Le cuivre a toujours accompagné le progrès de l’humanité. Mais dans un monde toujours plus moderne où la demande en câbles électriques ne fait qu’augmenter, le rythme d’extraction du cuivre, lui, ralentit. Ainsi, tout porte à croire que son cours va bondir à la hausse, et pour longtemps…
Le cours du cuivre est, depuis des décennies, utilisé par les investisseurs pour lire l’avenir de l’économie réelle.
Parce que ce métal est employé dans l’industrie et dans le bâtiment, son prix est considéré comme un indicateur avancé de l’activité économique. Le fait qu’il ne soit pas spécialement précieux ni rare est censé garantir que sa production suive les lois basiques de l’offre et de la demande.
Et parce que quelques pourcents de décalage entre l’offre et la demande font sensiblement décaler les cours (comme pour toutes les matières premières), les équations suivantes étaient traditionnellement enseignées aux traders en herbe :
Livre de cuivre en hausse = économie en croissance
Livre de cuivre en baisse = récession imminente
Voilà pour la théorie.
Mais en Bourse, les solutions simplistes qui promettent de prévoir l’avenir mieux que le marché sont souvent fausses – et les recettes magiques à propos du cuivre ne font pas exception.
Depuis le début du siècle, malgré une volatilité accrue, le cuivre est dans une tendance franchement haussière, et ce quels que soient les cycles économiques.
Evolution du prix des futures sur le cuivre (en dollars par livre). Infographie : Investing.com
L’époque bénie où le cuivre s’échangeait entre 0,5 $ et 1 $ la livre est révolue. Avec un prix qui a été multiplié par 5 entre 2003 et 2023, le marché aurait dû, selon les théories en vigueur jusqu’aux années 1990, redoubler d’investissements, ce qui aurait augmenté la production mondiale et fait baisser les prix.
Il n’en a rien été. La raison est que l’humanité a une soif insatiable de cuivre. Malgré la crise des dot.com, celle des subprimes et la pandémie, le monde n’a eu de cesse de consommer toujours plus de cuivre.
Evolution de la production mondiale de cuivre depuis l’an 2000. Infographie : Statista.com
Le prix de la livre sur le marché le prouve : l’augmentation continue de la production ne parvient pas à répondre à la demande au point de renvoyer durablement les prix autour des 2 $/lb.
Les plus-hauts sont déjà de plus en plus haut, et les plus-bas sont de moins en moins bas, signe que la hausse est désormais structurelle et non plus conjoncturelle.
Avec l’électrification croissante de notre économie et la construction de millions de sources d’électricité verte, la demande en cuivre est en train d’exploser… alors que les capacités excédentaires de production sont plus légères que jamais.
Vers un cuivre toujours plus cher
Le tassement de l’économie chinoise ces dernières semaines aurait dû en toute logique envoyer le prix du cuivre au tapis. Il n’en a pourtant rien été, signe que le cours du métal n’obéit plus aux cycles croissance/récession.
Prix de la livre de cuivre sur 50 ans. Ni les ralentissements, ni les récessions (en grisé) ne sont en mesure de le renvoyer durablement sous les 2 $. Infographie : MacroTrends.net
En effet, à la demande historique de l’industrie et du bâtiment s’ajoute désormais ce qui peut être considéré comme un nouveau pan de notre économie : la transition énergétique.
Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le scénario de neutralité carbone à horizon 2050 (celui dans lequel la France et toute l’Europe se sont engagées) nécessitera de mettre en service 350 millions de véhicules électriques d’ici à 2030, soit plus de vingt fois plus qu’en 2021.
Entre la construction des véhicules, la création « d’autoroutes de l’énergie » et la multiplication des éoliennes et autres panneaux photovoltaïques, la demande de cuivre va exploser. En rythme annuel, elle pourrait atteindre les 40 millions de tonnes d’ici 2030 selon les estimations de Robert Friedland, le fondateur d’Ivanhoe Mines.
Cela représente une croissance des besoins de +60 % en moins de dix ans. Augmenter dans le même ordre de grandeur la production semble difficile, alors que le rythme de croissance annuel constaté n’est que de +2,5 % par an depuis 2010, et qu’il a même tendance à baisser depuis 2017.
Demande en hausse et menaces sur l’offre
Selon les spécialistes, les producteurs actuels ne sont pas en mesure « d’ouvrir le robinet » pour répondre d’un claquement de doigts à la demande.
Déjà, les mines chiliennes constatent une baisse régulière de la teneur en minerai du sol. Sachant que le Chili est le premier pays producteur de cuivre, qui assure à lui-seul plus de 20 % de l’offre mondiale, la nouvelle n’est pas de bon augure. En parallèle de cet épuisement du sol, les minières sont de plus en plus fréquemment obligées de réduire volontairement la cadence de production pour des questions de sécheresse.
Le groupe minier Antofagasta, qui produit plus de 600 000 tonnes de cuivre par an, a annoncé fin avril avoir réduit sa production de -25 % au mois de mars par rapport à 2022 à cause du manque d’eau.
Prenant acte que la situation hydrique ne va pas s’améliorer spontanément, le groupe a investi dans une centrale de désalinisation dans le cadre d’un méga-projet d’investissement à hauteur de plus de 2,2 Mds$.
Pourtant, malgré cette débauche de moyens, le site de Los Pelambres ne devrait ajouter que 60 000 tonnes de cuivre aux capacités du groupe, soit à peine 10 % de sa production 2022, et moins de la moitié de la baisse constatée en mars.
Sachant que le prix brut de production du cuivre est déjà de plus de 1,6 $/lb chez Antofagasta, le prix plancher de la livre sur le marché risque de monter rapidement à 2,5 $, voire 3 $. D’autant qu’à l’échelle de la planète, quelques ouvertures de mines sont prévues dans les mois qui viennent… mais les analystes notent une absence de projets en phase préparatoire, ce qui rend improbable les augmentations de production (pourtant nécessaires pour répondre à la demande) sur la période 2025-2030.
Hausse inédite de la demande, production en manque de relais de croissance, marché hyper-concentré sur quelques pays… les raisons de voir le cours du cuivre bondir à la hausse ne manquent pas.