Les marchés financiers américains sont-ils plus sereins en cas de présidence démocrate ou républicaine ? Comment vont-ils réagir aux programmes des candidats de ces deux partis ? Notre expert américain Bob Byrne dévoile ses prévisions et comment il faut se préparer pour affronter au mieux la stagflation de Biden ou le retour en fanfare de l’inflation en cas de présidence Trump.
Pour le meilleur ou pour le pire, il reste moins de 170 jours avant que les Américains n’aillent voter pour le président sortant, Joe Biden, ou son
prédécesseur, Donald Trump.
PredictIt, un site de pronostics basé en Nouvelle-Zélande, attribue à Donald Trump une légère avance sur Joe Biden. Et je suis d’accord. Quelque chose me dit que Trump a l’avantage. Mais cela se base surtout sur la cote de popularité en berne de Joe Biden à la fin de son 13e trimestre de mandat.
Sur quatre ex-présidents dont la cote de popularité était inférieure à 50 % au cours du 13e trimestre de leur mandat, trois ne sont pas parvenus à se faire réélire. Or la cote de popularité de Biden est de 38,7 %.
Cote de popularité des présidents au 13e trimestre de leur mandat
Trump, George H. Bush et Jimmy Carter sont les trois présidents qui n’ont pas réussi à se faire réélire. Obama, quant à lui, y est parvenu.
Mais j’ai moins envie de faire un pronostic électoral que de préparer mon portefeuille dans la perspective du candidat qui l’emportera, quel qu’il soit.
Quand on observe la performance des actions sous les mandats démocrates et républicains, on découvre que, traditionnellement, les marchés enregistrent de bonnes performances sous les mandats des deux partis. Aucun parti ne peut affirmer avoir systématiquement réalisé
une performance supérieure tant sur le plan économique qu’en termes de performance de marché.
Selon Bloomberg, ces 67 dernières années, le S&P 500 a enregistré un rendement annuel moyen d’environ 10 %, sous les gouvernements démocrates et républicains.
Les seules fois où le marché n’a pas réussi à produire un rendement positif, c’était au cours d’une crise financière comme celle de 2008, ou bien d’une période de stagflation comme celle des années 1970.
Le mot-clé, en l’espèce, est « stagflation ».
Bien que les récentes données économiques ne signalent pas une crise financière imminente, les chiffres médiocres du PIB au premier trimestre 2024 – et les chiffres élevés de l’inflation publiés en avril – suggèrent que la croissance économique ralentit, mais que l’inflation se
relance.
D’après tout ce que j’ai constaté, notamment les données économiques récentes, les antécédents des deux présidents en matière de gouvernement, et les politiques proposées pour 2025 et au-delà, les investisseurs doivent se préparer à une hausse de l’inflation sous un gouvernement Trump, et à une stagflation sous un second mandat de Biden.
Heureusement, nous pouvons nous préparer à l’avance, afin d’investir au mieux dans l’un ou l’autre de ces scénarios.
Élections américaines : la voie vers la stagflation débute avec les « Bidenomics » (politique économique de Biden)
Les investisseurs n’ont pas été confrontés à la stagflation (une inflation élevée associée à un chômage important et à une croissance économique stagnante) depuis des décennies. Les cas les plus récents remontent aux années 1970.
Et, quand bien même, il n’est pas possible de mettre le doigt sur un évènement qui aurait déclenché à lui seul cette stagflation. Une conjonction de politiques monétaires accommodantes, de chocs pétroliers, d’inflation provoquée par la hausse des coûts et d’erreurs commises par la Réserve fédérale avait provoqué cette débâcle économique. [L’inflation provoquée par la hausse des coûts peut survenir lorsque les coûts de production augmentent, ce qui fait grimper les prix des produits finis et des services.]
Bien que notre situation ne semble pas aussi désespérée, les chiffres du PIB du premier trimestre, publiés fin avril, sont redoutables. Les dépenses de consommation des ménages (indice PCE) – indicateur clé d’inflation, pour la Fed – sont également élevées, ce qui suggère
que l’inflation est en train de s’intensifier.
