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Tariffs : Boeing et Airbus victimes de Washington ?

By 14 avril 2025One Comment

L’époque où l’avionneur américain dominait le marché est révolue. Aujourd’hui, Boeing est une multinationale en difficulté parmi d’autres, et sa chaîne de production, qui repose sur des usines basées aux quatre coins du globe, devrait souffrir fortement des droits de douane « réciproques » imposés par Donald Trump…

 

Les nouvelles barrières douanières décidées par la Maison-Blanche ont causé de nombreuses victimes dans la sphère financière. Alors que ces mesures isolationnistes étaient censées faire le jeu de l’économie américaine aux dépens des pays étrangers, les marchés ont parlé : pour eux, les Etats-Unis ne seront pas épargnés et seront même les premiers à souffrir des « tariffs ».

Preuve en est l’évolution des indices boursiers durant les deux séances noires des 3 et 4 avril. Si l’EuroStoxx 50 a cédé -9,23 % par rapport à la clôture du mercredi 2, le S&P 500 s’est replié de 10,53 %. La sanction a été encore plus importante pour la tech américaine, avec une baisse de 11,44 % du Nasdaq 100. La défiance généralisée vis-à-vis des actions s’est ensuite prolongée jusqu’à ce que Donald Trump annonce faire temporairement marche arrière, provoquant un rebond tout aussi important que la baisse qui l’avait précédé.

 

Boeing_EuroStoxx_S&P_500_Nasdaq_100_3_et_4_avril_2025

Evolution comparée de l’EuroStoxx 50 (en rouge), du S&P 500 (en bleu) et du Nasdaq 100 (en violet) durant les séances des 3 et 4 avril. Infographie : TradingView

 

Au niveau macro-économique, les investisseurs ont rapidement pris conscience de l’important risque de stagflation (croissance nulle avec augmentation des prix), voire de récession, que font peser les nouvelles mesures sur l’économie mondiale. Ce risque explique largement le repli des indices et des cours des matières premières, dont le pétrole, qui a cédé jusqu’à 9,5 % durant la première semaine d’avril.

Les secteurs les plus médiatisés, comme l’automobile et la métallurgie, ont fait l’objet de toute l’attention des analystes. Dans le feu de l’action, d’autres ont été moins étudiés. C’est notamment le cas de l’aéronautique, qui va pourtant être heurtée de plein fouet par les nouvelles taxes à l’importation qui frapperont le territoire américain – quel que soit leur niveau.

Et contrairement à ce que la doctrine affichée du « America First » (L’Amérique d’abord) pourrait laisser croire, l’avionneur Boeing pourrait bien souffrir tout autant que l’européen Airbus.

 

Pourquoi les tariffs ne sauveront pas Boeing

Alors que Boeing est en position de plus en plus délicate sur le marché de l’aviation commerciale par rapport à son concurrent Airbus, Donald Trump avait une occasion en or d’utiliser le pouvoir qui lui a été confié pour causer des distorsions de concurrence favorables à l’avionneur américain.

Peut-être était-ce même ce qu’il avait en tête lorsqu’il a décidé d’imposer de nouvelles barrières douanières aux exportations européennes : les Etats-Unis représentent, à eux seuls, plus de 15 % des ventes mondiales d’Airbus avec un volume d’affaires dépassant les 13 Mds€ toutes activités confondues.

Mais le temps où l’avionneur américain régnait en maître depuis son siège de Seattle est révolu. Aujourd’hui, Boeing est une multinationale comme les autres, et la chaîne de valeur de ses appareils les plus modernes est mondialisée.

Le Dreamliner (Boeing 787), nouvelle tête d’affiche du catalogue de Boeing, intègre des composants produits par une demi-douzaine de pays étrangers. Sur cet avion ultra-moderne, ce sont au total plus des deux tiers des pièces qui proviennent d’Europe et d’Asie – les zones économiques dans le collimateur de la nouvelle administration.

Et contrairement au discours rassurant relayé par l’équipe de Donald Trump, réintégrer la production de ces éléments ne sera ni rapide, ni peut-être même possible. Les composants importés par Boeing ne sont ni accessoires, ni facilement remplaçables : les ailes proviennent du Japon, les ailerons d’Australie, les gouvernes de profondeur d’Italie, les portes de Toulouse, les trains d’atterrissage du Royaume-Uni.

Si Boeing fait le choix de se fournir à l’étranger, ce n’est pas par générosité ou altruisme, mais parce que les fournisseurs européens et asiatiques sélectionnés sont les plus à même de répondre à ses besoins. Toute substitution vers des fournisseurs basés aux Etats-Unis, lorsqu’elle sera possible, ne pourra se faire que sur la base d’un rapport qualité-prix inférieur, baissant d’autant la valeur de marché des avions Boeing.

 

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Provenance géographique des différents éléments d’un Boeing 787. Infographie : Département des affaires étrangères australien.

 

La situation est inextricable pour Boeing. A court terme, l’empilement des droits de douane sur les composants utilisés dans ses avions viendra renchérir leur coût et diminuer une rentabilité déjà très mal en point. Et même à moyen terme, un rapatriement de la chaîne de valeur semble bien difficile.

 

Barrières douanières : CFM, la prochaine victime de Washington ?

