L’analyse des graphiques des prix est une activité très ancienne bien plus ancienne que ce que l’on appelle l’analyse fondamentale qui, elle, n’a vu le jour qu’au début du XXe siècle avec l’obligation de publication des comptes des entreprises destinée à mettre les opérateurs sur un pied d’égalité en matière d’information. En revanche les prix sont depuis toujours une information publique.
Malgré cette ancienneté, il est tout à fait étonnant de constater que nombre d’investisseurs particuliers et professionnels, tout particulièrement hexagonaux (sans doute handicapés par l’esprit cartésien qu’on leur prête), considèrent cette technique comme relevant de la magie noire ou de la lecture du marc de café. Mon propos de cette semaine n’est pas de vous faire une dissertation sur ce thème, d’une part parce qu’il est multiple et complexe, et d’autre part parce que j’en serais bien incapable.
Néanmoins il y a quelques bases simples que tout investisseur doit impérativement connaître et je voudrais ici vous en donner un exemple très simple et facile à appliquer.
Les bases simples que tout investisseur doit impérativement connaître
La logique qui sous-tend l’analyse graphique des prix est la suivante : les prix sont le résultat des confrontations des acheteurs et des vendeurs, le comportement de ces prix (graphique) sur une certaine période révèle l’intensité des batailles qu’ils se livrent. A ce stade même les plus sceptiques ne peuvent contester ces deux affirmations.
C’est l’usage qui est fait de ces observations qui pourrait l’être éventuellement. En effet l’observation de ces luttes entre les deux parties ont permis à certains auteurs de déterminer statistiquement que les prix avaient certains comportements. J’insiste sur l’emploi du mot « statistiquement ».
Les détracteurs de l’analyse graphique, et de l’analyse technique en général, peuvent en effet produire nombre de cas où les « choses ne sont pas déroulées comme prévu ». En matière statistique chacun le sait, si les observations conduisent à un pourcentage de réussite de X %, ceci veut dire aussi que dans 100-X% des cas, un échec est possible. Et donc devant une situation reproduisant les conditions initiales des observations la probabilité de réussite est de X %.
Ce qui fait dès lors la différence est le niveau de risque accepté dans les deux sens. Si l’espérance de gain dans une situation où un objectif serait atteint dans X % des cas est supérieure à la perte potentielle dans les 100-X % des cas, alors sur plusieurs opérations la probabilité de gains deviendra supérieure à celle de perte.
Exemple :
Considérons une figure technique qui statistiquement, soit dans 50% des cas, donne un objectif offrant un gain de 10 €. Sachant cela vous positionnerez votre ordre de protection (stop loss) à environ 5 € sous votre point d’entrée (le titre vaut 5 euros).
L’espérance de gain sur cette situation technique est de 5 € (soit 10 € x 50%) et votre perte potentielle, c’est-à-dire si les choses ne se passent pas comme anticipé, sera de 2,5 euros (soit 5 € x 50%). Donc en « jouant » cette configuration technique l’espérance de gain net est de 2,5 € (soit 5-2,5) à la seule condition que vous positionnez votre ordre de protection systématiquement et que celui-ci soit au moins dans la proportion mentionnée plus haut.
Bien évidemment les chiffres pris dans mon exemple sont fictifs. En outre j’ai volontairement choisi 50% pour vous montrer que même avec une situation où vous gagnez qu’une fois sur deux, une bonne gestion du risque (fixation préalable du niveau de perte) permet néanmoins de faire des gains.
Ceci a pour conséquence qu’il ne faut pas accepter d’entrer en position lorsque le gain attendu n’est pas significatif par rapport à la perte potentielle.
En matière d’analyse graphique vous avez sans aucun doute entendu parler de triangle, d’épaule-tête-épaule, de biseau, de rectangle, double-creux, double et triple sommet, etc.
Mettez trois personnes pratiquant l’analyse graphique autour d’une table devant un graphique et vous aurez autant d’interprétations des figures qui s’y trouvent. Inutile donc de s’encombrer l’esprit avec ce catalogue de figures géométriques.
Je vous propose une et une seule structure.
C’est ce que j’appelle une structure d’accumulation d’énergie.
« D’énergie ? » me direz-vous.