Ces chiffres récents concernant les dépenses de consommation et le PIB indiquent qu’il existe un risque de stagflation… mais ce n’est que le début.
Bien avant que les chiffres du PIB ne révèlent un ralentissement économique, les politiques de Biden ont alimenté l’inflation. On peut notamment citer des programmes tels que les aides de 1 900 Mds$ accordées dans le cadre du COVID-19, les 1 200 Mds$ affectés aux infrastructures par la loi Infrastructure Investment and Jobs Act, et les 739 Mds$ de la loi Inflation Reduction Act, qui ont injecté trop d’argent au sein de l’économie.
Bien qu’il s’agisse de mesures moins spectaculaires, il est également reproché à Biden d’avoir annulé le Pipeline Keystone XL, fixé un moratoire sur la production de pétrole et de gaz sur les terres fédérales, et de s’être engagé dans des projets d’énergie verte peu économiques…
Autant de décisions qui ont réduit l’offre de pétrole et augmenté le coût de l’énergie, pour les consommateurs et les entreprises.
Ensuite, il y a les mesures commerciales et douanières (qui sont semblables à celles de Trump) et les programmes d’effacement des emprunts étudiants – autant de facteurs extrêmement inflationnistes.
Ces énormes plans de relance budgétaires, ces politiques énergétiques restrictives et ces mesures protectionnistes et douanières contribuent à faire grimper l’inflation.
Mais rappelons que l’inflation n’est qu’un seul élément de l’équation. Pour être face à une stagflation, il faut également une stagnation économique.
Biden a clairement indiqué que, s’il était réélu, il augmenterait les impôts des ultra riches et des entreprises, relèverait la fiscalité sur les rachats d’actions et instaurerait un taux minimum d’imposition de 25 % pour les milliardaires. Et puis, s’il y a moyen de faire passer un impôt sur les gains financiers latents, il est également ouvert à cela.
Quand on augmente les impôts des entreprises et des particuliers, on prélève de l’argent qui aurait pu être investi ou dépensé, ce qui restreint la croissance économique.
Autrement dit, bien que les Bidenomics aient l’intention de rétablir une sorte d’égalité entre revenus faibles, moyens et supérieurs, le résultat sera une baisse du rendement économique.
Entre les mesures inflationnistes de Biden et son souhait de s’en prendre aux entreprises et aux riches, tous les ingrédients sont en place pour qu’une stagflation prenne le pas.
Trump: la recette idéale pour une Trumpflation
J’ai toujours pensé que, même si les Américains affirment que des questions comme les soins médicaux, l’immigration et les énergies propres sont très importantes à leurs yeux, au moment de voter, c’est leur portefeuille qui compte.
Si la situation financière des électeurs (sont-ils en mesure de nourrir leurs enfants, de loger leur famille et de subvenir à ses besoins ?) s’est améliorée sous le mandat présidentiel en cours, ils ont tendance à offrir un second mandat à ce président.
Or la triste vérité, pour Biden, c’est que les Américains pensent que Donald Trump est mieux armé pour faire progresser l’économie, dompter l’inflation et améliorer leur niveau de vie.
Malgré ce que nous raconte le gouvernement, nous savons que l’inflation est un problème. Et à moins de ne pas manger, ne pas consommer d’énergie ou ne pas avoir besoin de se loger, on peut sereinement dire que les chiffres de l’inflation publiés par le gouvernement sous-
estiment largement le niveau de hausse actuel.
Sous le mandat du président Trump, l’inflation est restée faible.
Certes, il a pris ses fonctions en période d’expansion économique, alors que les taux d’intérêt étaient bas, et il est parti alors que l’économie était ravagée par le COVID-19, avec des taux d’intérêt à nouveau bas – mais cela ne change rien au fait que l’inflation et les taux d’intérêt ont
été faibles au cours de son mandat.
