A moins d’un revirement complet de la politique anti-Chine de Donald Trump, Google et Meta risquent de devoir faire une croix sur des milliards de dollars de recettes directes en provenance des annonceurs chinois. Sur les deux premières semaines d’avril, deux de leurs plus grands clients ont déjà réduit significativement leurs dépenses publicitaires…
Les mesures tous azimuts décidées par Donald Trump continuent de produire des effets en cascade. Malgré sa volonté incontestable de favoriser le tissu économique américain – parfois aux dépens de ses plus fidèles alliés – les décisions prises s’avèrent coûteuses pour les entreprises censées être favorisées.
Les dernières victimes inattendues des mesures protectionnistes se trouvent chez les GAFAM. Les mastodontes américains, dont l’hégémonie sur le secteur de la tech inquiète les régulateurs européens, vont paradoxalement voir leurs revenus baisser rapidement et drastiquement du fait des mesures prises contre l’industrie chinoise.
Plus précisément, les groupes dont les revenus dépendent principalement de la publicité sur Internet sont extrêmement sensibles au budget publicitaire des plateformes de vente en ligne chinoises.
De l’ultra fast-fashion (Shein) aux ventes directes d’entreprises (Temu), les sites Internet chinois utilisent massivement les liens sponsorisés pour acquérir de la visibilité auprès des clients occidentaux. Une part non négligeable de leurs dépenses publicitaires atterrit ainsi directement dans le giron des grands acteurs du Web.
Or, Donald Trump a décidé de faire de la Chine la cible privilégiée des nouvelles taxes à l’importation. Celles-ci, dépassant les 145 % sur nombre de produits, reviennent à facturer aux consommateurs américains près de 1,5 $ de taxes pour 1 $ de produit acheté – multipliant ainsi le prix des biens importés par 2,5.
Anticipant un effondrement des ventes, les plateformes chinoises n’ont plus intérêt à chercher à recruter des clients aux Etats-Unis, et coupent drastiquement leurs budgets publicitaires. C’est ainsi qu’Alphabet, Meta, et même X (ancien Twitter) risquent de voir leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices plonger si la Maison-Blanche ne fait pas machine arrière au sujet des droits de douane appliqués à l’Empire du Milieu.
Un effet de bord encore peu pris en compte par les analystes, et qui se matérialisera dans les publications de résultats estivales si la situation perdure.
Evolution de l’action Alphabet (en haut) et Meta (en bas) depuis le 1er janvier. La baisse, de l’ordre de 20 %, ne tient pas encore compte d’un possible effondrement des dépenses de publicité des acteurs chinois. Infographies : TradingView
Une interdépendance peu connue
Au fil des ans, et des scandales autour de la valorisation des données recueillies auprès de leurs utilisateurs, les investisseurs ont pris conscience que ni Google, ni Facebook ne gagnaient d’argent avec leurs fonctionnalités grand public. L’activité de Google n’est pas de vendre des recherches sur Internet, et celle de Facebook n’est pas d’animer un réseau social : les deux entreprises sont des vendeurs de publicité.
Le fait que ces mastodontes dépendent quasi exclusivement de la vente de publicité en ligne est désormais bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que certains de leurs clients représentent un poids disproportionné dans leur chiffre d’affaires – et dans leurs bénéfices.
Depuis des années, le meilleur client de Google est ainsi… Amazon, qui paye pour mettre en avant son catalogue. Le podium des meilleurs clients d’Alphabet est lui dominé par les places de marché : au Royaume-Uni, le seul annonceur dans le « top 5 » des acheteurs de publicité sur Google à ne pas être uniquement un site de vente en ligne est Ikea.
Avec l’essor de la vente directe depuis la Chine, les anciens grands noms du Web comme eBay ont fait progressivement place à Shein et Temu, tant sur Google que sur Facebook et Instagram, propriété de Meta.
En 2023, selon le Wall Street Journal, Temu aurait même été le premier annonceur sur les sites de Meta avec près de 2 Mds€ en frais de publicité.
Clients chinois : des dépenses brutalement coupées
Avec la multiplication des barrières douanières, l’âge d’or des achats directs auprès des fournisseurs chinois touche à sa fin. Même les petits colis, qui étaient jusqu’ici exemptés de taxes à l’importation, sont désormais dans le collimateur de la Maison-Blanche.
