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Capgemini : la fin d’un modèle ?

By 25 novembre 2024No Comments

Après une progression fulgurante ces quatre dernières années, le titre Capgemini cale. S’il est évident que la société ne pourra pas reproduire indéfiniment une hausse de +100 % en Bourse, pour Etienne Henri, ce ralentissement est à prendre au sérieux, et pour cause : il reflète les résultats financiers décevants de l’entreprise. En d’autres termes, si Capgemini ne parvient pas à redresser ses fondamentaux rapidement, cette consolidation pourrait se transformer en correction durable…

 

L’explosion en vol du groupe Atos, longtemps présenté comme un modèle de diversification et de domination sans partage sur le secteur des services informatiques, est encore dans toutes les mémoires. Voilà que son grand rival Capgemini lui emboîte le pas et annonce des résultats franchement décevants.

De l’aveu même de son directeur général Aiman Ezzat, Capgemini fait face à de forts vents contraires, et subit « un contexte plus défavorable qu’anticipé dans certains secteurs, principalement celui de l’industrie ».

 

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Après une incursion au-dessus des 225 € au printemps, à la faveur des plus-hauts historiques du CAC 40, l’action Capgemini s’est repliée de -30 % en ligne droite.

 

 

Capgemini : un trimestre d’inflexion qui inquiète

Lors de la présentation de ses derniers résultats, le groupe a fait état d’une contraction de son chiffre d’affaires. Au troisième trimestre, il s’est établi à moins de 5,4 Mds€, en recul de -1,6 % à taux de change constants (-1,9 % hors effets de devises). Sur les neuf premiers mois de l’année, il se contracte de -2,3 %, à 16,5 Mds€.

Au vu du contexte économique morose, la direction ne voit aucun rebond de l’activité sur le dernier trimestre. Elle table même sur une accélération de la baisse du chiffre d’affaires avec une contraction sur 12 mois comprise entre -2 % et -2,4 % à taux de change constants. La révision à la baisse est significative : jusqu’ici, le groupe prévoyait un atterrissage en douceur avec une baisse limitée des ventes, entre -0,5 % et -1,5 % entre les exercices 2023 et 2024.

Ces chiffres marquent une rupture franche avec la tendance en vigueur depuis le début de la décennie. Entre 2020 et 2023, le chiffre d’affaires annuel était passé de 15,8 à 22,5 Mds€, une progression de +42 % en quatre exercices qui avait réjoui les actionnaires. Dans le même temps, le résultat net avait quasiment doublé (+75 %), passant de 955 M€ à 1,67 Md€.

Fort naturellement, le cours de Bourse avait reflété cette évolution, et le titre est passé de 113 € avant la crise du Covid à plus de 225 € au mois de mars dernier. La hausse, qui atteint le seuil psychologique des +100 %, est encore plus impressionnante une fois calculée entre mars 2020 et mars 2024. Au début de la pandémie, le titre ne s’échangeait qu’à 51 € et les investisseurs entrés sur le dossier à ce moment-là ont pu engranger une plus-value de +340 % en quatre ans.

 

Les marchés sanctionnent… et maintenant ?

Cet avertissement sur résultats a été lourdement sanctionné par les marchés. Dès le lendemain de l’annonce, le titre Capgemini abandonnait 6,39 %, soit près de la moitié de la baisse constatée depuis le 1er janvier (-13 %).

Les opérateurs n’ont pas entendu l’appel à l’optimisme de la direction, qui se félicitait dans le même temps d’une remarquable « résilience [de la] marge d’exploitation et [du] cash-flow libre organique ». Une résilience toute relative dans la mesure où l’évolution de la marge a été elle aussi revue à la baisse, avec un objectif désormais attendu entre 13,3 et 13,4 %.

Il est aujourd’hui acté que l’année 2024 sera placée sous le signe de la contraction. Mais plus que la baisse attendue des principaux indicateurs, qui reste (dans l’absolu) modeste, les marchés ont sanctionné le fait qu’un premier avertissement sur résultats avait déjà eu lieu cet été. Au cœur du mois de juillet, le groupe avait déjà revu sa prévision de chiffre d’affaires, la faisant passer d’une faible croissance (0 % à +3%) à une faible baisse (-0,5 % à -1,5%). L’annonce avait déjà fait l’effet d’une douche froide avec une première chute de -10 % du titre en une séance – un plongeon qui n’avait pas été vu depuis les heures les plus noires de la pandémie.

Avec une baisse de -27 % depuis ses plus-hauts du printemps, la baisse est suffisamment importante pour que certains opérateurs envisagent un achat à bas prix. Le ratio cours/bénéfice sur les douze derniers mois est tout aussi attractif puisqu’il est à peine supérieur à 17 à l’écriture de ces lignes.

Mais, comme pour Atos en son temps, un achat suite à cette première vague de correction est prématuré, le trou d’air temporaire pouvant se transformer en baisse de long terme.

 

Ne rattrapez pas un couteau qui tombe

Malgré l’importante décote du cours de Bourse, les fondamentaux de Capgemini ont de quoi inquiéter. Si la faiblesse de l’activité est compréhensible au vu du ralentissement global de l’économie sur le Vieux continent, il est impardonnable que le chiffre d’affaires outre-Atlantique se contracte de -4,9 % sur un an. Non seulement cette zone géographique fait partie des rares à être en croissance sur le globe, mais elle représente 30 % de l’activité du groupe. En parallèle, Capgemini doit faire face comme tous les industriels des nouvelles technologies à la pénurie de talents et à l’inflation des salaires.

Derrière ces évolutions défavorables des principaux indicateurs d’activité, il est permis de s’interroger quant à la pérennité du modèle des sociétés de services à la française. Dans notre pays, numéro un mondial en termes de contraintes sur l’emploi salarié et le poids des charges sociales, l’externalisation de la masse salariale est devenu un sport national. Les sociétés de services ont permis à l’industrie et au monde de la tech d’externaliser leurs ressources humaines, avec un succès indéniable ces dernières décennies.

Force est de constater que, depuis la sortie de pandémie, ce modèle d’affaires a atteint ses limites. Si Atos a été le premier maillon de la chaîne à sauter, cela ne signifie pas pour autant que le groupe suivait une stratégie particulièrement mauvaise : peut-être était-il simplement trop gros et trop endetté, ce qui a hâté sa confrontation avec ses créanciers.

Au 30 juin 2024, la dette nette d’Atos ressortait à 4,22 Mds€. A la même date, celle de Capgemini ressortait à 2,8 Mds€ – un montant légèrement plus favorable au vu des chiffres d’affaires respectifs, mais un ratio du même ordre de grandeur. Si l’un n’a pas su faire face à ses obligations, l’autre pourra être confronté aux mêmes problèmes dans les prochains mois. De quoi inquiéter, à raison, les actionnaires.

Les investisseurs prudents se tiendront à l’écart du dossier Capgemini en attendant une reprise franche de la croissance, l’expérience d’Atos ayant prouvé que le modèle d’affaires des sociétés de services les rend vulnérables aux effets ciseaux défavorables lors des phases de baisse d’activité. Ceux qui tiennent à tout prix à rester exposés au secteur pourront opter pour son concurrent Sopra Steria, qui prévoit un chiffre d’affaires stable sur l’année.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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