Longtemps symbole de stabilité et de puissance, le billet vert semble perdre de son éclat. Plombée par les tensions politiques, les incertitudes économiques et les choix de la Fed, la dynamique du dollar soulève des interrogations majeures. Assiste-t-on aux prémices d’un virage décisif pour les marchés financiers ?
Historiquement, le billet vert a toujours joué un rôle central dans l’économie mondiale.
Valeur refuge en temps de crise, il attire tout autant les capitaux dans les périodes d’innovation, comme on l’a vu lors de l’émergence de l’intelligence artificielle ces dernières années, autour de Microsoft et d’Open AI avec ChatGPT.
Sans aller jusqu’à remettre en cause ces tendances séculaires, les mouvements amorcés ces dernières semaines posent tout de même quelques interrogations à court terme.
Le contexte politique et diplomatique fragilise le dollar
Tout d’abord, les annonces inopinées de Donald Trump n’aident pas le dollar. A mon sens, elles plombent plus la crédibilité de l’administration américaine qu’elles ne la servent.
On l’avait vu en fin de semaine dernière, avec l’altercation d’une puérilité affligeante entre l’homme le plus « puissant » du monde et l’homme le plus riche du monde (Elon Musk ayant d’ailleurs évoqué certains regrets sur le sujet).
Dans le registre des droits de douane, on le voit à nouveau depuis hier.
Walter Bloomberg → « BESSENT : Les négociations commerciales
avec la Chine seront beaucoup plus longues que prévu »
Sven Henrich → « Donc il n’y a pas d’accord. »
Source : X / Sven Henrich
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En effet, après l’accalmie toute relative vis-à-vis de Pékin (l’accord acté laissant à mon sens beaucoup de questions sans réponse), le président américain en a remis une couche hier soir à l’encontre de ses autres partenaires commerciaux.
Parmi eux, l’Europe, où moins d’un mois avant l’échéance du 9 juillet (convenue consécutivement à son échange avec Ursula von der Leyen), Donald Trump a mis sur la table des conditions « à prendre ou à laisser » (elles seront envoyées à l’UE dans les quinze jours qui viennent).
Nous verrons bien si l’acronyme TACO [NDLR : Trump Always Chickens Out], sur lequel j’étais revenu lors de notre dernière réunion éditoriale, fonctionnera une fois encore sur le sujet.
Fed : une baisse des taux en septembre ?
Dans le même temps, nous avons pris connaissance hier des premières statistiques de l’inflation américaine du mois de mai (CPI), actant un plafonnement (le CPI Core étant par exemple ressorti à +2,8 % contre 2,9 % attendus par le consensus moyen des économistes).
La conséquence immédiate a été un léger renforcement de la probabilité d’une baisse de taux de la Fed d’ici septembre (la probabilité implicite étant passée à plus de 70 % ce matin, contre moins de 57 % 24 heures plus tôt). Ce à quoi Donald Trump n’a évidemment pas tardé à réagir sur son réseau social, en invitant de nouveau la Fed à intervenir.
Par ailleurs, les chiffres du PPI (évolution des prix à la production) seront à suivre cet après-midi à 14h30.
D’un point de vue graphique, à l’image de l’eurodollar qui s’installe désormais sur le seuil des 1,15 $, cette double actualité a pour conséquence première de faire baisser le billet vert.
Or, en prenant du recul sur le graphique mensuel du dollar index ci-dessous (qui regroupe la majeure partie des paires forex cotées vis-à-vis du billet vert), on constate que les cours viennent de casser un premier support horizontal (cf. l’ellipse orange sur la droite du graphique).
Ils testent ainsi désormais dangereusement la borne inférieure du canal ascendant de long terme (en place depuis la crise des subprimes !).
Graphique mensuel du dollar index depuis 2009
Source : ProRealTime
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En cas de poursuite de la baisse, les cours risqueraient alors de descendre encore un cran plus bas. A minima vers la zone d’overlap horizontale des 90 points (visible avec le rectangle bleuté ci-dessus).
Dans ce cas, les implications ne se limiteraient pas simplement à la paire eurodollar. Et cela tombe bien puisqu’avec Philippe nous ne sommes visiblement pas les seuls à le penser…
Source : LinkedIn / Christopher Dembik