Le fulgurant feuilleton OpenAI

Un limogeage, un passage éclair chez Microsoft, puis une réintégration à la tête d’OpenAI en cinq jours à peine. Voilà ce qu’a vécu Sam Altman, entre le 17 et le 22 novembre. On dit que le marché n’aime pas l’instabilité, mais ce feuilleton à la tête de la maison mère de ChatGPT va-t-il réellement affecter les activités de l’entreprise et ses investisseurs ?

 

Au moment où je rédige ces lignes, je m’efforce depuis vingt-quatre heures de retracer au mieux la folle semaine de Sam Altman, prodige de la Silicon Valley, limogé le vendredi 17 novembre de son poste de Président du conseil d’administration d’OpenAI et réintégré le mercredi 22 novembre.

OpenAI s’était surtout fait connaître fin 2022, lors de la mise en ligne de la première version de son agent conversationnel ChatGPT, qui avait ébloui par ses capacités à répondre à des questions simples comme un être humain, et avait enthousiasmé les marchés sur le potentiel infini de l’intelligence artificielle (IA).

Mais les évènements qui se sont déroulés ces derniers jours chez OpenAI méritent certainement que l’on revienne dessus.

Petit rappel des faits survenus pendant ce fameux week-end du 17 novembre :

• le conseil d’administration d’OpenAI évince Altman pour ne « pas avoir toujours été franc dans ses communications » ;
• Mira Murati [NDLR : directrice technique d’OpenAI, que le site Time.com désigne comme la créatrice de ChatGPT] est nommée P-DG par intérim ;
• des salariés mécontents exigent la réintégration d’Altman et la démission du conseil d’administration ;
• les négociations entourant le retour d’Altman débutent ;
• les négociations entourant le retour d’Altman échouent ;
• Emmett Shear est désigné comme le troisième P-DG d’OpenAI du week-end ;
• Altman rejoint Microsoft pour prendre la direction de son équipe d’IA.

 

Par ailleurs, à la fin du week-end, 700 des 770 employés d’OpenAI ont signé une pétition exigeant la démission de tout le conseil d’administration. Et mardi dernier, ce nombre avait grimpé à 745.

Mardi dernier également, on apprenait que l’accord d’Altman avec Microsoft n’était pas finalisé et que des pourparlers étaient toujours en cours pour qu’il réintègre OpenAI avec le cofondateur Greg Brockman.

Dans un contexte où la quasi-totalité des employés de l’entreprise étaient prêts à démissionner à cause de leur éviction, on dirait bien que les deux ex-dirigeants avaient pratiquement toutes les cartes en main – si ce n’est toutes – pour négocier.

Un autre élément est venu s’ajouter à cette situation déjà complexe: la volte-face sidérante d’un membre du conseil, Ilya Sutskever [NDLR : directeur scientifique d’OpenAI], considéré comme l’artisan de l’éviction d’Altman.

 

Voici ce qu’il a déclaré :

 

 

« Je regrette profondément d’avoir joué un rôle dans la décision du conseil. Je n’ai jamais eu l’intention de pénaliser OpenAI. J’adore tout ce que nous avons construit ensemble et je ferai tout pour réunifier l’entreprise »

Après sa nomination, Emmett Shear – ex-P-DG de Twitch – s’est donc retrouvé dans la position peu enviable du nouveau P-DG d’une entreprise dont la quasi-totalité des employés est prête à partir.

Il paraît que Shear – qui a publié son Plan sur 30 jours pour OpenAI sur Twitter/X – n’aurait pas été le premier remplaçant choisi, et que l’offre aurait d’abord été adressée au P-DG de Scale AI, Alexandr Wang, et à l’ex-P-DG de GitHub, Nat Friedman. Mais tous deux l’ont déclinée.

Le nouveau P-DG a isolé encore plus le conseil d’administration d’OpenAI en annonçant qu’il démissionnerait si celui-ci ne fournissait pas des preuves étayant sa décision d’évincer Altman.

Et le 22 novembre, coup de théâtre: Sam Altman a finalement retrouvé son poste de P-DG d’OpenAI.

Bref, tout ceci ressemble à une folle saga…

 

OpenAI : une tempête dans un verre d’eau ?

Si vous êtes ici par intérêt pour les avancées technologiques et non pour le grand spectacle, faut-il vous soucier des luttes internes qui se déroulent chez OpenAI ? Probablement pas.

Ni l’univers des technologies ni même les chatbots d’IA ne dépendent du sort de tous ces gens.

OpenAI a énormément contribué à attirer l’attention du grand public sur l’IA, mais si ses employés mettaient leur promesse à exécution et quittaient l’entreprise, alors cela n’aurait probablement aucune incidence sur votre vie.

Dans le pire des scénarios, si vous utilisez régulièrement ChatGPT ou DALL-E, il faudrait peut-être passer à d’autres solutions aussi puissantes et utiles déjà disponibles gratuitement. Mais il est très vraisemblable que les droits sur les applications d’OpenAI seraient rapidement rachetés.

L’IA dépasse OpenAI et dépasse même Microsoft. Aucune de ces entreprises ne contrôle l’avenir de cette puissante nouvelle technologie.

Mais cela ne veut pas dire que ce feuilleton interne n’aura pas un effet très négatif.

Le timing de ces évènements est peu judicieux, alors que le fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried (« SBF »), vient d’être reconnu coupable de toutes les accusations qui pesaient contre lui, dans le cadre d’une des plus grandes affaires de fraude de l’histoire.

Pour les cryptomonnaies, la chute de SBF et de FTX a marqué le pire moment d’une année 2022 presque entièrement accablée, semble-t-il, par l’opportunisme d’acteurs malveillants.

Vu qu’il existe un décalage temporel entre la compréhension de l’IA et les profits pouvant être réalisés dans cet univers, l’IA est une cible de choix pour les opportunistes. Il suffit de coller l’étiquette « IA » sur quelque chose de bon marché pour en augmenter le prix. Et il est peu probable que quelqu’un soit capable de vous démasquer…

C’est le piège dans lequel les cryptomonnaies sont tombées et dont elles ne semblent s’extirper que maintenant.

Et le fait que les gens partent du principe que c’est ainsi pour toutes les nouvelles technologies est un danger pour l’IA.

Il est presque certain que des conflits et des coups de poignard dans le dos vont arriver, dans le cercle de ceux qui veulent régner sur l’IA et s’emparer de la plus grande part de l’énorme nouveau marché qu’elle est en train de devenir.

Mais cela ne veut pas dire que la technologie elle-même a quelque chose à y voir. Tout comme la fraude commise par SBF ne fut pas une « fraude aux cryptomonnaies » mais un bon vieux montage frauduleux « à la Madoff ».

Il est important de faire la différence entre ce qui se passe chez OpenAI – peu importe qui est fautif ou non – et les avantages que l’IA peut offrir.

 

Et maintenant, nous aimerions bien savoir ce que vous en pensez.

Ce qu’il se passe chez OpenAI vous inquiète-t-il ?

 

N’hésitez pas à nous communiquer votre avis dans les commentaires !