Les motoristes, qui captent plus du tiers de la valeur commerciale des avions de ligne, ne seront pas non plus épargnés par les nouvelles mesures douanières.

Les Etats-Unis pouvaient se féliciter de lutter à armes égales contre le motoriste Rolls Royce grâce au groupe CFM International. Cette coentreprise, possédée par GE et Safran Aircraft Engines, est un acteur de renom sur la scène internationale avec ses moteurs LEAP. Particulièrement fiables et économes en carburant, ils équipent la plupart des nouveaux appareils, à savoir les Boeing 737 Max, les A320neo, jusqu’aux C919 chinois.

 

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Le réacteur LEAP, ce qui se fait de mieux pour les avions de ligne de dernière génération, va être touché à son tour par les barrières douanières. Photo : Safran

 

Las, la joint-venture va également subir de plein fouet les nouvelles taxes.

Sa production est en effet située à 50 % en France, et ce produit est lui aussi basé sur une multitude de composants provenant de l’étranger.

Lors de l’annonce des résultats annuels, le Directeur général de Safran Olivier Andriès a même indiqué que le groupe était dans l’incapacité de chiffrer précisément l’impact des taxes à venir sur le coût total des réacteurs. Une chose est sûre : sur ce produit ultra-technique dont aucun composant n’est substituable, il sera impossible de contourner les barrières douanières.

CFM International devra être ajoutée à la liste des entreprises qui auraient pu, à première vue, profiter des mesures protectionnistes prises par Washington… mais qui en souffrira en pratique.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

1 commentaire

  • Avatar Jean-louis mazières dit :

    LE LIBRE-ÉCHANGE ? LA LOI DU PLUS RICHE.
    « Les droits de douane affaiblissent l’économie dans son ensemble et appauvrissent tout le monde. »
    C’est le refrain chanté par la majorité des médias occidentaux, le Libre-échange, c’est-à-dire « la Liberté », est en danger à cause de Trump et de son odieux Protectionnisme.
    Faut-il rappeler quelques grandes actions du « Libre échange » sur la scène internationale ?
    La Liberté du Commerce ? Dans les années 1840 et suivantes la Grande Bretagne a importé de l’opium en Chine pour obliger celle-ci à ouvrir ses portes au commerce occidental.
    Quant aux Français ils ont saccagé la Cité Impériale au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, mais en réalité d’un « Libre Échange » qui n’était que motifs à de gros profits pour l’Occident.
    Hong Kong, Canton, d’innombrables villes chinoises du littoral ont été colonisées au nom du « Libre Échange ». Seul le Japon a pu résister en se protégeant intelligemment de l’envahissement occidental au nom de la « Liberté », du Commerce.
    Le « Libre Échange » ? Le commerce des esclaves noirs transportés en direction des Amériques ?
    Parce que les peuples Amérindiens refusaient de travailler sur les exploitations des esclavagistes Européens.
    Le « Libre Échange » c’est tout simplement, dans la réalité, la loi du plus fort dans le domaine industriel et commercial.
    Le « Libre Échange » c’est la Guerre, commerciale, implacable, sans autre règle que le profit.
    Le Libre Échange dans l’Europe actuelle, notamment dans le domaine des transports routiers c’est la loi de quelques « Grands Marchands » qui imposent aux chauffeurs routiers européens une vie d’enfer dictée par le profit d’un tout petit nombre d’entreprises. Toute une population de chauffeurs salariés est exploitée par quelques grands capitalistes, dans des conditions qui ont empirées au cours des 30 dernières années.
    A bas le Protectionnisme. C’est la loi concurrentielle du Profit Libre Échangiste qui doit s’imposer.
    En Vérité ?
    Pour quels résultats à observer la misère populaire visible aux USA depuis bien plus d’une dizaine d’années, et dont le protectionnisme de Trump, au pouvoir depuis quelque mois, n’est évidemment pas la cause. Une misère qui s’étale dans les rues de beaucoup de grandes villes américaines. Des classes moyennes qui, même en travaillant, ne parviennent plus à se loger et vivent dans la rue ou dans leurs voitures. Une pauvreté qui est beaucoup plus répandue et publique qu’en Europe.
    Au Canada, de même, les temps du développement sont terminés depuis au moins une dizaines d’années, Trump et son protectionnisme, qui n’a même pas eu le temps de produire le moindre effet, sauf dans les discours des médias, n’y sont à l’évidence absolument pour rien.
    En réalité il faut ne Rien Adorer : ni le Libre Échange ni le Protectionnisme, mais pratiquer l’un et l’autre, l’un ou l’autre, en fonction des circonstances et des intérêts généraux et particuliers.
    L’histoire est à suivre, comme toujours.
    Les régimes communistes qui prétendaient tout régenter d’en haut par l’état se sont économiquement effondrés.
    Les élites des régimes capitalistes occidentaux qui vénèrent le « Libre Échange » ont certainement encore beaucoup de choses à apprendre. « Enrichissez-vous » n’est pas une morale universelle exclusive. Et c’est sans doute ce qu’a voulu dire le peuple américain en votant Trump. Parce que non seulement le peuple US ne s’enrichissait plus, mais il s’appauvrissait.

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