En effet, il s’agit bien d’énergie mais d’énergie déployée par les acheteurs et les vendeurs. Cette énergie est symbolisée sur les graphiques de prix à chaque fois que les prix, après des parcours francs, se retrouvent prisonniers entre deux niveaux. Le niveau supérieur est maîtrisé par les vendeurs, le niveau inférieur par les acheteurs. Les transactions se succèdent entre ces deux intervalles mais aucune des parties n’arrive à prendre le dessus… jusqu’à ce que la victoire soit remportée par l’une des deux.
Dès lors la hausse, ou la chute, est relativement violente, son intensité dépendant de la durée de la bataille. Plus les transactions se sont accumulées plus il y aura de déçus lors du débouclage de la situation. Statistiquement l’objectif dès la sortie du canal est obtenu en reportant la hauteur du canal, au-dessus ou en dessous de ce canal selon la sortie choisie par les prix. Dans le langage de l’analyse graphique on appelle ça une « balançoire ».
Exemple :
Sur le graphique en cours de clôture hebdomadaires de Silver Wheaton je note que les prix sont prisonniers de deux niveaux de prix : 26 $ et 18 $.
Entre les repères 1 et 2 les prix ont réalisé 3 allers-retours sans décision. Aucun nouveau sommet n’a été fait. Le passage sous 17,75 $ (correspond au plus bas de la dernière journée ayant cassé 18 $) est donc une opportunité de vendre cette action en prenant 19$ comme niveau de stop (correspond à un support journalier et au dernier plus haut journalier, mais il existe d’autres méthodes pour choisir son stop).
L’objectif est donc de rejoindre la « balançoire » de 18 $ soit 10 $ (10 $=18-[26-18]).
Par action mon risque est donc de 19-17,75 soit 1,25 $ tandis que mon gain espéré est de 10 $. Le déséquilibre entre risque et gain est respecté.
Néanmoins les choses ne se passent pas comme souhaité : les prix refusent de descendre et les acheteurs reprennent la main ramenant les cours entre les deux supports.
Le stop est là pour protéger la position. La perte est de 1,25 $ (auquel s’ajoutent les frais de transaction qui sont modiques sur le NYSE).
Quelque temps plus tard se produit un événement visible sur le graphique au repère 3 : les acheteurs sont incapables de faire remonter les prix jusqu’à la limite supérieure où ils avaient la force de les emmener précédemment. Cette faiblesse est une opportunité de renouveler la vente.
Cette fois le plus bas est à 16,57 $ et le stop positionné très exactement à 17,75 (repère 4) qui s’avère être le dernier plus haut. Le risque est donc de 1,18 $ (17,75-16,57) et le gain attendu de 6,57 $. Le ratio est convenable.
A l’ouverture du marché les prix sautent des cotations créant une discontinuité de cotation entre les deux journées (gap). L’ordre de vente est passé à 16,57 $ et la journée est très rouge (-11,8 %). Les prix terminent à 15,46 $. Le stop peut donc être ramené immédiatement à 17,11 $ pour couvrir de suite les frais en cas de mauvaise surprise.
Les journées suivantes emmèneront les prix jusqu’à 10,04 $ (repère 5). Le stop étant de plus en plus rapproché au fur et à mesure que l’on s’approche de l’objectif, il sera exécuté à 10,84 $.
Au bilan, le gain de l’opération est de 5,73 $ (16,57-10,84) par action auquel il convient de déduire la perte de 1,25 $ précédente soit un gain net de 4,48 $ par action ou une performance de 25 %.
J’ai pris un exemple baissier mais la même démonstration peut être faite sur un mouvement haussier. A titre d’illustration voici le graphique hebdomadaire d’Agnico Eagle Mines (AEM) capturé à deux instants du mouvement :
Ce type de configuration est très fréquent et facile à exploiter. Comme dans tout ce qui touche aux marchés financiers la réussite est avant tout une affaire de bonne gestion de son risque.
Le sage chinois aurait ainsi pu dire : « C’est en apprenant à perdre le moins possible que l’on gagne le plus. »
Ce que Gilles Leclerc ne démentira pas, comme il vous l’explique dans sa série de videos de formation.