Le quantique n’est pas ce que vous croyez

L’informatique quantique repose sur des concepts mathématiques et physiques avancés, comme la superposition et l’intrication quantiques, qui ne sont pas intuitifs. James Altucher a donc invité deux spécialistes de la discipline à intervenir dans son podcast pour y voir plus clair, et voici les informations principales qu’il a tirées de cet entretien.

 

Par James Altucher

 

J’ai passé des années à tenter de comprendre l’informatique quantique.

Et quand je dis « des années », cela signifie que j’ai lu des tas d’articles, scruté des équations sans comprendre (comme un chien qui regarde la télévision), puis discrètement renoncé… en me disant que ce n’était qu’une blague élaborée par des physiciens pour nous faire passer pour des idiots.

Mais je refuse d’être dépassé par le chat de Schrödinger (qui, au passage, est à la fois mort et vivant jusqu’à ce que vous vérifiiez, quoi que cela veuille dire. Si vous ne voyez pas de quoi je parle, n’hésitez pas à consulter cette vidéo de 2 minutes, elle est très instructive).

J’ai donc invité des « poids lourds » du domaine à participer à mon podcast :

Nicolas Alexandre Roussy Newton et Gavin Brennen.

Nicolas est le cofondateur de BTQ Technologies, une société spécialisée dans la sécurité quantique. Gavin, physicien théoricien et professeur à l’Université Macquarie de Sydney, se spécialise dans… le quantique.

Et il a tenté – très patiemment – de me l’expliquer.

Alors, voici ce que j’ai appris, sans que mon cerveau ne se désintègre en cours de route.

(Pour VRAIMENT comprendre, il faut écouter tout le podcast. Le lien est indiqué à la fin de l’article.)

 

L’informatique quantique pour les nuls

Considérez qu’un ordinateur normal est un bibliothécaire.

Vous lui demandez de trouver un livre : il parcourt une à une les allées en regardant sur les rayonnages jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé.

C’est lent, méthodique et fiable.

Et avec un ordinateur quantique ?

Imaginez que le bibliothécaire se clone en une gigantesque nuée de bibliothécaires, chaque clone vérifiant différents rayonnages simultanément, mais à ce détail près….

Les clones ne trouvent pas le livre instantanément. A la place, ils travaillent de sorte que les mauvais clones s’annulent mutuellement, et le bon clone se renforce et se transforme en super clone. (Oui, je simplifie à l’extrême. Les vrais physiciens me mettraient probablement à la porte. Mais essayons de ne pas mourir noyés sous les explications).

La clé, c’est quelque chose qui s’appelle la superposition, ce qui veut dire qu’au lieu d’être 0 ou 1, un bit quantique (« qubit », ou le superclone du bibliothécaire) peut être les deux à la fois.

Et cela permet aux ordinateurs quantiques de résoudre certains problèmes à une vitesse exponentiellement plus rapide que les ordinateurs normaux.

MAIS…

Voici ce que la plupart des gens comprennent mal.

 

Les 3 mensonges que racontent les médias

Premièrement, tout le monde pense que les ordinateurs quantiques vont tout accélérer.

En vérité, ils offrent seulement un avantage exponentiel dans des domaines spécifiques (la cryptographie, les sciences des matériaux, par exemple).

La plupart des tâches informatiques du quotidien n’en bénéficieront pas. Les ordinateurs quantiques ne REMPLACERONT PAS les ordinateurs normaux.

Deuxièmement, beaucoup de monde s’imagine que l’ordinateur quantique peut résoudre des problèmes en étudiant toutes les réponses simultanément.

Ce n’est pas tout à fait vrai.

Bien qu’ils exploitent la superposition, ils ne trouvent pas les réponses par magie. Sans les bons algorithmes quantiques, ils produisent un bruit inutile au lieu de solutions correctes.

L’astuce se situe dans l’interférence : les mauvaises réponses s’annulent et seules les réponses correctes demeurent.

Troisièmement, tout le monde pense que les ordinateurs quantiques représentent une menace pour le chiffrement.

