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Meta : l’énorme pari de Mark Zuckerberg

By 24 avril 2024juin 6th, 2024No Comments

Alors que le groupe Meta lance Llama 3, son dernier modèle d’intelligence artificielle, les prises de position de Mark Zuckerberg interrogent. Sa stratégie, qui consiste à offrir gratuitement l’accès à ses recherches et outils d’IA va-t-elle mettre la rentabilité du groupe en péril ? Notre expert Ari Goldschmidt nous en dit plus dans cet article…

 

Dès les débuts de Facebook, il a été manifeste que Mark Zuckerberg nourrissait de grandes ambitions.

Deux ans à peine après le lancement de Facebook, Yahoo lui a offert 1 Md$ pour racheter sa société. Comme Zuckerberg possédait environ la moitié des actions de Facebook, à l’époque, il aurait pu empocher 500 M$ après deux ans de travail. N’importe qui d’autre aurait accepté ce type d’offre.

Mais Zuckerberg a dit « non merci ».

A la place, le P-DG de Facebook a transformé sa société en un mastodonte d’envergure mondiale et s’est bâti une fortune de 167 Mds$, soit 330 fois plus que l’offre énorme de Yahoo.

Il y est parvenu en innovant activement. Les hackatons, ces marathons de programmation où l’on crée des projets de logiciels, souvent en un week-end voire moins, sont devenus un incubateur de nouvelles idées.

Les premières fonctionnalités de Facebook, comme les photos, les groupes, le chat, etc., ont été développées ainsi.

Et lorsqu’un réseau social basé sur les photos, du nom d’Instagram, a commencé à devenir populaire, Facebook l’a aussitôt racheté pour la somme de 1 Md$. Instagram est devenu peu à peu plus populaire que Facebook, la plateforme d’origine.

Puis Zuckerberg a de nouveau décroché le jackpot en 2014, en rachetant WhatsApp pour 19 Mds$. Dix ans plus tard, l’application de messagerie est utilisée par presque une personne sur trois, dans le monde.

Certes, tous les paris de Zuckerberg n’ont pas été payants. La société a essuyé un échec retentissant quand elle a tenté de lancer un système de paiement en crypto-monnaies.

Certes, les investissements colossaux que Facebook (désormais Meta) a réalisés dans le métavers n’ont pas encore porté leurs fruits.

Malgré ces deux contretemps, Zuckerberg continue à aller de l’avant en innovant activement.

Les derniers projets de la société représentent probablement son plus grand pari jamais lancé…

 

Meta : la gratuité, un pari risqué

Dans le domaine de l’IA, Meta n’est pas en reste. La société investit dans les technologies d’apprentissage automatique depuis plus de dix ans.

 

Meta_Llama

LLaMA, le grand modèle linguistique open source développé par Meta a été lancé pour la première fois en février 2023. Le groupe sort actuellement sa 3e version.

 

Meta est l’une des premières entreprises technologiques à avoir incorporé la technologie de reconnaissance faciale dans sa plateforme.

Bien que la société ait renoncé à la reconnaissance faciale en raison de préoccupations relatives à la vie privée, l’IA est au coeur de presque toutes les différentes plateformes de Meta.

Les recommandations d’amis, le contenu des fils d’information, la publicité ciblée, le contrôle des spams et de la sécurité font partie des nombreuses fonctionnalités que la société a bâties en se fondant sur l’IA.

Outre la création d’IA pour des applications spécifiques, Meta investit également depuis 2013 dans un laboratoire de recherche d’IA ayant pour mission de construire la technologie de prochaine génération. Ce laboratoire de recherche, appelé Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR), est au coeur des investissements de Meta dédiés à l’IA.

Plus important encore, FAIR adopte une approche radicalement différente pour commercialiser sa technologie.

 

Comme nous l’avons mentionné dans le numéro de février des Investissements d’Altucher :

 

« Alors que des entreprises comme Google et OpenAI conservent jalousement leurs codes et leurs secrets entourant l’IA, Zuckerberg a adopté une approche totalement différente : il donne tout gratuitement.

En février 2023, Meta a lancé Llama, une application d’IA qui permet à tout le monde de construire son propre chatbot aussi bon que ChatGPT.

Au départ, Llama était uniquement réservé aux chercheurs. Mais ensuite, Meta a modifié ses conditions pour permettre à toute entreprise – autre que quelques concurrents tels que Microsoft, Google, Amazon, Apple, Alibaba, etc. – d’utiliser Llama totalement gratuitement.

En faisant ce choix, Zuckerberg foule aux pieds cette vieille croyance selon laquelle les logiciels constituent la plus précieuse composante des produits technologiques.

La logique de Zuckerberg est la suivante : en lançant Llama et d’autres outils d’IA gratuitement, l’entreprise pourra bénéficier d’une main-d’œuvre gratuite et de la communauté de l’open source.

Même si cela peut paraître bizarre, selon la philosophie de l’open source, n’importe quel développeur peut prendre du code, l’améliorer, puis le partager avec le reste de la communauté pour qu’elle s’en serve.

En fournissant gratuitement ses outils d’IA, Zuckerberg fait le pari que certains brillants développeurs – pas forcément motivés par l’argent – mettront leur cerveau au service de Meta.

