Connaissez-vous l’histoire du K-129 ? Sa découverte nous replonge dans cette époque où les Etats-Unis et l’Union soviétique vivaient dans la menace perpétuelle de l’éclatement d’une guerre nucléaire. Vous allez découvrir aujourd’hui comment la CIA a fomenté un complot dans le plus grand des secrets afin de voler un sous-marin nucléaire soviétique.
Nous avons récemment évoqué les métaux critiques qui reposent au fond des océans et pourraient changer la face du monde. Nous vous avons également expliqué quels sont les défis et les risques liés à l’exploitation de ces métaux.
Aujourd’hui, nous allons revenir sur la première « tentative » d’exploitation de nodules polymétalliques, qui semble tout droit sortie d’un roman d’espionnage.
On pourrait résumer cette histoire ainsi : la CIA, un milliardaire excentrique, un sous-marin soviétique et le plus grand jeu de fête foraine du monde.
Vous allez voir que le projet Azorian, ou « projet Jennifer » comme on l’appelait plus communément, possède tous les éléments d’un récit d’espionnage farfelu de la guerre froide.
L’histoire commence en 1968, avec la disparition du K-129, un sous-marin balistique soviétique.
Nous sommes six ans après la crise des missiles de Cuba, mais la tension n’est pas retombée. Les Etats-Unis et l’Union soviétique patrouillent tous deux dans leurs sous-marins nucléaires respectifs, parés à l’éventualité de l’éclatement d’une guerre.
Les tensions étaient vives et lorsque le K-129 a disparu, les Américains ont très vite été soupçonnés d’avoir commis un acte criminel.
Les Soviétiques se sont mis en quête de leur sous-marin perdu pendant deux mois avant d’abandonner les recherches.
Mais les Américains ont continué à chercher le navire perdu.
Grâce à une technologie avancée de l’armée de l’air, ils ont pu localiser le K-129 à 1 500 miles d’Hawaï, et à 16 500 pieds sous la surface de l’océan…
Selon un document déclassifié de la CIA :
« [Jusque-là], aucun pays au monde n’avait réussi à remonter un objet de cette taille et de ce poids d’une telle profondeur. »
Même si sa position exacte était connue, récupérer le sous-marin soviétique restait une mission risquée et très coûteuse.
Mais la valeur des ogives à bord et la connaissance des systèmes d’armement ennemis étaient inestimables.
La décision de poursuivre le projet Azorian a donc été prise.
Ce projet allait devenir l’une des entreprises les plus coûteuses de la guerre froide (à notre connaissance), atteignant un coût total de 800 M$ à l’époque, soit l’équivalent de 4,7 Mds$ d’aujourd’hui.
La CIA a débattu d’un certain nombre de méthodes pour récupérer le K-129, mais celle qu’elle a finalement retenue était aussi simple qu’une machine à pinces de fête foraine.
Le principe était simple : un navire devait jeter l’ancre au-dessus du site du sous-marin abattu et faire descendre une gigantesque pince à une hauteur de 16 500 pieds, pour ensuite… ramasser le K-129.
Une opération aussi élaborée et inhabituelle, menée si loin du continent américain, ne manquerait pas d’attirer l’attention, voire de susciter des accusations de piraterie.
Alors que les tensions entre l’Union soviétique et les Etats-Unis étaient à leur comble, révéler les véritables intentions du projet Azorian aurait pu avoir des conséquences dévastatrices.
La CIA a donc chargé le milliardaire Howard Hughes d’élaborer une couverture.
Le magnat des affaires (pilote, ingénieur, producteur de films…) a eu pour mission de construire un navire de 618 pieds officiellement conçu pour faire de « l’exploitation minière en eaux profondes ».
Hughes devait extraire du fond de l’océan des morceaux de roche contenant de grandes quantités de cobalt, de nickel et de manganèse. Tous ces métaux sont aujourd’hui très demandés, car ils sont nécessaires à la fabrication des batteries des véhicules électriques.
En 1972, le Hughes Glomar Explorer a été baptisé. La confidentialité de sa construction et de ses essais a été mise sur le compte de la nature recluse et excentrique d’Howard Hughes.
Deux ans plus tard, un rendez-vous secret a été fixé au large de l’île de Catalina, entre le Glomar Explorer et le submersible HMB-1 pour transférer la gigantesque pince de récupération, baptisée « Clementine ».
Plus tard dans l’année, une fois Clementine bien cachée dans sa chambre d’immersion, le Glomar Explorer s’est installé sur le site du K-129.
L’équipage du navire a dû travailler lentement et secrètement : ses actions étaient alors surveillées de près par deux navires soviétiques suspects.
Au bout d’une semaine, l’équipage de l’Explorer réussit à remonter le K-129 à la surface de l’océan. Malheureusement, une partie du mécanisme de récupération s’est brisée, entraînant la perte d’une grande partie du sous-marin soviétique.
Des éléments précieux, comme la salle des codes du sous-marin sont tombés au fond de l’océan. Ils n’ont jamais été récupérés.
Toutefois, le secret de la mission a été préservé.
En outre, des échantillons de manganèse ont également été prélevés au fond de l’océan. Il s’agit de l’un des premiers essais d’exploitation minière des fonds océaniques.
Cette pratique est actuellement testée et pourrait changer à jamais la façon dont nous extrayons les métaux critiques indispensables à nos innovations technologiques.
La CIA a-t-elle dit la vérité sur ce qu’elle a récupéré dans le K-129 ? Difficile à dire. Pourtant, cette histoire hors du commun marque bien l’avènement de l’extraction des nodules polymétalliques, ces minéraux si recherchés par les industriels et les Etats de nos jours.
A un avenir radieux !
Ray Blanco