Economie de guerre oblige, le secteur européen de la défense flambe en Bourse, propulsant les géants à des valorisations vertigineuses. Pourtant, au milieu de cette frénésie, l’Italien Leonardo reste encore une valeur sous-estimée. Discret mais rentable, il pourrait bien être la dernière opportunité abordable pour profiter du grand réarmement européen…
Depuis plusieurs mois, le secteur de la Défense fait l’objet d’une vague d’engouement inédite en Europe. Les investisseurs, qui évitaient jusqu’à très récemment ce compartiment jugé trop sulfureux, voient désormais dans le réarmement européen une opportunité historique.
Leur raisonnement est simple : derrière chaque point de PIB supplémentaire consacré à la Défense, ce sont des centaines de milliards d’euros qui se déverseront, à l’échelle de l’Europe, sur les industriels du secteur.
L’annonce d’un grand plan européen de 800 Mds€, auxquels s’ajoutent 100 Mds€ mobilisés par l’Allemagne, est venue raviver l’euphorie boursière, ces derniers jours.
Les actions des grands noms du compartiment suivent désormais une trajectoire exponentielle, au point que nombre d’analystes y voient la manifestation de la dernière étape d’une bulle.
Et, de fait, il devient compliqué – voire dangereux – pour les investisseurs particuliers qui le souhaitent, de s’exposer au secteur de la Défense. En effet, la plupart des dossiers sont déjà entrés en territoire de frénésie acheteuse, ce qui les réserve aux plus aguerris des traders.
Il reste néanmoins une valeur dont les ratios boursiers sont encore raisonnables par rapport à ses homologues de la Défense européenne : Leonardo. Moins médiatisée que Rheinmetall, ThyssenKrupp et autres Dassault, l’entreprise italienne bénéficiera, elle aussi, largement de l’augmentation des budgets de défense européenne.
Défense européenne : Leonardo est un acteur peu connu du secteur. Ici, son hélicoptère de combat AW249 (photo : Leonardo)
Un compartiment aux valorisations devenues délirantes
L’ampleur des programmes militaires à venir étant désormais bien connue du grand public, difficile de justifier des évolutions de cours à deux chiffres sur chaque séance en l’absence d’évolution majeure de la situation géopolitique.
Certes, le marché boursier est en découverte perpétuelle de la valeur des entreprises, et il est normal que les prix des actions évoluent de manière erratique d’un jour sur l’autre… mais lorsque le cours d’une entreprise qui a pris plus de 1 500 % en 5 ans, comme Rheinmetall, gagne 5 % à 10 % entre deux séances en l’absence de nouvelles significatives, le marché n’est plus en train d’évaluer sa valeur intrinsèque, il réagit simplement aux hausses passées par des hausses futures.
Evolution de l’action Rheinmetall sur 5 ans :
une multiplication par 20 du cours qui prend déjà en compte un possible passage en économie de guerre
Avec une valorisation dépassant les 54 Mds€ à l’écriture de ces lignes, l’industriel allemand s’échange sur la base de 75 fois ses bénéfices annuels 2024. Il ne table pourtant que sur une croissance de 25 % à 30 % de ses ventes cette année. Et son P-DG a indiqué lors de l’annonce des résultats annuels que le plan de réarmement allemand n’aurait ses premiers effets que dans quelques mois, au mieux. Difficile de justifier, après la hausse de ces derniers mois, la nouvelle progression de 64 % depuis la mi-février.
Il en est de même pour ThyssenKrupp, qui s’octroie un quasi-doublement sur 1 an (+87 %). L’industriel reste pourtant dans une situation financière délicate, avec un résultat net en territoire négatif en 2021, 2023 et 2024. Ses pertes ont même dépassé les 1,5 Md€ l’an dernier – l’équivalent de la moitié de sa capitalisation boursière au 1er janvier 2024 ! Même si l’augmentation des budgets militaires devrait pouvoir refaire passer son chiffre d’affaires annuel au-dessus des 40 Mds€, il faudra un vrai revirement de situation pour retrouver la rentabilité passée.
Dans ce contexte, les dossiers à fort potentiel, mais encore abordables, se font rares, et l’Italien Leonardo sort du lot.
Défense européenne : les belles cartes à jouer de Leonardo
A l’instar de notre Thales national, Leoardo est un spécialiste des équipements aéronautiques et spatiaux.
Ses produits se retrouvent dans les avions, les fusées, les télécommunications critiques, mais aussi les missiles, les torpilles et autres véhicules blindés. C’est aussi l’un des premiers constructeurs au monde d’hélicoptères civils.
Ce positionnement diversifié donne à l’Italien un modèle d’affaires robuste. L’an passé, ses prises de commandes ont augmenté de 12,2 %, dépassant les 20 Mds€. L’EBITDA a augmenté dans les mêmes proportions (+12,9 %), s’établissant au-dessus des 1,52 Md€.
Le groupe a ainsi généré un gain de 1,16 Md€ sur l’année, confirmant sa rentabilité intrinsèque. Avec une valorisation boursière aux alentours des 25 Mds€, le groupe n’est absolument pas surévalué.
Pourtant, son directeur général, Roberto Cingolani, a rappelé lors de l’annonce des résultats annuels la capacité du groupe à profiter des nouveaux budgets de défense. La seule augmentation des dépenses italiennes devrait apporter 2 Mds€ à 3 Mds€ supplémentaires aux comptes de l’entreprise. Et si les autres pays européens n’ajoutaient qu’un point de PIB à leurs dépenses militaires, ce sont encore 2 Mds€ à 3 Mds€ supplémentaires que le groupe encaisserait chaque année.
L’avenir s’annonce d’autant plus radieux que Leonardo peut se positionner sur de nombreux besoins de modernisation exprimés par les armées.
Il compte lancer près de 20 satellites militaires en orbite basse entre 2027 et 2028, et sera un équipementier de premier plan si l’Europe accélère dans la constitution de sa propre flotte de satellites Internet pour s’émanciper de SpaceX.
Surtout, le groupe compte sur le besoin de maîtrise des airs pour soutenir les ventes de son nouvel hélicoptère de combat AW249, présenté pour la première fois l’été dernier. Pensé pour répondre aux besoins des conflits modernes, il intègre des équipements électroniques dernier cri pour donner à la machine une représentation de l’environnement et faciliter la prise de décision du pilote et du gestionnaire d’armes.
Il dispose d’espaces prévus pour embarquer de futurs drones volants, qui pourront être lancés depuis des pylônes externes et évoluer seuls grâce à l’intelligence artificielle.
L’hélicoptère AW249, pensé pour les futurs conflits, pourrait être un relais de croissance significatif pour Leonardo
Le programme, déjà financé par l’Italie à hauteur de 487 M€ en 2019, s’est soldé par une commande de 17 appareils le mois dernier. Si les autres pays européens se laissent séduire par l’hélicoptère, Leonardo pourrait voir cette activité prendre une place croissante dans son chiffre d’affaires.
Pour les actionnaires, les possibilités de voir le bénéfice augmenter encore dans les prochaines années, après la poussée de +66 % l’an dernier, ne manquent pas. Et avec une valorisation très raisonnable, le risque de perte est bien plus limité que sur les autres valeurs européennes de la Défense.