Il y a un autre avantage : le fait que ses outils soient disponibles en open source permet à Meta de réunir une armée de développeurs qui connaissent déjà son logiciel. Il est coûteux de former des développeurs à de nouveaux logiciels, cela peut facilement prendre six mois à un an (parfois plus), en fonction de la complexité du code. En donnant gratuitement l’accès à son logiciel, Meta peut éviter cette dépense et embaucher facilement des développeurs qui sont prêts et opérationnels dès leur premier jour de travail. »

 

Le pari de Zuckerberg est si énorme et controversé que l’équipe des Investissements d’Altucher a décidé que cela valait la peine de se pencher à nouveau sur la question.

Le modèle de langage Llama de Meta, par exemple, est en grande partie à l’origine d’énormément d’innovations, dans le domaine de l’IA.

D’innombrables start-ups ont adopté Llama, l’ont modifié en fonction de leurs propres cas d’utilisation et ont construit des entreprises à la croissance rapide en s’appuyant sur les innovations de Meta.

On ne peut pas sous-estimer la contribution de Meta dans le domaine de l’IA.

Lors d’un discours prononcé le mois dernier, le P-DG de Nvidia, Jensen Huang, est même allé jusqu’à déclarer que le lancement de la deuxième version de Llama, Llama 2, était « l’évènement le plus important de l’année », pour le développement de l’IA.

Dans mon article du mois dernier, j’ai suggéré qu’avec Llama et Llama 2, Zuckerberg tentait d’empêcher Google et Microsoft de prendre une avance insurmontable en matière de développement de l’IA.

En offrant gratuitement des outils d’IA, Zuckerberg et FAIR jettent un os aux fondateurs de start-ups et aux chercheurs du monde entier. Comme je l’ai indiqué dans le même article, c’est manifestement une bonne nouvelle pour les entreprises qui produisent des puces d’IA comme Nvidia.

Toutefois, l’avantage est moins clair, du côté de Meta.

A mesure que mon équipe approfondissait ses recherches, nous sommes devenus plus optimistes sur la façon dont Meta va transformer ses investissements open source en opportunités à long terme.

 

Un gigantesque réservoir de données

S’il y a bien une chose que Meta possède et qu’aucune start-up ne pourra jamais espérer obtenir, c’est l’énorme réservoir de données relatives à chacun de ses utilisateurs.

Il comprend des images, des centres d’intérêt, des historiques de localisation, des amis, des historiques de navigation, et bien plus encore. Le volume de ces données est tout simplement étourdissant. Et il offre à Meta un énorme avantage pour se servir des dernières innovations liées à l’IA.

En effet, pour que l’IA soit précise, il faut partir de données fiables. En rendant sa technologie open source, Meta bénéficie de la main-d’œuvre gratuite des autres développeurs de logiciels au sein de cette communauté.

Meta mise sur le fait que les chercheurs et les développeurs open source lui donneront les clés pour utiliser plus efficacement son énorme réservoir de données. Les enjeux sont absolument colossaux.

Avec l’amélioration de l’IA, Meta ne va pas seulement tirer des informations plus approfondies sur ses utilisateurs, mais également être en mesure d’influencer plus efficacement leur processus décisionnel.

Bien que Meta ait énormément donné à la communauté open source, celle-ci n’a aucune obligation de lui donner quoi que ce soit en retour.

Les dirigeants de FAIR ont suggéré qu’ils n’avaient pas l’intention de rendre open source quoi que ce soit qui se sert des données utilisateurs de Facebook.

Mais l’avantage que détient Meta avec ses données n’est qu’un pan de sa stratégie d’IA globale.

 

Un réseau de distribution massif

Un autre atout joue en la faveur de Meta : son vaste réseau de distribution.

En fin d’année dernière, Meta a intégré son IA (Meta AI) dans WhatsApp. Meta AI sera progressivement déployée auprès des 2,7 milliards d’utilisateurs de WhatsApp dans le monde (on pourra y accéder dans WhatsApp en créant un nouveau chat, en sélectionnant « New AI Chat »).

Avec le lancement de cette fonctionnalité, l’outil d’IA de Meta devient l’un des chatbots les plus facilement accessibles sur un appareil mobile aujourd’hui.

Ce n’est qu’une fonctionnalité d’IA parmi toutes celles que Meta devrait lancer au cours de l’année à venir. Je ne serais pas étonné que Meta lance de nouveaux outils d’IA pour modifier des vidéos, rédiger des contenus et des sous-titres, ou aider les annonceurs à créer des publicités.

La capacité de Meta à utiliser ses plateformes existantes pour mettre ces outils entre les mains des utilisateurs lui offrira une belle avance dans la course à l’IA en définitive.

Alors qu’est-ce que cela signifie, pour l’action Meta ?

A long terme, je suis optimiste. A court terme, un peu moins.

Pour moi, l’action Meta peut s’effondrer de 30 % (voire plus) par rapport à ses plus-hauts historiques. Depuis la création du groupe, Mark Zuckerberg prend des risques intelligents qui sont extrêmement payants. Mais le marché n’apprécie pas toujours sa vision à long terme.

Je ne serais pas étonné que cela arrive à nouveau, car il s’écoulera un certain temps avant que Meta ne bénéficie de ses investissements open source.

Même si je considère Meta comme l’un des leaders dans le domaine de l’IA, je surveille l’action, à l’affût d’opportunités d’achat si le cours chute.

 

Ari Goldschmidt

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