Vendredi dernier a fait swingué les indices boursiers. Et pourtant, le seul qui semble tenir la cadence, c’est le S&P500. Philippe Béchade se penche donc sur la santé du marché.
Encore une occasion manquée pour Wall Street qui est passé à quelques points d’inscrire un joli double ce vendredi 25 juin. A 20 minutes près, le S&P500 et le Nasdaq étaient en courses pour deux nouveaux records de clôture. Le Nasdaq aurait alors fait un joli triplé.
Au final, seul le S&P500 affiche un record absolu : à 4 286 points vers 21h45. Il engrange +2,75% en hebdo. Quant au Nasdaq : il a un peu trébuché sur le finish.
Les « technos » sont les plus vulnérables lors d’une dégradation du marché obligataire et c’est ce qu’il s’est produit vendredi soir. Le rendement des T-Bonds s’est tendu de +4,7 points vers 1,531%, soit près de +9 points sur la semaine écoulée. Il s’agit de la pire performance observée sur le « 10 ans » US depuis fin mars.
Et ce n’est pas un accident isolé : tout le terrain gagné en Europe par les bons du Trésor du 18 au 24 juin a été perdu ce vendredi, avec des OAT qui se retendaient de +5 points à 0,1970%, des Bunds qui se dégradaient d’autant à -0,155%.
Les bons du trésor italiens et espagnols (avec une hausse de 5 points chacun) finissaient eux aussi dans le rouge sur la semaine écoulée. Ce qui n’a guère impacté les indices boursiers à la veille du week-end : les investisseurs ont joué le « fait accompli » lors de la publication de l’indice des prix « PCE », ressorti en hausse de 0,5% en mai pour s’établir à 3,9% (et 3,4% hors énergie et alimentation).
Le Covid-19 agit encore et toujours sur les marchés
Mais sur les trois derniers mois, l’indice PCE progresse à un rythme de 5% annuel, et certaines composantes affichent une vélocité étourdissante de 30% en rythme annuel. Du jamais vu depuis 2008, voir même 1993.
Bien sûr, c’est une présentation un peu sensationnaliste. La hausse des semi-conducteurs n’atteindra pas un tel score d’ici fin 2021, ou alors la FED risque de se ridiculiser et de perdre tout crédit auprès de Wall Street.
Cependant, les derniers chiffres publiés par la NAR (Association of Realtors) le mardi 22 et mercredi 23 juin, confirment un rythme de hausse des prix qui surpasse largement celui constaté au sommet de la bulle immobilière de 2005/2006.
Et si le nombre de transactions recule pour le quatrième mois consécutif, c’est pour cause de pénurie de biens à vendre, alors même que des millions d’Américains recherchaient des logements plus spacieux pour télétravailler de façon plus confortable et permettre aux enfants de s’ébattre à l’extérieur après l’école. Le ralentissement des reventes de logements le mois dernier reste tout de même relatif : ce segment qui représente 75% des ventes de logements aux Etats-Unis, a bondi de +44,6% en glissement annuel.
De plus, la stratégie Outre-Atlantique de la vaccination de masse semble connaître ses limites avec les nouveaux variants. Si, comme nous l’espérons tous, la pandémie de Covid-19 ne connait pas une quatrième vague aussi virulente que les trois précédentes d’ici cet automne, on dénombre déjà des endroit où le masque redevient obligatoire dans les lieux clos en Israël, les frontières se referment en Europe pour les touristes en provenance du Portugal, du Royaume-Uni (où la vaccination a été massive)… et elles ne rouvrent pas entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
Même en retranchant l’effet de base post-« lockdown » d’avril/mai 2020, il n’en demeure pas moins que le prix médian des « maisons existantes » s’est envolé de 23,6% par rapport à il y a un an (et en ce domaine, l’effet de base est quasi inexistant) pour atteindre un sommet historique de 350 300 $ en mai.
La flambée de l’immobilier, les prix « PCE » à près de 4%, cela commence à mettre en doute la pertinence de la communication de la FED sur l’inflation : si les taux continuent de se retendent cette semaine, dans la foulée du coup de pression de vendredi, ce n’est pas l’or qui apparaît le plus vulnérable, mais bien le secteur des « cryptos », qui tout comme l’or n’offre aucun rendement et repose surtout sur des achats à crédit, Microstrategy nous offrant l’exemple le plus saisissant avec 2 Mds$ de dette « junk » émises pour acheter des dizaines de milliers de bitcoins, des actifs prétendument anti-inflation.
Ces emprunts émis par Microstrategy étant eux-mêmes garantis par des bitcoins : la mèche de la désintégration est déjà allumée. Et la fumée qu’elle dégage nous empêche de distinguer quelle distance la sépare encore du baril de poudre.
Nous ne conseillons pas d’aller y voir de plus près afin de déterminer si nous avons le temps de quitter le navire en trainant des pieds… ou en courant comme dératé pour sauter dans l’océan par le premier hublot.