Inspiré par les meme coins lancés par des personnalités telles que Donald Trump, le 14 février, le président argentin Javier Milei a promu une cryptomonnaie appelée $LIBRA sur X (anciennement Twitter). Selon lui, le jeton devait aider à stimuler l’économie argentine et à financer les petites entreprises. En seulement deux heures, $LIBRA a attiré environ 40 000 investisseurs et son prix a augmenté de façon exponentielle. Mais les développeurs ont très vite vendu tous les tokens qu’ils détenaient, écrasant sa valeur. Résultat : trois investisseurs sur quatre ont perdu de l’argent, certains jusqu’à 5 M$…
Par Chris Campbell
Imaginez que vous vous trouvez à une kermesse. Il y a un stand où vous pouvez jeter un anneau autour d’une bouteille et gagner un poisson rouge.
Sauf qu’à la place du poisson rouge, vous recevez une sardine morte. Et qu’au lieu de jeter un anneau, vous tendez purement et simplement votre portefeuille et que quelqu’un vous assène un coup de poing dans la figure.
Bienvenue dans le monde du trading de meme coins.
C’est une sorte de casino frénétique éclairé au néon, où un adolescent de 13 ans dopé au sucre peut lancer un jeton, orchestrer un « rug pull » [NDLR : quand les développeurs d’un jeton abandonnent le projet après avoir perçu l’argent des investisseurs, lesquels se retrouvent avec un jeton sans valeur], gagner 20 000 $, et se moquer ouvertement des investisseurs…
Et le jour suivant, un meme concernant exactement le même rug pull devient viral et les mêmes investisseurs, encore en train de panser leurs plaies, se précipitent sur ce jeton en espérant avoir une deuxième chance.
Mais ils sont à nouveau victimes d’un rug pull.
L’effet $LIBRA
Pourquoi… mais pourquoi, est-ce que cela arrive ?
Eh bien, il existe une loi universelle – quelque part entre celle de la gravité et celle de Murphy – selon laquelle, si vous construisez quelque chose de puissant, quelqu’un va immédiatement découvrir le moyen le plus idiot de s’en servir.
Si vous créez l’imprimerie, quelqu’un va s’en servir pour imprimer des pamphlets affirmant que la Lune est remplie de fromage.
Si vous créez Internet, quelqu’un va le transformer en lieu où les gens mangent des Tide Pods [NDLR : capsules de lessive] pendant que d’autres les regardent faire, en temps réel, partout dans le monde.
Et si vous créez un registre de blockchain immuable ? Quelqu’un va s’en servir pour s’enregistrer en train de débourser 1,7 M$ pour s’offrir un dessin numérique de caillou.
Nous appellerons cette loi « l’Effet $LIBRA », après le dernier scandale intervenu dans le complexe industriel des meme coins.
Aujourd’hui, nous allons expliquer ce qui s’est réellement passé avec le meme coin $LIBRA de Javier Milei, le président de l’Argentine… et pourquoi c’est arrivé… (Et ce qu’il va se passer ensuite).
La malédiction de $LIBRA
Vendredi 14 février à 19 heures, Javier Milei a annoncé sur X le lancement du jeton $LIBRA, en partageant l’adresse du contrat.
Voici ce qu’il a écrit :
« L’Argentine libérale progresse !!! Ce projet privé aura pour vocation d’encourager la croissance de l’économie argentine en finançant les petites entreprises et l’entrepreneuriat argentin. Le monde veut investir en Argentine ».
Et après, ce fut le chaos. En une demi-heure, $LIBRA a flambé de 0,216 $ à 5,54 $.
Un trader, ayant acheté dès que le message de Milei a été publié, a transformé 216 000 $ en 6,5 M$.
Mais à la 40e minute, les choses ont tourné au vinaigre : ce qui ressemble à une vente coordonnée a fait plonger le cours de 80 %.
Les fins limiers de l’univers des cryptomonnaies ont rapidement découvert que la majeure partie de ces ventes provenait de l’équipe de développement.
Hayden Davis, l’un des fondateurs du projet, a admis que c’était vrai. L’équipe a vendu plus de 100 M$ de jetons. Mais il blâme les « snipers », ces traders qui ont acheté et vendu très vite.
Quels arguments ont-ils avancé pour leur défense ? L’équipe ne faisait que retirer de la liquidité à titre préventif afin de stabiliser le marché. Elle allait rendre l’argent dès que les snipers auraient vendu. (Autrement dit, ils ont commis un rug pull avant que les autres n’en commettent un).
Mais le projet s’est effondré quand Milei a effacé son message, ce qui a déclenché un krach total.
Résultat : 75 % des investisseurs ont presque tout perdu.
- 8 % ont perdu entre 1 $ et 1 000 $.
- 7 % ont perdu entre 1 000 $ et 10 000 $.
- 9 % ont perdu entre 10 000 $ et 100 000 $.
Le plus grand gagnant a raflé 8,5 M$. Le plus grand perdant a « cramé » 5,25 M$.
Les répercussions ont fait chuter le marché actions argentin de 5,7 %, et des menaces de destitution planent. Milei est resté silencieux, claquemuré avec son cercle restreint.
Mais l’histoire ne se limite pas à l’Argentine.
Ce n’est que l’un des microcosmes d’un télescopage plus vaste et inévitable entre gouvernements et cryptomonnaies.
Les régulateurs veulent contrôler, les politiciens veulent de la crédibilité et les initiés veulent de l’argent.
Résultat ?
Un cirque chaotique fait de confiance mal placée, de « deals » occultes, et de meme coins qui se refilent comme des patates chaudes.
Parallèlement, la véritable révolution de la blockchain est très loin de projets comme $LIBRA.
Au-delà de la folie
Alors que tout le monde se focalise sur les meme coins, il se passe autre chose : le système financier opère un énorme changement de logiciel.
BlackRock, Franklin Templeton et d’autres géants financiers s’empressent de tokéniser les actifs. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que s’ils ne le font pas, ils auront le même sort que le secteur de la presse papier dans les années 2000.
On parle de milliers de milliards de dollars d’actifs – actions cotées, obligations d’entreprises, immobilier, matières premières – qui vont être transférés sur la blockchain.
Fini les délais de règlement de 2 jours. Finis, les systèmes bancaires bureaucratiques. Tout va se déplacer à la vitesse d’Internet.
En fait, les technologies innovantes semblent toujours assez idiotes, au début, jusqu’à ce qu’elles soient ancrées dans le système.
La preuve : Facebook n’était qu’un prototype de Tinder pour étudiants au départ. Mais aujourd’hui, des économies entières en dépendent.
On s’est moqué du cloud informatique en disant que « c’était juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre ». Et maintenant, toutes les grandes entreprises fonctionnent avec.
Les sites de rencontre en ligne ? Autrefois, on considérait cela comme un acte désespéré et bizarre. Et puis, bien entendu, Internet a rendu tout le monde désespéré et bizarre. Et maintenant, c’est le premier vecteur de rencontres.
Dans le prochain numéro des Investissements d’Altucher, l’équipe va aborder de quelle façon les « initiés » jouent la partie… Et comment la jouer, également.
Dans ce numéro, je révèlerai vers où s’orientent les baleines (et les GRANDS INVESTISSEURS), ce que cela signifie pour l’ensemble des cryptomonnaies, et comment jouer cette carte. (Indice : ce n’est pas avec les meme coins).
Alors si vous êtes abonné aux Investissements d’Altucher, restez bien à l’écoute.
A bientôt !
Chris Campbell
