Toujours imperméables aux mauvaises nouvelles, les marchés actions débutent l’année tambour battant. A la plus grande joie des ultra-riches, pour qui 2020 avait déjà été un millésime exceptionnel.
Pour commencer, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année, avec un vœu de bonne santé qui prend évidemment un relief tout particulier alors que la crise sanitaire est encore loin d’être terminée.
Car si le CAC40 démarre 2021 pied au plancher, avec un gain de 1,3% en milieu de matinée, le fait est que nous croulons sous des informations particulièrement anxiogènes, entre la découverte de souches mutantes du Covid-19 a priori bien plus contagieuses que les précédentes, des reconfinements stricts déjà instaurés ou qui se profilent en Allemagne, en Ecosse, en Israël ou encore au Japon et des campagnes vaccinales qui connaissent des débuts laborieux, en particulier dans notre pays, alors même que tous les faiseurs d’opinion (gouvernants, banquiers centraux, médias mainstream) martèlent qu’une sortie de crise n’est pas envisageable sans immunisation à grande échelle.
Alors espérons que les vaccins immunisent effectivement, mais les premiers éléments communiqués aux patients fragiles et aux professions prioritaires sont plus que prudents : pour l’heure, il n’y a ni certitude de non-contamination, ni horizon de protection étendue au-delà de trois mois.
Pendant ce temps, l’exaspération grandit et le climat social devient délétère, avec en toile de fond ce qui devient une « grande cause » aux yeux de Janet Yellen, de Christine Lagarde, de Warren Buffett et d’autres milliardaires à la vision du monde très éloignée de Donald Trump, à savoir le creusement des inégalités.
Pour faire simple, disons qu’à chaque fois que la Bourse et les actifs financiers enregistrent des gains spectaculaires, enrichissant les plus riches, la question de taxer les grandes fortunes revient sur la table. Il y a tout de même eu l’an passé une forme de « saut quantique », 500 milliardaires ayant engrangé 1 800 Mds$ tandis que 0,1% des habitants les plus riches de la planète ont amassé quelque 7 500 Mds$ sur les marchés. Or, dans le même temps, l’économie mondiale a subi (proportionnellement) la plus grande destruction de richesses depuis le début des années 1930 (!) Dans le détail, les milliardaires européens ont vu leur fortune progresser de 14%, leurs homologues américains de 25% et leurs acolytes asiatiques de… 50%. Des hausses impressionnantes qui s’expliquent par une augmentation globale de 7,5% de la valeur nominale des dettes émises par des pays au bord de la faillite ainsi que par l’envolée du Nasdaq, alors même que les profits des entreprises qui composent ces indices diminuent.
Un contraste obscène
Ainsi les plus-values engrangées en 2020 par ces ultra-riches ont-elles relevé de l’inconcevable. Quant au creusement des inégalités entre les victimes de la crise (de 80 à 90% de la population selon les pays) et les 0,01% les plus aisés, il n’est plus « seulement » abyssal, ni indécent, mais est devenu obscène, consacrant la désintégration totale – et à l’échelle quasi-planétaire – du « contrat social », avec un enrichissement sans cause et sans courir le moindre risque de détenteurs d’actifs financiarisés solidement appuyés par des banques centrales qui soutiennent les cours de façon éperdue et illimitée dans le temps.
Le problème qui se pose aujourd’hui est donc bien plus grave et bien plus complexe qu’un banal creusement des inégalités, attendu que si les riches s’enrichissent de 50% et que les classes les moins favorisées voient dans le même temps leur niveau de vie s’élever de 5%, tout le monde (ou presque) est content.
Sauf qu’en 2020, les cadres théoriques de l’économie de marché auront littéralement volé en éclats. A l’évidence, il n’y a pas de nouvelles richesses créées dans un monde en récession, mais les 0,01% les plus riches ont malgré tout vu leur fortune augmenter aussi vite qu’en 2019, année durant laquelle ils avaient déjà « capté » 100% de la richesse additionnelle, ne laissant que quelques miettes à la majorité du corps social.
Les « faux riches » pourraient (une fois de plus) payer la note
Les « très riches » bénéficient en réalité d’un effet d’aubaine d’une ampleur jamais observée, avec de la richesse qui n’existe pas, mais vient tout de même gonfler leur fortune de façon presque symétrique par rapport à ce que les 80 à 90% de la population ont perdu en 2020 (sachant que pour les épargnants, le monétaire et les dettes souveraines ne rapportent plus rien, dans 70% des cas).
Le réflexe typiquement français consistant à taxer les riches ressurgit avec des projets comme l’impôt de crise « Jean Valjean », mais les ultra-riches frissonnent surtout à peine à l’idée que le fisc pourrait lorgner leur fortune. Et pour cause : contrairement à l’immobilier ou à des dépôts de liquidités dans des établissements financiers français, l’essentiel de leurs actifs financiers sont logés dans des structures multinationales défiscalisantes et totalement inaccessibles aux appétits des fonctionnaires de Bercy.
Certes, les milliardaires français n’ont pas encore délocalisé la totalité de leur patrimoine financier mais si un « impôt spécial crise » devait leur être infligé (certes sur de l’argent gagné en dormant), ils ne manqueraient pas de s’expatrier encore davantage – question de principe ! –, jugeant que les promesses de ne pas rajouter d’impôts ne sont une nouvelle fois pas tenues…
Cette fuite enverrait également un très mauvais signal de risque de prédation fiscale aux non-résidents et l’administration fiscale française se rabattrait alors sur les « faux riches » habituels, autrement dit ceux qui gagnent plus de deux fois le salaire médian de 2 350 € et, au-delà, ceux qui sont propriétaires d’un bien immobilier et/ou détenteurs d’une épargne retraite confortable… mais ne possèdent pas de fiduciaires, de « fondations » ou de holdings financières anonymisées à l’étranger.
Triste ironie du sort : nombre de ces petits riches sont restaurateurs et l’année 2021 débute pour eux de la pire des façons, avec la perspective d’un maintien de la fermeture de leur gagne-pain au-delà du 20 janvier…