Sous le mandat de Biden, l’inflation pourrait
presque tripler, par rapport aux années Trump
Revenons-en à Biden.
Les Américains ont vu leur niveau de vie stagner (si ce n’est baisser), le prix de presque tout a flambé et les taux d’emprunt également. Le marché actions a beau se situer à un plus-haut historique, si les salaires et le revenu disponible ne surpassent pas l’inflation, tous les indicateurs
de hausse à Wall Street ne signifient rien.
Les Américains ne pensent pas que leur situation financière s’est améliorée sous la présidence de Biden.
Cela est une excellente nouvelle pour Trump, non ?
Eh bien, plus ou moins.
Trump veut appliquer 10 % de droits de douane sur toutes les importations, 100 % sur les voitures produites en dehors des États-Unis et un minimum de 60 % sur les produits chinois. Mi-avril, lors d’une interview au TIME Magazine dans son club de Mar-a-Lago, à Palm Beach (Floride), il a même déclaré qu’il ne pensait pas que ses mesures douanières et protectionnistes feraient augmenter les prix aux États-Unis. Tout est possible, mais je doute que beaucoup d’économistes, en dehors du cercle de Trump, soutiennent cette opinion économique.
Les actes inflationnistes de Trump ne se limitent pas à ses mesures protectionnistes.
Il veut aussi faire baisser les taux d’intérêt, rendre permanents les allègements fiscaux de 2017 (et baisser encore les impôts) et expulser des États-Unis des millions d’immigrés clandestins.
C’est bien beau de vouloir baisser les taux d’intérêt – et le président Biden aimerait bien le faire, lui aussi, de préférence avant que les Américains n’aillent voter en novembre – mais mener une politique monétaire accommodante (des taux d’intérêt bas) avant d’avoir maîtrisé l’inflation pourrait faire flamber cette dernière.
Le fait de rendre les allègements fiscaux de 2017 permanents, tout comme celui d’aggraver le déficit de plusieurs milliers de milliards au cours de la prochaine décennie, contribuera à éviter la stagflation. Les baisses d’impôts sont probablement le remède dont l’économie a besoin
pour éviter cette stagflation.
Une répression massive de l’immigration est un tout autre guêpier. Bien que l’immigration clandestine représente un énorme problème, le fait de supprimer des emplois bon marché au sein de l’économie américaine ne fera pas baisser les prix, mais les fera grimper en flèche.
Une présidence de Trump qui serait synonyme de baisses d’impôts et de déréglementation stimulera probablement de nombreux secteurs économiques. Mais il est incontestable que les prises de position de Donald Trump constituent la recette idéale pour voir bondir l’inflation.
Votre guide d’investissement en période de stagflation
Si les Bidenomics nous conduisent à la stagflation, nous serons confrontés à une redoutable conjonction d’inflation élevée, de croissance faible ou nulle et de hausse du chômage.
Dans un tel contexte, les actions (surtout celles des entreprises axées sur la croissance ou sensibles à l’économie) et les obligations affichent de médiocres performances.
Les actions sortant indemnes d’une période de stagflation sont celles qui affichent un ratio cours/bénéfice peu élevé, offrent de solides dividendes et ont le pouvoir de fixer leurs prix. Concentrez-vous sur les entreprises dites « value » [NDLR : décotées par rapport à leurs fondamentaux] axées sur les produits de base, les services aux collectivités (« utilities ») et la santé.
Les actifs tangibles tels que l’immobilier, les matières premières et les métaux précieux peuvent servir de couverture contre l’inflation. De même, les valeurs axées sur les matières premières (pétrole et gaz, agriculture, métaux de base et précieux) devraient surperformer en
période de stagflation.
Les obligations à long terme réaliseront probablement une performance lamentable en période d’inflation élevée et de hausse des taux d’intérêt, mais les titres du Trésor américain indexés sur l’inflation (« TIPS », Treasury Inflation-Protected Securities) et les bons du Trésor américain à court terme – dont le risque associé aux taux d’intérêt est faible – offrent un excellent moyen de protéger votre pouvoir d’achat.
