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Monnaie et santé : même combat ?

By 23 août 2021janvier 23rd, 2023One Comment

Le système financier chinois semble fragilisé, Wall Street rebondit grâce aux 3 sorcières et la Maison Blanche prépare sa population à de nouvelles injections de vaccin anti-Covid-19… Et pendant ce temps, la réunion de Jackson Hole se prépare. Philippe Béchade revient sur les dernières actualités.

 

De toute évidence, la garantie implicite de l’Etat chinois n’a pas totalement disparu. Cela laisse le problème de fond entier. Avec une telle assurance, le système financier a pu emprunter des sommes colossales pendant des années, toutefois, il apparaît aujourd’hui extrêmement fragile. Bien que, fondamentalement, cela ne le rende pas très attrayant aux yeux des investisseurs internationaux.

Les fonds débloqués pour recapitaliser Huarong lui permettront de répondre à une exigence minimale de capital et de poursuivre ses activités. Elle n’aura à priori pas besoin de restructurer sa dette. Le gestionnaire a jusqu’à maintenant remboursé toutes ses obligations à temps et a annoncé un accord avec des banques d’Etat pour assurer les remboursements jusqu’en août.

Malgré le rebond de Wall Street vendredi grâce à la séance des « 3 sorcières » et malgré le retour des indices US à 1% de leurs sommets absolus (du lundi 16 août), une sourde angoisse continuait d’étreindre les marchés : et si la FED amorçait véritablement un « tapering » fin 2021 ?

La réserve fédérale ralentirait ses injections au moment même où Joe Biden lance officiellement la 3ème du vaccin anti-Covid-19 et où Anthony Fauci – le « Mr Santé » de la Maison Blanche depuis près de 20 ans – prépare les Américains à des injections à répétition. Peut-être à raison de 2 par an, et sans limite dans le temps.

Ce n’est finalement pas très différent de la stratégie adoptée par la FED en mars 2009.

Aucun effet secondaire pour la FED !

En effet, elle a opté pour une succession d’injections monétaires en mode « expérimental », tablant sur des effets court terme qu’elle pressentait efficaces. Cela avait fonctionné lors de l’affaire LTCM en octobre 1998. Or, les conséquences sur le long terme de cette politique sont inconnues.

Il faut l’admettre, la FED avait bien identifié quelques effets secondaires délétères, comme les bulles d’actifs et le creusement des inégalités. Mais elle les balayait du revers de la main par l’élément de langage « le rapport bénéfice/risque est très en faveur du quantitative easing ». Et ça, Wall Street adore !

Même si le but officiel était de fournir un supplément (temporaire ?) d’anticorps à l’économie pour surmonter la crise de dettes de 2007/2008, le traitement consistait ni plus ni moins à entériner l’abolition de la fonction de fixation des prix des actifs par les marchés financiers.

Le « QE » fut longtemps présenté par de nombreux supporters de la FED, non pas comme un traitement immunitaire, mais comme des « béquilles » monétaires qui seraient remisées au placard une fois les fractures économiques consolidées.En définitive, elles ont été remplacées en 2015 par un fauteuil roulant à l’initiative de la BCE.

Et les marchés n’ont plus jamais eu à faire l’effort de se lever… et prendre le risque de rechuter en s’appuyant sur des jambes dont les muscles ont totalement fondu.

Depuis mars 2020, le fauteuil roulant a été doté d’un double moteur électrique (FED et BCE) et d’un GPS : plus aucun effort à faire, et même plus à réfléchir pour choisir le bon cap, fixé au Nord (symboliquement, la hausse) une fois pour toute. D’où ces séries 8 records sur 10 séances pour le S&P500, de 9 records en 10 séances pour le CAC40.

Les banques centrales ont instauré l’économie de marché… sans le marché.

Et à force d’injecter de l’argent qui ne circule pas – puisque stocké dans les actifs financiers – la monnaie – le sang de l’économie – se corrompt.

Xi-Jinping dénonce !

Les banques centrales savent que le refaire circuler signifierait qu’il s’écoule de la sphère des « actifs virtuels » vers l’économie « réelle », un afflux massif qui ferait exploser l’inflation.

Cela les place devant une alternative pas très commode : soit continuer d’orchestrer l’inflation des actifs dans une sphère qu’elle contrôle, au profit de quelques-uns, ce qui produit des inégalités qui commencent à « agacer », soit la faire se déplacer dans la sphère économique – qu’elle ne contrôle pas – où elle (l’inflation) nuira à tous les autres.

Cet agacement que j’évoque, le premier à s’en faire l’écho publiquement, c’est Xi-Jinping qui dénonce les « revenus anormalement élevés », le manque de contribution fiscale des entreprises « qui gagnent beaucoup d’argent »… et l’étalage ostentatoire d’un statut social qui sert surtout de révélateur d’un creusement des inégalités.

Ce retour aux fondamentaux du communisme qui a plombé les Bourses de Shanghai, Shenzhen et Hong-Kong affectera-t-il Wall Street ? Xi-Jinping pourrait-il poursuivre son offensive jusqu’à contraindre les investisseurs chinois à rapatrier une partie des capitaux qu’ils ont investi sur les marchés occidentaux ?

Et pour Jackson Hole ?

Cela aurait pu faire un beau sujet de conversation lors de la réunion des banquiers centraux de Jackson Hole (qui se tiendra en fin de semaine du 26 au 28/08). Elle devait constituer le point d’orgue monétaire de ce mois d’août, mais Christine Lagarde a annoncé qu’elle ne ferait pas le voyage pour la seconde année consécutive ! Il en va de même que le gouverneur de la Bank of England qui déclinait à son tour l’invitation mardi dernier.

La FED – et Jerome Powell – sera donc la vraie vedette américaine du sommet annuel de banquiers centraux : elle devrait valider la perspective d’un ralentissement des achats (« QE ») dès cet automne.

Et Jerome Powell pourrait présider 4 sommets de Jackson Hole supplémentaires puisque son ex-collègue – et supérieure hiérarchique de 2014 à 2018 – Janet Yellen a déclaré aux principaux conseillers économiques de la Maison Blanche qu’elle recommande de soutenir sa candidature pour un second mandat.

En a-t-il réellement envie ? Après 4 ans de félicité boursière… prendra-t-il le risque d’être l’homme qui aura sommé Wall Street de renoncer à son fauteuil roulant en lui lançant un « lève-toi et marche » ?

Il est le premier à savoir qu’un tel miracle est impossible : le « verbe magique » de la FED ne fonctionne que tant que c’est elle qui accomplit l’essentiel de l’effort.

Les marchés ont perdu toute autonomie, l’économie a perdu ses jambes.

Philippe Bechade

Rédacteur en chef de « La Bourse au Quotidien » et de la lettre « Béchade confidentiel », Philippe Béchade rédige depuis 2002 des chroniques macroéconomiques et boursières. Il est également l’auteur d’un essai, "Fake News", qui fait office de manuel de réinformation sur les marchés financiers. Arbitragiste de formation, analyste technique, il fut en France dès 1986 l’un des tout premiers traders et formateur sur les marchés à terme. Intervenant régulier sur BFM Business depuis 1995, rédacteur et analyste contrarien, il s'efforce de promouvoir une analyse humaniste, impertinente et prospective de l’actualité économique et géopolitique.

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