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Semi-conducteurs : Samsung et TSMC remontent sur le ring

By 10 juillet 2023No Comments

Engagés dans un duel au sommet, Samsung et TSMC confirment l’avance qu’ils ont sur le reste du marché des semi-conducteurs. Les deux asiatiques sont les seuls fondeurs au monde à pouvoir proposer la meilleure finesse de gravure à leurs clients pour le moment…

 

 

La pénurie de semi-conducteurs qui a débuté en 2020 a fait prendre conscience que les composants électroniques étaient devenus un rouage essentiel de nos économies développées.

Au même titre que l’approvisionnement en énergie, l’accès aux semi-conducteurs est désormais reconnu comme un enjeu de souveraineté internationale. Pour les Etats, pas question de voir l’industrie automobile, la production d’électronique grand public, et même l’armement mis à l’arrêt par manque de puces. C’est pour cette raison que les Etats-Unis, l’Europe et la Chine ont lancé des plans d’investissement d’ampleur inédite pour rapatrier la production de micro-processeurs sur leur territoire.

Ces grandes manœuvres concernent des volumes colossaux de puces, et pourront certainement permettre à l’industrie manufacturière de s’approvisionner en composants communs. En un sens, il s’agit d’une victoire politique et économique tant il est aberrant qu’une voiture à 30 000 € ne puisse être terminée parce qu’il manque, dans les stocks, un petit composant à 2 $.

Mais malgré cette débauche de moyens, le centre de gravité de l’excellence devrait rester en Asie, plus précisément entre Taïwan et la Corée du Sud. Déjà en avance sur le reste de la planète avec leur gravure en 3 nm, TSMC (TPE : 2330) et Samsung (KRX : 005930) continuent de miser sur l’innovation pour asseoir leur domination.

Le terrain de leur prochaine bataille est déjà choisi : il s’agira de la gravure en 2 nm. Et l’affrontement devrait avoir lieu encore plus tôt que prévu, creusant l’écart avec les fondeurs occidentaux.

 

Vers un marché de plus en plus asymétrique

Aujourd’hui, le marché du semi-conducteur haut de gamme est un presque-duopole. Seuls TSMC et Samsung sont capables de produire des puces gravées avec une finesse de 3 nm (0,000000003 mètre).

Même si ces fondeurs utilisent des machines occidentales, notamment les équipements EUV produits par le néerlandais ASML (NL0010273215), les procédés industriels nécessaires pour obtenir des produits fonctionnels avec un rendement acceptable sont si complexes que les deux asiatiques sont les seuls au monde à pouvoir proposer cette finesse de gravure à leurs clients.

Or, dans le monde du semi-conducteur, « plus fin » signifie « meilleur » pour 99 % des usages. Les entreprises fabless, qui ne disposent pas de capacité de fonderie, sont donc prêtes à mettre le prix pour pouvoir faire fabriquer leurs puces avec la gravure la plus fine possible.

La loi de l’offre et de la demande fait le reste : alors qu’une galette de silicium gravée avec une finesse supérieure à 28 nm coûte généralement moins de 3 000 $ en sortie de fonderie, celles en 3 nm sont estimées à plus de 20 000 $.

Cette distorsion de la courbe des prix donne à TSMC et Samsung, qui maîtrisent les plus fines des gravures, un avantage irrattrapable sur la concurrence. Ainsi, selon les dernières estimations de TrendForce, les deux entreprises captent à elles seules plus de 72 % du marché mondial du semi-conducteur.

Même au sein du duopole, la concurrence est rude et la situation très inégale : les volumes de TSMC représenteraient près de cinq fois ceux de Samsung, avec 60 % des ventes mondiales pour le Taïwanais, contre 12 % pour le Coréen.

 

L’industrie retient son souffle avant le 2 nm

Alors que le marché du semi-conducteur s’est effondré de -18,6 % entre le 1er et le 2ème trimestre 2023, et qu’un risque de surproduction mondiale se profile avec la multiplication des plans étatiques, TSMC et Samsung ne comptent pas faire le dos rond.

Bien au contraire, ils ont chacun annoncé coup sur coup être en mesure de débuter la production de masse de puces gravées en 2 nm dès 2025. Début juin, TSMC avait confirmé avoir commencé la pré-production de puces en 2 nm à Taïwan avec comme objectif d’atteindre les cadences industrielles dans deux ans. Sans confirmer disposer de lignes de production opérationnelles, son concurrent coréen lui a donné la réplique en indiquant quelques jours plus tard être lui aussi capable de maîtriser cette technologie à la même date.

Si les deux fondeurs parviennent effectivement à produire des puces en 2 nm à un coût acceptable, il ne fait aucun doute que le reste de la tech saura leur trouver des débouchés commerciaux. Smartphones haut de gamme, puces dédiées à l’IA, cartes graphiques, système de pilotage de voitures autonome : dans tous ces usages où le rapport performance/consommation est primordial, passer de 3 nm à 2 nm représentera un changement d’échelle bienvenu.

Les progrès sont d’autant plus attendus que le passage aux 3 nm s’était révélé quelque peu décevant. Afin d’éviter les « erreurs » de gravure qui réduisent les rendements des chaînes de production, TSMC avait dû imposer des contraintes de design des puces gravées dans ses fonderies. Ce qu’elles gagnaient en finesse, elles le perdaient en efficacité, et les premières générations de puces 3 nm n’auraient offert, selon les industriels, que des améliorations négligeables en termes de performances globales.

Nvidia, toujours à la recherche de la performance maximale, a d’ailleurs attendu étonnement longtemps avant de franchir le pas. Alors que le concepteur de cartes graphiques et de puces pour l’IA indiquait l’an passé viser la commercialisation de puces gravées en 3 nm par TSMC en 2025, les dernières rumeurs indiquent que ce serait finalement Samsung qui remporterait le contrat… suivant un calendrier encore incertain.

Pour éviter ce nouveau couac, Samsung a d’ores et déjà commencé à s’engager sur les gains apportés par cette nouvelle technologie. Le Coréen promet à ses futurs clients un bond en performance de 12 % par rapport au 3 nm, une efficacité énergétique supérieure de 25 %, et un encombrement réduit de 5 %.

Avec ce duel au sommet, les deux fondeurs confirment l’avance qu’ils ont sur le reste du marché. Cette nouvelle bataille qui s’annonce ressemble fort à celles auxquelles nous avions assisté lors du passage au 5 nm, puis au 3 nm, qui avaient consacré l’avance des fonderies asiatiques sur le reste de la planète… mais un élément nouveau vient apporter une touche de suspense.

 Intel (NASDAQ : INTC), dont le retard technologique semblait définitif, a indiqué qu’il pourra graver des puces de type 2 nm à horizon 2024, et même 1,8 nm en 2025. Il y a deux ans de cela, l’annonce aurait pu faire sourire tant les performances en termes de finesse du Californien étaient en retard par rapport à celles de TSMC et Samsung.

Mais avec les milliards offerts par Joe Biden et l’Europe dans le cadre des plans de soutien, il n’est pas exclu que la firme de Santa Clara parvienne, après avoir fait l’impasse sur plusieurs générations de gravure, à revenir dans la course.

Le match s’annonce passionnant, et la tech devrait en profiter pour disposer de puces en 2 nm bien plus rapidement que prévu.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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