Les cryptomonnaies n’existaient pas à l’époque de la stagflation des années 1970. Mais si vous êtes capable de supporter sa volatilité, cet actif alternatif pourrait surperformer, dans la mesure où il n’est pas corrélé au rendement économique et pourrait être considéré comme une protection contre l’inflation.
En conclusion, si les Bidenomics nous conduisent à une période de stagflation, il faudra se concentrer sur des actifs ayant une valeur intrinsèque, un pouvoir de fixation des prix, ou une méthode permettant de se protéger de l’inflation.
Se diversifier entre l’or ou les valeurs aurifères, les compagnies pétrolières, les valeurs de secteurs défensifs et des TIPS est une excellente manière proactive de traverser la débâcle liée aux Bidenomics.
Comment faire fructifier son argent en période de Trumpflation ?
Entre faire fructifier son argent en période de croissance économique modérée assortie d’une forte inflation et investir en période de stagflation, il n’y a pas beaucoup de différences.
Il faut encore se concentrer sur des actifs tangibles, tels que l’immobilier ou les REITS, les matières premières, les métaux précieux, les entreprises qui les extraient, et les TIPS, pour se protéger de l’inflation.
Mais s’agissant d’investir sur le marché actions, il ne faut pas uniquement se focaliser sur des valeurs axées sur la santé et les biens de consommation durables. Bien qu’il est vrai que l’inflation puisse avoir un impact négatif sur les actions dont la valorisation est élevée (comme
les valeurs de croissance), les plus blue chips d’entre elles, telles que Nvidia, Microsoft, Amazon et Advance Micro Devices, devraient surperformer.
La clé, pour investir dans des valeurs de croissance en période d’inflation, est de se concentrer sur des entreprises dont les bilans sont « en béton » (un solide flux de trésorerie et peu, voire pas, de dettes), dont la croissance du chiffre d’affaires se situe au-dessus de la moyenne et qui n’ont pas besoin d’emprunter de l’argent.
Nous n’avons pas parlé des liquidités.
Si détenir une somme élevée en liquidités en période de flambée de l’inflation vous effraie, vous avez raison. À chaque jour de hausse de l’inflation, le pouvoir d’achat de vos liquidités diminue.
Il existe toutefois un moyen tout simple de conserver de la « liquidité » tout en se protégeant de l’inflation : vous pouvez vous intéresser à des ETF, tel qu’iShares 0-3 Month Treasury Bond ETF (SGOV). Cet ETF réplique les rendements des bons du Trésor américain dont les maturités
sont inférieures ou égales à trois mois.
Je me sers de cet ETF dès que j’ai un surplus de liquidités sur mon compte, et si je n’ai pas besoin de les affecter à d’autres investissements. Selon les taux actuels, je suis rémunéré 5,1 % (par an), environ, pour placer mon argent dans SGOV. Et la meilleure, c’est que le marché de
SGOV étant liquide, je peux revendre ces titres à tout moment, sans être pénalisé. [NDLR : Les ETF américains ne sont pas accessibles pour les investisseurs européens.]
Les médias dépeignent l’inflation comme un croquemitaine, mais elle n’est pas forcément aussi terrifiante et douloureuse que les chroniqueurs de CNBC veulent bien nous le faire croire. La clé est de faire en sorte que votre argent travaille pour vous, compense les effets d’une
inflation élevée et préserve votre pouvoir d’achat.
En investissant dans des actifs tangibles tels que l’immobilier ou les REIT, les matières premières, les métaux précieux et les actions minières, les blue chips et les TIPS, vous avez un portefeuille équilibré et diversifié, et vous vous protégez des effets de l’inflation.
À bientôt !
Bob Byrne
Bonsoir.
J’ai bien compris ce qu’étaient les TIPS.
Mais les REITS … je n’ai pas compris ce que ça pouvait être …
Quelqu’un pour m’expliquer ?
Merci d’avance.
Best regards.
Jim.