Malgré une séparation mouvementée avec Nissan, le groupe Renault continue de miser sur l’Asie. Depuis 2022, le constructeur français a entamé un rapprochement stratégique avec le Chinois Geely. Pour l’instant, la collaboration reste principalement industrielle, mais elle pourrait évoluer vers une alliance solide sur le plan commercial et capitalistique.
Après le Japon, la Chine ? Si l’alliance avec Nissan n’aura pas donné les résultats escomptés, la marque au losange n’a pas pour autant abandonné l’idée de tisser des liens avec l’Asie pour peser sur la scène internationale.
Profitant de sa bonne dynamique commerciale dans un secteur pourtant à la peine, Renault envisage de renforcer ses liens avec le Chinois Geely en lui ouvrant la porte de ses usines d’Amérique du Sud.
Pour le constructeur tricolore, ce rapprochement aura non seulement l’avantage de faire oublier la fin piteuse de l’aventure Renault-Nissan, mais en plus de lui permettre de bénéficier des progrès réalisés par la concurrence chinoise sur le marché des véhicules électriques.
A la clé, une augmentation potentielle des ventes malgré le ralentissement de l’activité en Europe… et la possibilité de voir son envergure se rapprocher un peu plus de celle du groupe Stellantis.
Renault qui rit, Stellantis qui pleure
Sur les neuf premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires du groupe Renault a progressé de 3,7 % à taux de change constants, en accélération nette au troisième trimestre (+5 % sur un an). Dans le même temps, Stellantis a vu son chiffre d’affaires net s’effondrer de 18 % sur les trois premiers trimestres, avec une accélération problématique au troisième trimestre (-27 % sur un an).
La marque Renault s’est classée 3ème en Europe et 1ère en France, tandis que la marque low cost Dacia s’est hissée à la 9ème place du podium européen sur le marché des véhicules particuliers. Son modèle Sandero, toujours plus populaire, est devenu la voiture la plus vendue en Europe, tous canaux de distribution confondus. Cela a permis au groupe Renault de maintenir des volumes stables, avec 1,64 million de véhicules vendus sur les neuf premiers mois de l’année (-0,4 % sur un an).
De son côté, Stellantis a vu ses livraisons baisser de 13 % sur neuf mois, et jusqu’à 20 % en rythme annuel sur le troisième trimestre. Bien sûr, les deux constructeurs ne jouent pas dans la même cour. Au fil des rapprochements, la galaxie Stellantis a absorbé de plus en plus de marques. L’alliance historique Peugeot-Citroën s’est élargie à Opel, Vauxhall, Alfa Romeo, Chrysler, Jeep, ou encore Fiat. Et malgré le plongeon des ventes, elle a écoulé plus de 4,1 millions de véhicules sur les neuf premiers mois de l’année.
Sur la même période, le groupe Renault fait figure de petit Poucet avec un volume représentant 40 % des ventes de Stellantis. Mais les dynamiques n’ont rien à voir et, alors que Stellantis semble se reposer sur ses lauriers, Renault cherche des relais de croissance.
Tandis que le premier a rendu l’équivalent de 20 % de sa capitalisation boursière à ses actionnaires, Renault s’est contenté d’une modeste rémunération de 3,6 %, et prépare de nouveaux rapprochements pour profiter de l’essor du véhicule électrique hors de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Nouvelle collaboration avec Geely
Après le divorce rocambolesque avec Nissan, Renault ne fait pas une croix sur les collaborations avec l’Asie pour autant. C’est désormais le Chinois Geely qui a ses faveurs.
Leur rapprochement a débuté en mai 2022, pour valoriser le savoir-faire du Français dans les moteurs thermiques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux constructeurs ont été rejoints par le pétrolier saoudien Aramco l’été dernier : les producteurs de carburants fossiles ont tout intérêt à voir les motorisations thermiques se vendre le plus longtemps possible.
Cette année, le renforcement des liens entre les deux constructeurs aura lieu autour des motorisations propres, en Amérique du Sud. Geely serait en effet sur le point d’entrer au capital de la filiale de Renault au Brésil, comme ce fut le cas au début de la décennie en Corée du Sud.
L’accord est pensé pour être gagnant-gagnant. Renault dispose déjà d’infrastructures sur place, et mettra à disposition de Geely son usine de Curitiba et ses réseaux de distribution. Le Chinois pourra y construire des modèles basés sur sa nouvelle plateforme de véhicules électriques en marque propre, et devrait selon les dernières rumeurs permettre à Renault de l’utiliser pour produire des véhicules conçus en Chine, mais estampillés d’un losange.
Les modèles actuellement assemblés à Curitiba devraient bientôt côtoyer des voitures Geely. Photo : Renault
Tandis que les pessimistes y verront le signe que les plateformes conçues en Europe sont de moins en moins pertinentes sur la scène internationale, les optimistes noteront qu’en ouvrant ses usines à la concurrence, Renault valorise au mieux ses investissements passés.
Mieux encore, un rapprochement industriel des deux groupes peut préfigurer d’une alliance plus solide, tant sur le plan commercial que capitalistique. La croissance des ventes de Renault au Brésil est déjà à deux chiffres, et représente plus de la moitié des volumes écoulés en France. Geely, qui fait face comme tous les constructeurs chinois à une concurrence féroce sur son marché intérieur, voit aussi dans l’Amérique du Sud un relais de croissance bienvenu.
L’alliance des deux constructeurs ne sera pas superflue pour contrer BYD, déjà bien implanté sur place. L’an passé, ses ventes sur place ont quadruplé pour approcher les 77 000 exemplaires, faisant du Brésil le plus grand marché à l’export pour la firme de Shenzhen. Suite à un scandale concernant les conditions de travail des ouvriers sur son site d’assemblage dans le sud du pays, BYD a temporairement cessé sa production sur place. Mais, selon la BBC, le constructeur prévoit de « se mettre en conformité avec la législation brésilienne » le plus vite possible, et de reprendre son activité dès le mois de mars.
Tant au niveau industriel que politique, Renault et Geely ont une carte à jouer pour prouver au Brésil que les constructeurs étrangers peuvent avoir un rôle vertueux pour le pays.
De quoi alimenter la hausse de l’action RNO, qui a déjà pris 42 % en un an mais peut encore doubler de valeur avant de rejoindre ses pics de 2018 (100 €) et de 2007 (120 €).
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analyse des valeurs toujours précises et claires de la part d’EH