En réalité, la cryptographie quantique pourrait créer un chiffrement inviolable. Ce qui veut dire que la sécurité quantique est à la fois le problème et la solution.

 

Et alors ? Pourquoi devrais-je m’en soucier ?

Parce que les ordinateurs quantiques pourraient compromettre le cyberespace.

Pas en mode viral comme les Kardashian, mais plutôt du genre : « Oups, tous vos mots de passe et données chiffrées sont désormais divulgués » …

Le chiffrement actuel repose sur des problèmes mathématiques pratiquement impossibles à résoudre avec des ordinateurs normaux, comme la factorisation de gigantesques nombres premiers.

Et les ordinateurs quantiques ?

Ils ne font qu’une bouchée des nombres premiers. Ils seront capables de déchiffrer les chiffrements standard en un rien de temps.

C’est-à-dire ?

Les portefeuilles de Bitcoin, les comptes en banque, les secrets d’Etat : tout sera grand ouvert !

Voilà pourquoi BTQ Technologies existe.

Nicolas et son équipe travaillent sur une cryptographie dite « quantum-safe » (résistante aux attaques d’ordinateurs quantiques, donc). C’est une autre façon de dire : « Tiens, réglons ce problème avant de tous nous faire plumer par les futurs pirates quantiques ».

Et les gouvernements prennent cela très au sérieux : des démarches sont déjà entreprises pour mettre à jour les normes de sécurité avant qu’il ne soit trop tard.

 

L’intelligence artificielle (IA), les cryptomonnaies et l’avenir quantique

Et l’IA, où se situe-t-elle, dans tout ça ? Les ordinateurs quantiques pourraient doper l’IA, et la rendre extrêmement puissante.

Imaginez des modèles d’IA capables de mouliner des données, de simuler le marché actions, ou même de générer des univers entiers en quelques instants.

Et les cryptomonnaies ?

Les cryptomonnaies auront un problème… à moins qu’elles n’évoluent. Le Bitcoin, l’Ethereum, et toutes les autres blockchains actuelles s’appuient sur un chiffrement qu’un puissant ordinateur quantique pourrait oblitérer.

Des entreprises telles que BTQ développent de nouvelles techniques cryptographiques capables de résister aux attaques quantiques. Car, si elles n’y résistent pas, on peut dire « au revoir » à la finance décentralisée et à la souveraineté numérique.

 

Doit-on se réjouir ou être terrifié ?

Les deux.

L’informatique quantique, c’est comme la découverte du feu. Cela va tout changer, mais cela peut également détruire tout ce que nous avons construit, si l’on ne prend pas garde.

Quelle est la bonne nouvelle ?

Les ordinateurs quantiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. En ce moment, les plus puissants font environ 100 qubits. Pour décrypter le Bitcoin, il leur en faudrait des millions.

Alors nous avons encore du temps.

Et la mauvaise nouvelle ?

Certains pays accumulent déjà des données chiffrées, aujourd’hui, pour les déchiffrer plus tard, quand les ordinateurs quantiques seront assez forts.

Alors oui, l’heure tourne…

 

Voici ce que vous devez savoir dès maintenant

Si vous êtes une banque, un gouvernement ou littéralement toute personne qui apprécie le respect de la confidentialité, vous devriez commencer à être attentif.

Si vous êtes dans le domaine de l’IA, préparez-vous à ce qu’elle s’accélère d’une façon inattendue.

Pour l’instant, je vais continuer à « me prendre la tête » avec ce sujet.

Nous avons parlé d’énormément de choses, lors de cet entretien.

Pourquoi la dernière avancée de Google en matière quantique rend-elle l’Amérique nerveuse ?

Quelle erreur ont commis certains physiciens – même chevronnés – en prédisant à quelle vitesse les ordinateurs quantiques progresseraient ?

Le Bitcoin et les blockchains pourront-ils survivre à l’avènement de l’informatique quantique ? Ou bien sont-ils condamnés ?

Existe-t-il une course secrète au quantique, entre les superpuissances mondiales ?

 

L’intégralité du podcast est disponible en anglais, ici.

A bientôt !

James Altucher