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Airbus : un nouveau relais de croissance à l’essai

By 21 octobre 2024No Comments

Dans sa quête de dynamisme, Airbus a peut-être mis le doigt sur la nouvelle filière qui lui garantira des revenus plus récurrents. Avec le recyclage de ses anciens avions et la réutilisation de pièces usagées, le groupe européen mise sur un modèle d’affaires qui pourrait inaugurer un cycle d’activité prometteur.

 

Il est désormais de notoriété publique que les constructeurs aériens seront difficilement en mesure de répondre à la croissance de la demande en appareils neufs. Même les malheurs de Boeing, empêtré dans des scandales industriels et des combats syndicaux, ne font plus le bonheur d’Airbus. L’avionneur européen ne serait en aucun cas capable d’absorber les commandes des clients de Boeing si elles se reportaient sur ses appareils.

Les marchés le savent : malgré un carnet de commandes stratosphérique, Airbus n’a pas vu le cours de son action reprendre de la hauteur après le trou d’air du mois de juin. Elle s’échange encore à -23 % par rapport à ses plus-hauts du printemps. Dans la situation actuelle, cette prudence se justifie : avec des chaînes de production qui tournent déjà à plein, il est impossible de convertir les commandes en facturations.

Augmenter les cadences n’est pas non plus une option au vu de la complexité de la chaîne logistique mobilisée pour construire un A321 ou un A350.

 

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La construction d’un avion moderne dépend d’une chaîne logistique si complexe que toute augmentation de cadence significative est impossible. Photo : Airbus

 

Pourtant, un pan de l’activité d’Airbus, jusqu’ici négligeable, est en train de prendre une importance grandissante. Selon les prévisions, il pourrait même tripler de taille dans les vingt prochaines années, jusqu’à peser plus de 30 Mds€ par an. Sans augmenter sa cadence de production, l’avionneur pourrait ainsi augmenter de 50 % son activité et dépasser le cap des 100 Mds€ de chiffre d’affaires annuels.

 

Airbus : quand la construction d’avions devient anecdotique

Le renouvellement rapide des gammes jusqu’aux années 2000 a fait que le recyclage d’avions est resté une activité anecdotique. Les grandes compagnies préféraient mettre au rebut leurs anciens appareils ou les vendre à prix cassé pour s’équiper en appareils neufs.

La stabilisation des gammes ces dernières années et l’augmentation de la durée de vie utile des machines donne progressivement de l’importance à la notion de cycle de vie complet des aéronefs.

Oubliez le déclassement permanent au fil des reventes avec des appareils de moins en moins bien entretenus. Les avions modernes méritent d’être maintenus dans leur état d’origine le plus longtemps possible pour amortir leur coût d’achat sur une plus longue période.

Ainsi, la maintenance et la formation de mécaniciens, qui permettent de garantir l’état des avions dans le temps, ont pris une place croissante dans les comptes des constructeurs.

Airbus estime que ces activités représentent déjà un marché mondial de 120 Mds$, et qu’elles devraient croître en moyenne de 3,5 % par an durant les vingt prochaines années.

Dans le même temps, un relais de croissance devrait apparaître : le recyclage d’avions. Au vu des estimations de durée de vie utile, ce sont près de 20 000 appareils qui devraient être mis au rebut d’ici vingt ans. L’avionneur se positionne déjà pour valoriser, par le recyclage, cette manne de composants et de matières premières à venir.

 

Le recyclage d’avions, nouveau socle d’activité ?

Les avions qui arriveront en fin de vie d’ici à 2045 sont de véritables mines d’or pour les industriels. D’une part, nombre de pièces qui les composent ont une durée de vie bien plus importante que l’ensemble de l’appareil. Avec une traçabilité suffisante (domaine dans lequel l’aéronautique excelle), ces composants pourront être réutilisés pour la maintenance des appareils en service.

Le principal problème des avionneurs étant aujourd’hui l’approvisionnement en composants, s’appuyer sur des stocks de pièces de seconde main dont le bon fonctionnement aura été confirmé permettra de faire sauter nombre de goulets d’étranglement. Non seulement la réutilisation de pièces permettrait d’économiser des milliards de dollars en coûts d’approvisionnement, mais leur disponibilité améliorée permettrait en plus aux compagnies aériennes de réduire grandement les coûts d’immobilisation de leurs appareils.

Et pour les éléments structurels ne pouvant être facilement réemployés, le recyclage « à la découpe » des matériaux permettra aux matières premières d’être réutilisées dans l’industrie. Airbus estime ainsi que 90 % de la masse de ses avions en circulation peut être valorisée de manière économiquement viable, et que le seul marché des pièces de seconde main pourrait dépasser les 50 Mds€.

 

Vers une économie de stock plutôt que de flux

Le fait qu’Airbus et Boeing augmentent avec prudence leurs cadences de production indique que les avionneurs ont conscience du caractère transitoire de l’explosion actuelle de la demande.

Avec des lignes de production dont les coûts d’installation se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, et dont la rentabilité n’est atteinte qu’au bout de plusieurs années, la précipitation n’est pas de mise. Airbus en a fait l’amère expérience avec l’A380, qui a englouti des sommes colossales avant d’être enterré (peut-être même prématurément si l’on en croit le regain d’intérêt de certaines compagnies).

Plutôt que de prétendre tabler sur une croissance exponentielle sans fin pour faire briller les yeux des investisseurs crédules, les avionneurs anticipent une évolution progressive de leur marché. Même dans l’aérien, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et plutôt que de se rémunérer sur les flux d’appareils neufs, ils ont conscience que leur activité reposera de plus en plus sur le maintien en état du stock mondial d’appareils.

Plus compatible avec les objectifs environnementaux du moment, cette organisation sera certainement vue d’un bon œil par les pouvoirs publics. Economiquement, elle offrira aux avionneurs et à leurs actionnaires plus de visibilité sur l’activité. Les motoristes comme Safran l’ont déjà bien compris : plutôt que de vendre les opérations de maintenance sur leurs réacteurs, ils les facturent désormais à l’heure de vol aux compagnies aériennes. Une fois l’ingénierie financière et technique mise en place, cette innovation commerciale s’est avérée ultra-rentable pour le motoriste tout en étant appréciée des clients qui peuvent calculer à l’avance le coût d’exploitation de leurs machines.

Comme dans l’informatique en son temps, passer d’une facturation au produit vendu vers une facturation au service utilisé permet d’imaginer un nouveau modèle d’affaires pour Airbus. Si l’exemple de la Californie est transposable à Toulouse, nos champions de l’aéronautique peuvent espérer un nouveau cycle de croissance avec le changement de leur modèle d’affaires vers des facturations récurrentes.

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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