Le rachat de Carrefour a fait couler beaucoup d’encre depuis l’année dernière. Si Couche-Tard n’a pas eu la mainmise sur l’entreprise française, le groupe Auchan pourrait bien remporter la mise. Philippe Béchade passe à l’analyse.
Wall Street semble s’être pris un seau d’eau froide ce mercredi 5 janvier, avec un S&P500 passant de 4 800 à 4 770 points en 4 heures et de 4 770 à 4 700 points (-2%) en 2 heures chrono, le Nasdaq plongeant de -3,35% vers 15 100 points, effaçant ainsi tous ses gains depuis le 21 décembre et le ramènant au même niveau que le 5 décembre ou le 3 octobre dernier.
Pourtant, les marchés obligataires clignotaient au rouge depuis leur réouverture lundi, la sirène d’alarme se mettant à retentir à 110 décibels depuis mardi matin.
Comment les indices US ont-ils pu battre 2 records absolus les 3 et 4 janvier tandis que les taux de 2 ans à 30 ans grimpaient en parallèle de 13 à 19 points, retrouvant leurs pires niveaux depuis le 21 octobre, et même le 4 avril ?
La seule explication qui tienne encore la route, c’est l’abondance de liquidités et la « discipline » imposée aux gérants par leur mandat qui les contraint d’investir les liquidités qui leur sont confiées en vertu du « TINA ».
Les gérants détenaient trop de cash suite aux ajustements de portefeuille (sécuriser les gains sur les dossiers les plus profitables ou les plus risqués). Ils se sont donc retrouvés avec des excès de liquidités (en pourcentage des actifs gérés) les mettant en porte-à-faux par rapport aux termes de leur mandat. Le « TINA » s’est alors imposé à eux… il leur a donc fallu acheter 2 ou 3% de volume de « papier » en plus, dans l’urgence, sinon gare à la « compliance ».
La chasse aux dossiers « pas trop chers » s’est enclenchée, ce qui a suscité le rebond de quelques titres malmenés en 2021, puis les investisseurs se sont tournés vers les valeurs de rendement (les pétrolières notamment), les cycliques (l’automobile, parce qu’il y a une vraie pénurie – durable – de véhicules neufs disponibles) et, dans une moindre mesure, la téléphonie.
Pendant que le Dow Jones, le CAC40, le S&P500 enchaînaient les records, la glissade du Nasdaq aurait dû alerter avec 6 séances de repli sur 7 depuis le 27/12 : elle était à relier directement à la remontée des taux US qui affectait l’ensemble de la courbe.
Carrefour va-t-il se faire racheter ?
Les spécialistes de l’obligataire avaient-ils eu vent du durcissement possible du ton de la FED ? C’est plus que probable.
Leurs homologues des tables « action » et désormais des cellules de trading sur les cryptos étaient-ils privés de cette information ? C’est difficilement imaginable.
Et pourtant, ils ont continué à payer, à envoyer le Dow Jones au-delà des 36 960, et le S&P au-delà des 4 800.
Le retour sur terre va être rude ce jeudi et on voit mal quel secteur pourrait résister à la bourrasque qui soufflait depuis 72 heures sur les marchés de taux.
Au sein du CAC40, un seul titre pourrait tirer son épingle du jeu et c’est un cas très particulier.
Carrefour qui somnolait mercredi matin et en début d’après-midi, a connu un soudain réveil en sursaut à 14h33. Le titre s’est envolé en quelques secondes de +6% vers 17,4 €, forte résistance testée les 29/07/2019, 20/05, 08/06 et 6/7 et 23/08/2021, dopé par une nouvelle rumeur de rachat par Auchan.
L’offre ferme déposée par Couche-Tard le 13 janvier 2021 n’avait permis qu’un soulèvement très bref de la résistance des 18 € des 16 janvier et 26 février 2018.
Cette fois, Auchan reviendrait à la charge, avec une offre à 16,5 Mds€, ou 21,5 € par titre (un cours à mi-chemin entre son plancher de mi-mars à mi-mai 2020 et le zénith des 30,7 € du 10/04/2015, soit une prime légèrement supérieure à 20% par rapport au cours actuel.
Il n’est pas impossible que Carrefour refuse l’offre et tente d’obtenir 18 Mds€, soit un peu plus de 23,5 €/titre.
C’est un pari qui se tente.