L’abondance de liquidités émanant des banques centrales et l’optimisme aveugle des investisseurs donne à penser que les principaux indices français et américains sont à l’abri du danger pour un moment. Et que plusieurs tests seront réussis d’ici vendredi et la prochaine séance des quatre sorcières…
A quatre jours de la prochaine séance des quatre sorcières, et alors que le CAC40 engrange très exactement 10% depuis la précédente échéance trimestrielle du 18 décembre dernier, qu’est-ce qui pourrait empêcher l’indice de retracer son zénith des 6 111 points du 19 février 2020 ?
La question est en réalité sans objet depuis le 10 mars puisque le CAC40 « GR » (NDLR: le CAC40 + les dividendes), dont j’évoquais la situation jeudi dernier, a déjà pulvérisé son zénith historique du 20 février 2020 depuis trois séances. Et si le CAC40 plafonne quant à lui autour des 6 090 points – un niveau testé dès la reprise des transactions ce lundi –, c’est exactement comme si le record précédent avait été retracé.
Bien sûr, tout n’est pas exactement pareil : il y a un an, le loyer de l’argent était nul du côté de la BCE, tandis que le taux directeur de la FED s’établissait à 1,75% et que son bilan était inférieur à 3 800 Mds€. Dans l’intervalle, celui-ci a doublé et la Réserve fédérale promet maintenant trois années supplémentaires de taux zéro.
A partir de là, les investisseurs n’ont plus qu’une seule préoccupation : avec l’arrivée des chèques fédéraux de 1 400 $, seront-ce 150, 175 ou 200 Mds$ qui déferleront sur Wall Street d’ici avril ?
Alors que cela fait quatre mois que la place new-yorkaise attend l’adoption du principe de la distribution de ces fameux chèques, les indices américains ont déjà grimpé de 17% depuis le 4 novembre et la certitude de la mise en œuvre d’un plan de relance de 1 900 Mds$. Celui-ci a été adopté par la Chambre des Représentants il y a une semaine (c’était une simple formalité), mais Wall Street a réagi comme s’il s’agissait de la fin aussi heureuse qu’inattendue d’un long suspense.
Simples formalités
Ces chèques fédéraux ainsi que la campagne de vaccination qui va sauver l’Amérique et lui permettre de recouvrer sa vie d’avant devraient faire (re)bondir l’économie américaine de 7% d’ici fin 2021 et les Etats-Unis seront alors devant la Chine en termes de croissance, car évidemment aucun imprévu ne saurait entraver la course du funiculaire haussier vers les 5 000 points pour le S&P500 et les 40 000 points pour le Dow Jones.
Dans l’immédiat, les tests des 4 000 points pour le premier, des 33 000 points pour le deuxième et des 6 110 pour le CAC40 ne seront, eux aussi, qu’une formalité d’ici vendredi. Les indices enchaîneront entre 20 et 25% de hausse supplémentaire d’ici la fin de l’année, parce qu’on ne peut évidemment pas gagner 42% tous les ans, comme l’a fait le Nasdaq en 2020, même si les profits rebondissent de 20% au lieu de reculer d’autant comme l’an dernier.
Autrement dit, il n’y a rien de plus naturel qu’une hausse de 66% du Nasdaq, tandis que les bénéfices égaleraient leurs niveaux de fin 2019, tout comme les taux longs américains retrouveraient les 1,90%. Eux qui viennent d’atteindre 1,644%, leur pire marque depuis le 6 février 2020, et 2,40% sur le trente ans.
Le fait que les principaux indices américains affichent des hausses comprises entre 25 et 50% à un an d’intervalle à niveau de taux de référence presque équivalent est tellement énorme, avec une pandémie qui est loin d’être terminée et une inflation que les banques centrales nous jurent qu’elles sauront la contenir sans relever leurs taux, que personne n’envisage qu’un Warren Buffet puisse avoir raison de tenir compte d’un baromètre des bulles dont la partie supérieure a explosé sous la pression.
Toujours une bonne raison !
Aujourd’hui, même un bitcoin à 62 000 $ et qui consomme désormais plus de 1% de l’énergie sur Terre n’est ni une bulle, ni une incongruité environnementale et financière. Plus largement, les opérateurs font valoir qu’en dehors de la sphère des cryptomonnaies, ils achètent toutes les valeurs décotées, parce que les cours sont très bas, ce qui fait en quelque sorte une moyenne !
Si on insiste un peu en demandant si la faiblesse des cours des compagnies aériennes et autres loueurs de surfaces commerciales ne s’explique pas un peu par le bouleversement de leur business model par le Covid-19, le télétravail et la décarbonation, les « permabulls » répliquent qu’il faut se projeter en 2023/2024. Quand les touristes recommenceront à faire des croisières et les salariés à partir en voyage d’affaire (avec un passeport vaccinal dûment mis à jour tous les six mois !), au lieu de faire des téléconférences, quand les centres commerciaux désertés pour cause de « clic & collect » se transformeront en centres de vaccination géants etc.
Et puis cette échéance n’est pas si lointaine sachant que sur Tesla, on paye déjà 2030, 2035 sur Airbnb 2035 et même 2050 sur Snowflake.
Bien sûr, personne n’est dupe : les banques centrales déversent tellement d’argent qu’il faut bien acheter des « trucs »…