permis in extremis de limiter la casse et les premières séances de février entretenaient l’illusion d’un possible retour vers les sommets, malgré un baril de « WTI » à 93 $ dès le 4 février.
Mais à partir du 10 février, il ne fut plus question que des troupes russes se massant aux frontières de l’Ukraine.
Et la suite, vous la connaissez…
En ce qui concerne l’avenir, personne ne se risque au moindre pronostic, surtout après que notre ministre des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian ait annoncé que les pourparlers de paix russo-ukrainiens du week-end avaient échoué et que Vladimir Poutine faisait semblant de négocier tout en continuant de bombarder tous azimuts.
Combien de fois au cours des 50 dernières années des marchés n’ont-ils perdu que 12 à 15% avec une inflation nettement plus élevée que la croissance – et multi vectorielle contrairement au « choc pétrolier » des années 1970/1980 – avec des investisseurs avouant n’avoir jamais éprouvé un tel sentiment d’incertitude depuis le 11 septembre 2001 ou la faillite de Lehman Brothers.
Mais admettons que la nature « optimiste » des marchés soit étayée par le souvenir que les indices boursiers baissent peu durant les périodes guerre (Koweit, Panama, Irak, Syrie…), comment vont-ils digérer le bannissement de la Russie de l’OMC (proposition américaine) qui ne peut conduire Vladimir Poutine à plus de radicalité… Puis depuis peu, les reconfinements massifs de métropoles chinoises à cause de la réapparition de « cas » de Covid-19. Ces « cas » ne signifient pas « malades » ou inapte au travail.
Après la ville chinoise de Changchun (9 millions d’habitants), un centre industriel produisant des voitures, des produits pharmaceutiques, autrefois grand centre sidérurgique, c’est au tour de la « Silicon Valley of China » de se retrouver totalement confinée sur décision de Pékin. C’est ainsi que Shenzen, ville industrielle chinoise, et ses 17,5 millions d’habitants, 11,5 millions de salariés – dont 2 dans le secteur informatique – d’être placé « sous cloche ».
Aucune indication sur la durée de ce confinement, mais la livraison de milliards de pièces détachées de toute nature (automobile, électroménager, matériaux de construction) et de composants électroniques vont prendre du retard, poussant encore plus les prix à la hausse et perturbant les chaînes d’approvisionnement en Europe et aux Etats-Unis. De quoi torpiller un peu plus l’activité et la croissance !
Les marchés vont-ils faire comme s’ils avaient maintenant l’habitude et que l’on saura « faire sans » ?
Autrement dit : nous abordons la mi-mars, une période souvent charnière pour les marchés avec une inflation qui va bientôt dépasser 10% aux Etats-Unis, des coûts de production à +33% en Allemagne, une guerre à nos frontières, des pénuries de gaz, de palladium, d’engrais et de blé à brève échéance, puis les principaux centres industriels chinois qui vont drastiquement réduire leurs livraisons dans le monde ces prochaines semaines…
Et nous devrions considérer que les Bourses et les marchés obligataires ont suffisamment baissé, car tout va s’arranger : les banques centrales comme d’habitude veillent au grain et vont rouvrir le robinet des liquidités.
Cela s’apparente à de la pensée magique… et notre époque en a bien besoin.
Pas sûr que cela suffise, mais les marchés font comme s’ils y croyaient. Les prochaines séances nous révéleront s’il s’agit d’une singulière prescience ou d’une folle inconscience !
Mais il n’y aura pas d’entre deux !