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Les séances se succèdent et se ressemblent. Les indices américains frôlent les records historiques sans jamais les atteindre et les dépasser. Et les taux longs dans tout ça ? Décryptage avec notre expert Philippe Béchade.

 

Non satisfait d’aligner les séances, voilà que les indices boursiers américains alignent plusieurs semaines… de stagnation ! Nous en sommes à cinq longues semaines à proximité de leurs niveaux records.

Le S&P500 cède 0,18% a retracé en séance son zénith de clôture du 7 mai, soit 4 232 points. Le Russell-2000 a flirté avec son record absolu des 2 360 points de la mi-mars, à 12 points près ce mercredi, avant de consolider.

Difficile de déterminer si les investisseurs trouvent le temps long, mais il semble que la dynamique haussière se soit figée. Et pendant ce temps, les flux de liquidités se dirigent vers d’autres cieux.

Parmi ces cieux, il n’y a, à l’heure actuelle, que deux possibilités. Il s’agit soit d’alimenter l’hystérie spéculative sur les « meme stocks », soit chercher de la sécurité du côté des marchés obligataires.

Dans le premier cas, il est question de participer à une sorte de vendetta contre des entreprises moribondes largement vendues à découvert et qui offrent de ce fait une opportunité de semer la panique parmi les short sellers. Dans le second cas, les marchés obligataires croulent sous les liquidités. Mais afflux inédit a pris la FED de courts puisqu’elle a vu lui revenir 503 Mds$ de liquidités inemployées (afin d’une prise en pension « overnight ») en ce mercredi 9 juin… ce montant constituant un record absolu, me semble-t-il.

Une décrue des taux longs loin d’être terminée

Nul doute que dans ces conditions, les émissions du Trésor Américain se placent comme des petits pains !

Hier, le rendement des T-Bonds vient d’enfoncer ce 9 juin des planchers qui n’avaient pas été revus depuis début mars. Le « 2031 » a fait une incursion sous les 1,50%, et même vers 1,4700% mercredi midi, avant d’en terminer à 1,4900%. Et cela confirme l’enfoncement « à la marge » du palier/plancher des 1,5400% (du 22/04) survenu mardi.

C’est l’aboutissement d’un cycle de détente des taux qui dure depuis quatre semaines et qui se poursuit inexorablement, que les chiffres soient très robustes (risque de surchauffe inflationniste) ou, au contraire, décevants (comme le « NFP » publié le 4 juin).

La décrue des taux longs US n’est peut-être pas terminée : après l’enfoncement des 1,54% (c’est également l’ex-plancher de fin août 2020), le 10 ans US pourrait combler le gap des 1,213 € du 11 février dernier.

Néanmoins, une détente de 28 points depuis le 4 avril aurait dû permettre à Wall Street – et surtout au Nasdaq, l’indice le plus sensible à une dégradation des T-Bonds – d’effectuer une percée vers de nouveaux sommets. Et force est de constater qu’il n’en est rien. Il n’est donc pas certain qu’une autre détente de 25 points supplémentaires par rapport aux niveaux actuels aura un impact décisif.

Le premier mouvement de décrue (du 4 au 22/04, de 1,77% jusque vers 1,54%) avait apparemment favorisé les « technos » qui s’étaient appréciées de 13 600 vers 14 000… mais le Nasdaq avait poursuivi jusque vers 14 200 (son zénith historique du 29 avril), et ce, alors même que le rendement des T-Bonds avait repris 12 points vers 1,66%.

La corrélation apparaît tout aussi aléatoirement depuis 6 semaines. La récente progression du Nasdaq vers 14 000 point n’apparaît concorder avec la détente du 10 ans que depuis le 1er juin.

Ma conclusion : la hausse des marchés obligataires américains est davantage à relier à la surabondance de liquidités qu’à une réelle croyance dans le scénario de « l’inflation transitoire ». De ce fait, l’état d’esprit des investisseurs pourrait se « retourner » au moindre soupçon que la FED ou la BCE ne pourraient s’accrocher plus longtemps à l’espoir que la hausse des prix se normalise avec le retrait progressif des aides aux chômeurs aux Etats-Unis… Une bonne partie de cet argent aboutissait sur des comptes-titres dédiés à des opérations hyper-spéculatives sur des crypto-actifs, des GameStop, AMC et autres Clover Health, à la recherche de performances de +100% sous 48 heures.

Ce genre d’hystérie spéculative précède souvent une très forte correction de Wall Street… qui pour le coup serait en effet, très favorable aux T-Bonds et validerait un objectif de décrue des taux jusque vers 1,2100%.

 

Philippe Bechade

Rédacteur en chef de « La Bourse au Quotidien » et de la lettre « Béchade confidentiel », Philippe Béchade rédige depuis 2002 des chroniques macroéconomiques et boursières. Il est également l’auteur d’un essai, "Fake News", qui fait office de manuel de réinformation sur les marchés financiers. Arbitragiste de formation, analyste technique, il fut en France dès 1986 l’un des tout premiers traders et formateur sur les marchés à terme. Intervenant régulier sur BFM Business depuis 1995, rédacteur et analyste contrarien, il s'efforce de promouvoir une analyse humaniste, impertinente et prospective de l’actualité économique et géopolitique.

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