Le mois dernier, Donald Trump a décidé que ces envois seraient désormais taxés à un taux de 30 % de la valeur déclarée, et au minimum à 25 $ par envoi. De quoi bouleverser le modèle d’affaires basé sur les achats impulsifs de produits à quelques dollars seulement.Anticipant une hausse massive du prix final, et une évaporation de la demande, les plateformes ont immédiatement revu leurs budgets à la baisse. Sur les deux premières semaines d’avril, Temu a déjà diminué ses achats publicitaires de plus de 30 % aux Etats-Unis. Un mouvement que Shein a suivi, avec une contraction des dépenses de 19 %.
Cette cure d’amaigrissement ne fait que commencer. Les chiffres, arrêtés au 13 avril, n’intègrent pas encore les effets du dernier coup de massue de Washington. Le président a en effet décidé, quelques jours plus tard, de porter la taxation à 90 % du prix d’achat, et de porter le minimum de perception à 75 $. A ce niveau de taxes, les volumes d’activité des sites de vente en ligne vont s’évaporer, et leur budget publicitaire n’a aucune raison d’être maintenu.
A moins d’un revirement complet de la politique anti-Chine de Donald Trump, Alphabet et Meta doivent donc s’attendre à faire une croix sur des milliards de dollars de recettes directes en provenance des annonceurs chinois. Un malheur ne venant jamais seul, la disparition de ces « grosses mains » va également faire fondre le reste des facturations. Les frais publicitaires obéissant à un système d’enchères, la disparition de ces grands comptes va avoir un effet déflationniste fort sur le prix des publicités en ligne, les concurrents pouvant alors acheter leurs propres espaces publicitaires bien moins cher qu’auparavant.
Hier, la Maison-Blanche a laissé entendre que le « juste » taux de taxe à appliquer aux produits chinois serait plus proche des 50 % que des 145 %. Mais rien ne prouve que les consommateurs répondront encore présents avec des prix d’achat multipliés par 1,5… ni que ce énième revirement durera plus de quelques jours.
Merci pour ces infos importantes. J’en connaissais certaines, mais ça ne fait jamais de mal de se rafraîchir la mémoire et d’épaissir le faisceau d’information.
XI JIN PING et TRUMP
« Le protectionnisme ne mène nulle part » ! Les protestations de XI Jin Ping à propos de la politique protectionniste de Trump sont bien compréhensibles.
Elles rejoignent celles d’une petit caste de « Grands Marchands » Occidentaux, attachés à leurs profits particuliers, alors que toute la population occidentale des classes moyennes s’appauvrit lentement depuis plus de trente ans.
La richesse de la Chine actuelle dépend en effet de la vente de ses produits dans le monde entier. La Chine est en 2020, dans la même situation que l’Europe et les USA dans les années 1820.
Les Occidentaux ont envahi la Chine du 19è siècle au nom de la Liberté… du commerce, le « Libre Échange » !
A l’époque la chanson correcte en Occident était : « A bas le Protectionnisme Chinois ».
Deux siècles après le refrain conforme en Occident, et surtout en Chine bien sûr, est : « A bas le Protectionnisme Trumpien ».
Et pourtant l’histoire démontre aussi que le Protectionnisme peut réussir : Contrairement à la Chine ,le Japon du 19 è siècle s’est développé en se protégeant de l’Occident, et en se développant de manière autonome.
En économie les idéologies sont perverses. Pour les peuples surtout.
Pas de Dieu : ni du « Libre échange », ni du Protectionnisme.
Pratiquer tantôt l’un tantôt l’autre, pragmatiquement, en fonction des circonstances et des nécessités locales.
Trump n’a pas fini de tromper le monde et de modifier sa politique en fonction des circonstances.
Si à chaque fois que Trump lance une provocation, dans le genre annexion du Canada, les journalistes montent au créneau, ils n’ont pas fini d’écrire tout et n’importe quoi.
Ce n’est sans doute pas un hasard mais une politique: La Trumperie. Il n’est pas certain qu’en affaires ce soit idiot. Pour les peuples ? On verra.