Plus petite capitalisation du CAC40, Atos, loin de l’éclatant parcours de sa concurrente Capgemini, traverse une période boursière pour le moins délicate. La succession de Thierry Breton, qui a cédé aux sirènes de Bruxelles fin 2019, semble lourde à assumer. Quant au newsflow, il n’incite pas franchement à l’optimisme.
Totalement à rebours de la tendance, loin de l’euphorie ambiante sur les marchés, Atos, que d’aucuns pourraient considérer comme le cancre d’une classe qui, dans son ensemble, file tout droit, cède quelque 23% depuis le début de l’année. De fait, l’ESN ne pèse plus que 6,5 Mds€ en Bourse, c’est-à-dire plus de cinquante fois moins que LVMH, la plus importante capitalisation française et même européenne.
Il faut dire que le groupe enchaîne les déconvenues en 2021, avec pour commencer un projet de rachat qui a suscité l’incompréhension, pour ne pas dire une véritable levée de boucliers des investisseurs. Alors que la direction prônait jusqu’alors des acquisitions de petites sociétés créatrices de valeur, essentiellement dans les secteurs de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle et du conseil numérique, elle a changé soudainement son fusil d’épaule en annonçant une opération amicale sur le groupe américain DXC Technology, fruit de la scission de Hewlett-Packard, moyennant 10 Mds$. Une somme jugée bien trop élevée par le marché, qui a craint pour la trésorerie d’Atos et a accueilli à sa façon l’officialisation de ce deal destiné à donner naissance à un leader des services digitaux : un repli de l’action de plus de 13% ! Sus à la folie des grandeurs !
Le management a d’abord donné l’impression de s’entêter et de ne pas vouloir se déjuger, mais a fini par jeter l’éponge début février, renonçant à ce qui aurait été la plus grosse opération de croissance externe de l’histoire du groupe peu après que le board de DXC ait jugé insuffisante l’offre d’Atos, laquelle se voulait en fait définitive.
Déjà laborieuse, la reprise boursière a ensuite été brisée net début avril dans le sillage de l’émission d’un avertissement non sur les résultats ou le chiffre d’affaires, mais concernant une réserve de commissaires aux comptes pour limitation de travaux sur deux entités juridiques américaines dont la contribution aux revenus annuels a atteint 11% au titre de l’exercice 2020. De quoi justifier des travaux supplémentaires et déstabiliser davantage une communauté financière qui avait déjà Atos dans le collimateur.
Une valeur qui n’a peut-être plus sa place au sein du CAC40
« Au cours de nos travaux d’audit, nous avons identifié, dans deux entités du groupe situées aux Etats-Unis (Atos IT Solutions and Services Inc. et Atos IT Outsourcing Services LLC), plusieurs points de faiblesses du contrôle interne relatif au processus d’élaboration de l’information financière et à la comptabilisation du chiffre d’affaires conformément à la norme IFRS 15, qui ont conduit à constater plusieurs erreurs comptables, ainsi qu’un risque de contournement des contrôles », ont écrit les commissaires aux comptes dans un communiqué synonyme de bombe sur un terrain déjà miné. De son côté, la direction a tenté de rassurer et souligné qu’à l’exception de cette réserve, les comptes consolidés demeuraient certifiés. Elle a en outre indiqué n’avoir identifié aucune anomalie sur les deux entités concernées qui aurait été significative pour ces mêmes comptes, mais il semblerait que le lien de confiance soit aujourd’hui très érodé, sinon carrément rompu.
En tout état de cause, Atos a débuté le mois d’avril par un nouveau décrochage à deux chiffres, moins de trois semaines avant l’annonce d’un tassement de 1,9% du chiffre d’affaires du premier trimestre à devises constantes (-3,9% en organique) à 2,7 Mds€. « Les activités ont encore été affectées par le Covid-19 au cours du trimestre malgré une bonne résilience en Services Financiers & Assurance et en Santé & Sciences de la Vie ainsi qu’Europe du Nord, en Marchés de Croissance et une reprise encourageante en Europe du Sud », a détaillé l’ESN, qui a tout de même reconduit les objectifs annuels, dont une hausse du taux de marge opérationnelle comprise entre 40 et 80 points de base comparativement à l’exercice 2020 et une progression des revenus comprise entre 3,5 à 4% à changes constants.
Sauf que, pour s’y conformer, Atos devra mettre les bouchées quadruples et renouer avec des standards de croissance qui n’ont plus été vus depuis plusieurs années. Par conséquent, un réajustement baissier de ces prévisions ne peut être exclue. Auquel cas, la valeur pourrait en être quitte pour un nouveau gadin, indépendamment de multiples plutôt attractifs à ce stade à l’image d’un PER de 8. Sauf que les ratios ne font pas tout et que, dans l’immédiat, les brokers l’ont saumâtre, la Deutsche Bank venant par exemple de ramener son objectif de cours de 85 à… 57 €, soit grosso modo les cours actuels.
Bref, le potentiel d’upside paraît désormais fort limité, pour ne pas dire inexistant. Plus largement, il n’est plus indécent de penser qu’Atos n’a plus sa place au sein du CAC40. Ce que pourrait aussi penser le Conseil scientifique des indices (CSI) quand viendra le moment de reconsidérer sa composition…