Après des négociations prolongées de quelques jours, l’assureur anglais Direct Line a finalement accepté l’offre de rachat proposée par Aviva Group. Si la fusion est menée à bien, les actionnaires de la future alliance ont de quoi être optimistes pour les années à venir. Avec une capitalisation boursière de plus de 16 Mds£, le nouvel Aviva aura atteint la taille critique pour éviter de devenir à son tour la cible d’offres de rachat.
C’est une victoire qui n’avait rien d’évident, et qui a de quoi ravir la direction d’Aviva et ses actionnaires. L’offre d’achat de l’assureur anglais sur son compatriote Direct Line vient d’être acceptée, alors même que la première proposition avait été refusée sans ménagement.
A l’instar du secteur bancaire, le secteur de l’assurance du Vieux continent (et du Royaume-Uni) est bien trop morcelé pour pouvoir assurer sa croissance. Aux dires de tous les experts et des pouvoirs publics, une consolidation est nécessaire.
Même les gérants des groupes d’assurance n’ont pas de problème de principe à voir leur secteur se regrouper autour de quelques grands noms… mais chacun se voit comme le gagnant d’un jeu de chaises musicales qui verrait la moitié des acteurs se faire absorber. Sans surprise, tous rechignent à servir de proie au service de plus gros que soi.
Aussi, l’acceptation de l’offre d’Aviva par Direct Line n’avait rien d’une évidence. Le conseil d’administration s’est toutefois laissé séduire par la proposition d’Aviva de racheter les titres Direct Line à hauteur de 275 pence pièce (275 p), soit un chèque global de 3,6 Mds£ (4,35 Mds€) pour l’ensemble du capital.
Si les actionnaires suivent les recommandations du conseil d’administration et apportent leurs titres, Aviva deviendra le deuxième assureur britannique en termes de capitalisation boursière juste derrière Prudential et ses 17,6 Mds£ de valorisation.
Dans ce secteur où la taille est un élément critique de rentabilité et une barrière à l’entrée importante face aux attaques de la concurrence, Aviva va augmenter son envergure de plus de 25 %. Déjà paré de nombreux atouts, le dossier devient encore plus intéressant pour les investisseurs de long terme – d’autant que l’action, restée sage durant l’année 2024, reste bien moins chère que les alternatives américaines.
Evolution de l’action Aviva à la Bourse de Londres. Avec +10 % depuis le 1er janvier 2024, elle est loin d’être surévaluée au vu du potentiel de l’assureur.
Les rachats à cours toujours plus élevés
Signe que le secteur de l’assurance est encore fortement décoté, Aviva a pu s’offrir le luxe de remonter fortement son offre suite au rejet de la première mouture de l’OPA par le conseil d’administration de Direct Line.
Fin novembre, Aviva avait en effet proposé un premier chèque de 3,3 Mds£ (4 Mds€). Un cours jugé insuffisant par Direct Line… mais qui correspondait tout de même à une offre de 250 p par action, soit une prime de 57 % par rapport au dernier cours de cotation de la cible !
Les représentants de l’entreprise sentaient bien que, malgré la prime colossale, la valorisation proposée était encore inférieure au potentiel de Direct Line. Bien leur en a pris, puisqu’Aviva n’a mis que quelques jours à refaire ses calculs, et à proposer un montant 10 % supérieur.
Les marchés anticipaient d’ailleurs ce dénouement. Suite au rejet de la première offre, le cours de l’action Direct Line s’était maintenu au-dessus des 230 p, signe que les intervenants pariaient sur le fait que le premier refus ne marquait en réalité que le début des négociations.
Evolution de l’action Direct Line sur six mois. La première OPA, immédiatement rejetée, n’a pas fait peur aux actionnaires.
Aviva : de belles perspectives pour le nouveau groupe
Si la fusion est menée à bien, les actionnaires de la future alliance ont de quoi être optimistes pour les années à venir. Avec une capitalisation boursière de plus de 16 Mds£, le nouvel Aviva aura atteint la taille critique pour éviter de devenir à son tour la cible d’offres de rachat.
Le rachat signe également une inflexion bienvenue par rapport à la stratégie de décroissance qui avait les faveurs de la direction depuis le début de la pandémie. Pour se recentrer sur le marché britannique, Aviva avait multiplié les ventes d’actifs, réduisant d’autant son périmètre.
Son résultat opérationnel, qui dépassait encore les 3,1 Mds£ sur l’exercice 2019, a ainsi péniblement atteint 1,35 Md£ en 2022, avant de remonter légèrement à 1,46 Md£ l’an passé. Fort logiquement, cette stratégie de repli sur soi n’avait guère enchanté la Bourse. Sur cinq ans, le titre a ainsi progressé de seulement 17 %, contre 34 % pour l’EuroStoxx 50 et +91 % pour le S&P 500.
Avec l’absorption de Direct Line, Aviva va pouvoir se renforcer sur le segment de l’assurance habitation, l’assurance d’animaux domestiques, mais surtout l’assurance automobile. Malgré une érosion du nombre d’assurés ces derniers mois, cette division a connu une augmentation de 11 % des cotisations perçues sur les neuf premiers mois de l’année par rapport à 2023. La dynamique a été tout aussi intéressante sur le segment habitation, avec une croissance de +16,8 % sur un an.
A la fin du dernier trimestre, Direct Line pouvait se prévaloir de détenir plus de 9,5 millions de polices d’assurance actives. Lorsque celles-ci tomberont dans l’escarcelle d’Aviva, qui dispose actuellement de 19,6 millions de clients, l’effet sera loin d’être anecdotique. Et avec une croissance prévue entre 7 % et 10 % par an durant les trois prochaines années, le portefeuille de Direct Line pourrait apporter plus de 5,5 Mds£ de primes en rythme annuel à partir de 2027.
Un chiffre qui, mis au regard des 10 Mds£ de primes perçues en année pleine par Aviva, relativise grandement le coût de l’opération. Mettre sur la table l’équivalent de 28 % de sa capitalisation boursière n’est pas cher payé dans une optique de croissance de +50 % à trois ans… d’autant qu’Aviva n’apportera qu’une partie du montant du rachat en liquidités, le reste étant payé en actions Aviva. De quoi réduire encore le coût financier de l’opération et augmenter la valeur créée pour les actionnaires historiques.