Bouleversé par la pandémie, le secteur hôtelier navigue entre incertitudes et renouveau. Accor, locomotive du CAC 40, a su transformer les défis en opportunités, affichant des résultats record en 2024. Entre restructuration stratégique et expansion ciblée, le géant de l’hospitalité se prépare à une nouvelle ère de croissance. Mais cette dynamique peut-elle se maintenir ?
L’hôtellerie fait partie de ces secteurs qui ont été bouleversés par le Covid. Ces dernières années, entre les confinements, les fermetures de frontières, le « revenge travel » des touristes lorsqu’il fut de nouveau possible de voyager, et les changements d’habitudes induits par les mesures sanitaires, ses fondamentaux ont été plusieurs fois ébranlés.
Même aujourd’hui, la situation reste encore si incertaine que, comme dans le secteur de l’énergie ou du transport, analystes et capitaines d’industrie en sont toujours à comparer les résultats des entreprises à ceux de l’année 2019. Il faut revenir plus de 5 ans en arrière pour retrouver un exercice de référence – et 2025 devrait connaître encore une fois son lot de surprises avec les reconfigurations géopolitiques en cours…
Pour les grands noms de l’hôtellerie, rien n’est acquis. Et ce, depuis le début de la décennie. Après une année 2023 placée sous le signe du rebond grâce à une forte demande et des hausses de prix dues à un contexte inflationniste, les investisseurs s’inquiétaient à juste titre de la capacité des consommateurs à continuer à voyager à prix fort en 2024.
Les résultats du groupe hôtelier Accor étaient donc attendus avec impatience. Allait-il maintenir son niveau d’activité ? Allait-il voir son revenu par chambre (RevPar, l’indicateur-clé du secteur) s’effondrer avec la baisse des dépenses discrétionnaires après 2 ans d’inflation ?
La publication des comptes 2024 a été un grand soulagement. Non seulement les facturations ont continué à augmenter l’an passé, mais le groupe s’engage également dans une restructuration qui devrait le rendre encore plus profitable.
Ces bonnes nouvelles ont propulsé le cours de l’action vers ses sommets historiques. Son P-DG, Sébastien Bazin, dont le mandat devrait être renouvelé par anticipation dès cette année pour 3 ans, aura désormais pour mission de faire entrer l’hôtelier dans une nouvelle ère de croissance. Un mouvement déjà bien engagé puisqu’il prévoit, dès cette année, une croissance de l’EBE (excédent brut d’exploitation) à deux chiffres avant d’engager le groupe sur de nouveaux marchés « à fort potentiel ».
Evolution de l’action Accor depuis les années 1990. Locomotive du CAC 40 en 2024 avec 33 % de hausse, le titre évolue non-loin de ses records historiques
Accor : des résultats record
Au vu de l’incertitude qui planait, il y a 1 an de cela, sur la solidité du secteur du tourisme, les actionnaires n’auraient pu rêver d’une meilleure performance.
Accor a vu son chiffre d’affaires 2024 atteindre les 5,6 Mds€, en hausse de 11 % par rapport à 2023. Il dépasse clairement les 4 Mds€ de chiffre d’affaires de 2019, qui n’avaient été retrouvés qu’en 2022 après la pandémie (4,2 Mds€). La hausse du prix moyen des nuitées et du taux d’occupation ont permis au RevPar d’augmenter de 5,7 % sur 1 an. La bonne tenue des coûts a créé un effet ciseaux favorable, et l’EBE a bondi de 12 %, atteignant le niveau record de 1,12 Md€.
La croissance a été essentiellement portée par les hôtels de luxe et lifestyle, ce segment de marché en plein essor qui insiste sur l’ambiance et la personnalisation des offres avec un tarif moyen de gamme. Leur chiffre d’affaires s’est envolé de 19 %, tandis que leur RevPar a crû de 7,3 %.
En plus de séduire les clients, Accor sait remercier les actionnaires qui se sont montrés patients durant la pandémie. Le groupe leur a reversé pas moins de 686 M€ l’an passé (283 M€ en dividende, 403 M€ en rachats d’actions), et prévoit d’augmenter de près de 10 % le montant des rachats d’actions pour les porter à 440 M€.
Entre début 2023 et fin 2024, c’est ainsi près de 19 % du capital qui a été rendu aux actionnaires : une distribution généreuse qui s’ajoute au doublement de l’action sur la période.
Vers un nouveau cycle de hausse ?
Avec un ratio cours/bénéfice de 20, l’action Accor n’est pas bon marché. Elle est évaluée comme celle d’une entreprise de croissance – et c’est exactement ce que vise la direction pour les prochains exercices.
Dès cette année, le groupe va augmenter les investissements au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et dans la zone Asie-Pacifique. Accor va ainsi aller chercher la croissance là où elle pourra être portée par une augmentation du pouvoir d’achat de la classe moyenne. Cet effort de séduction envers les marchés émergents ne devrait pas se faire au détriment de la rentabilité puisque l’EBE est attendu, en 2025, en hausse de 10 % à 12 %.
Surtout, le groupe prouve qu’il aborde les évolutions de marché avec pragmatisme en prévoyant la cession de ses parts dans AccorInvest. L’ancien pôle immobilier du groupe vole de ses propres ailes depuis 2017, et Accor ne détient plus que 30 % de son capital dont il prévoit de se séparer en moins de 2ans.
Accor se recentrera ainsi autour de son métier d’hôtelier et tournera définitivement le dos à l’exploitation foncière. Il coupera également quelques branches mortes en se séparant de quelques hôtels dont la rentabilité globale est décevante et où les perspectives sont faibles du fait d’un mauvais positionnement en termes de gamme ou d’emplacement géographique.
Sur les prochains exercices, ces opérations devraient permettre d’assurer une croissance annualisée de 3 % à 4 % pour le RevPar, et de 9 % à 12 % pour l’EBE. Accor deviendrait alors un groupe encore plus internationalisé, permettant aux investisseurs français de s’exposer à la croissance des pays émergents depuis leur PEA.