Cryptomonnaies : l’or physique est dépassé !

Le bitcoin a encore repoussé les limites ce week-end et franchi une étape hautement symbolique. Dans un contexte qui frise la vaste fumisterie, souligne Philippe Béchade.

C’est un événement qui va faire couler beaucoup d’encre : la valeur du bitcoin, qui a touché les 58 000 $, a dépassé hier celle d’un lingot d’or (et plus accessoirement d’une Tesla Model-Y).

Les forums de cryptotraders se sont sans surprise bruyamment réjouis de voir se concrétiser leur pari que l’or numérique dépasse l’or physique, celui-là même que détiennent les banques centrales comme l’une des garanties de la monnaie fiduciaire. Les tauliers desdits forums y voient la preuve ultime du discrédit qui frappe ces institutions et leurs émissions de billets de Monopoly.

Désormais, ce sont aussi des milliers de petits investisseurs – qui se voient bientôt très grands – qui viennent clamer leur foi dans le bitcoin, la « monnaie de l’avenir », alors que chaque transaction en « BTC » consomme autant d’énergie que 500 000 opérations d’achat traitées par Visa ou Mastercard. Une débauche d’énergie et une empreinte carbone à faire hurler de rage chaque militant écologiste, simplement pour avoir effectué un aller-retour spéculatif qui, pour l’heure, ne fait que des gagnants.

Il n’est plus question que de cela sur WallStreetBets, une plateforme d’échanges qui rassemble des communautés de traders (souvent novices) qui se fient à des leaders bien plus expérimentés qu’eux, probablement des professionnels chevronnés travaillant pour de gros hedge funds, dont les performances spéculatives et le « champ lexical » font autorité.

L’avènement de véritables putschistes du trading

Au-delà du narratif qui enflamme les imaginations, l’état d’esprit trahit un mélange de puérilité et de tentation de rupture générationnelle, avec en toile de fond le rejet des principes et préceptes enseignés par les « anciens » du type « les gains du passé ne garantissent pas les gains futurs », « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » et autres « ne vous laissez pas griser, car 90% des débutants qui se croient géniaux finissent par perdre leur chemise ». Pour faire simple, les principes révélés par le vocabulaire des traders de la nouvelle génération sont aux antipodes des règles de prudence et le lexique ci-dessous est particulièrement révélateur cet état d’esprit « risque tout », notamment le « YOLO », le « TTM » (to the moon) et le « Stonks ».

Les influenceurs subjuguent les néophytes en leur vantant ce nouvel Eldorado du monde des cryptodevises, leur expliquant que c’est une révolution technique, que c’est « miné » à la géothermie en Islande ou à l’hydrogène (dans leurs rêves), que c’est bon pour la planète (ce qui est faux à 95%) et que ça va bientôt être labellisé par Greta Thunberg. Bref, à 1 $ l’unité (100 000 fois le coût de revient pour le futé qui enfume les réseaux) le Ponzicoin qu’ils ont déniché, c’est cadeau : il y a 1 000% de gains à engranger sur ce jeton d’ici la fin de l’année !

En attendant un tel miracle, 90%, des « mineurs » peuvent arborer fièrement leur note d’électricité ainsi que les factures de cartes graphiques et des processeurs qu’ils ont dû mettre en œuvre pour intégrer le club des pionniers de la blockchain. Et globalement, maîtriser les bases théoriques de la celle-ci et être capable d’extraire « une preuve de travail » (« proof of work ») ou une « preuve d’intérêt » (« proof of interest ») est à peu près aussi utile que de connaître en détail le fonctionnement du freinage « ABS » (le calculateur, les circuits hydrauliques, le degré d’abrasion des plaquettes de frein) ou celui de la direction assistée (quand on fait un créneau) pour 99,99% des conducteurs de la planète.

Cependant, la comparaison s’arrête là car l’industrie automobile n’a besoin que d’une poignée de fournisseurs de logiciels de gestion des systèmes ABS, alors qu’il existe désormais autant de cryptomonnaies que d’entreprises cotées de part et d’autre de l’Atlantique.

Vous avez dit « rareté » ?