La nouvelle avait retourné les réseaux sociaux et les marchés financiers en janvier 2022. Un an plus tard, le projet de rachat colossal qui aurait fait de Microsoft l’éditeur n°1 de jeux vidéo est fortement remis en cause. La faute à l’autorité de la concurrence américaine, qui craint une mainmise trop importante de la firme de Bill Gates sur les licences les plus populaires de la société cible, Activision-Blizzard.
Il y a quelques semaines, la Federal Trade Commission (FTC) [NDLR : agence gouvernementale américaine chargée de veiller à l’application du droit de la consommation et de la concurrence], a intenté une action en justice visant à empêcher Microsoft Corp. (NASDAQ : MSFT) de racheter Activision Blizzard Inc. (NASDAQ : ATVI).
Cette action en justice place directement le géant technologique dans le viseur des autorités, et laisse en suspens le sort d’Activision, développeur de jeux vidéo en difficulté.
L’argument sur lequel se fonde l’action intentée par la FTC est le suivant : cette fusion menacerait la concurrence au sein du secteur. « L’acquisition envisagée, si elle aboutit, pourrait considérablement réduire la concurrence, ou tendre à créer un monopole », déclare la FTC dans sa plainte, laquelle invoque également le fait que cette opération offrirait à Microsoft – en dehors des détenteurs de ses consoles Xbox – un contrôle accru sur l’accès aux jeux d’Activision. Et quels jeux, puisque Activision édite certaines des licences les plus populaires du marché, comme Warcraft et Call of Duty.
Activision détient dans son catalogue des franchises extrêmement lucratives. Elle déclarait en février 2022 un bénéfice de 650 M$ sur les ventes de la nouvelle version de son jeu phare, Call of Duty Black Ops. Crédit image : https://www.activision.com/fr/games
Toutefois, en annonçant cette fusion, Microsoft a déclaré à de multiples reprises que la société ne se livrerait pas aux agissements qui préoccupent la FTC. Mais ces déclarations n’ont pas suffi pour convaincre la FTC que Microsoft se conduirait de façon loyale.
Un autre volet de cette plainte accuse Microsoft de ne pas avoir respecté un engagement similaire pris par le passé auprès des autorités européennes, bien que Microsoft le conteste.
Par conséquent, la grande question que se posaient les investisseurs, était de savoir si Microsoft allait jeter l’éponge, ou au contraire persévérer.
Il y a une dizaine de jours, Microsoft a indiqué avoir l’intention de contester l’action en justice de la FTC…
Le géant reste sur ses positions
Le cours de Microsoft a clôturé en hausse, le 21 décembre, alors que la multinationale se préparait à une bataille juridique avec la FTC.
Même si certains investisseurs ont exprimé le souhait que Microsoft abandonne cette opération, le géant semble avoir quelques arguments en sa faveur, dans le cadre de cette action en justice.
Pour commencer, ces derniers mois, Microsoft a fait connaître sa position dans toutes sortes de médias financiers ou consacrés aux jeux vidéo.
Voici l’argument principal de sa défense : cette fusion ne menacerait pas la concurrence au sein du secteur des jeux vidéo, car Microsoft est déjà à la traîne par rapport à ses rivaux, en termes de ventes de consoles de jeux. De plus, Microsoft n’est pas aussi présent que ses concurrents, non plus, dans le secteur des jeux pour téléphone.
La firme de Bill Gates prévoit même que l’ensemble du secteur deviendra plus concurrentiel à l’avenir, avec l’avènement de technologies telles que la réalité augmentée et la réalité virtuelle, les jeux sur le cloud, etc.
Microsoft axera probablement sa défense sur ces points principaux, outre le type spécifique de fusion que le géant envisage, à savoir une fusion verticale. L’entreprise envisage de racheter Activision en tant qu’élément de sa chaîne d’approvisionnement, et non en tant que concurrent direct.
En gros, cette fusion verticale combinerait les activités de Microsoft liées aux logiciels, appareils, et cloud informatique, au catalogue global de jeux vidéo d’Activision.
La FTC aux prises avec les fusions verticales
Il faut savoir que la FTC s’est déjà attaquée aux fusions verticales par le passé. Elle a échoué à de nombreuses reprises, et ce pour une bonne raison…
En fait, les fusions verticales sont assez compliquées à contester. Invoquer de futurs préjudices éventuels est une tâche difficile, dans la mesure où l’action en justice exige des suppositions complexes concernant la façon dont les dynamiques de marché pourraient se dérouler par la suite, lesdites suppositions étant susceptibles de ne jamais se réaliser.
Pour autant, face à ses échecs passés, la FTC pourrait aborder cette action en justice sous un nouvel angle, si elle tient à faire de cette affaire un exemple.
En attendant, Microsoft est convaincu de pouvoir poursuivre cette opération.
Dans une déclaration concernant l’action intentée par la FTC, Brad Smith – président et vice-président de Microsoft – a déclaré que cette opération « était fondamentalement bonne pour les joueurs, pour les consommateurs, pour les développeurs de jeux et pour la concurrence ».
Il sera intéressant d’observer si cette affaire va créer un précédent dans la manière dont la FTC s’attaquera à l’avenir aux fusions verticales.