OpenAI change de cap

Pionnière de l’intelligence artificielle générative, OpenAI évolue dans le domaine technologique le plus compétitif du monde. Si l’entreprise a pour objectif le bien de l’humanité, ses concurrents ne partagent pas forcément cette vision idéaliste. Tandis qu’elle vient d’annoncer l’ouverture d’un bureau à Paris, OpenAI compte changer de statut afin de gagner en attractivité auprès des investisseurs. Pour notre analyste Davis Wilson, c’est une excellente nouvelle.

 

OpenAI – l’entreprise qui a développé ChatGPT – génèrera bientôt des bénéfices, alors qu’elle avait toujours été une société à but non lucratif jusqu’à présent.

Selon Reuters, la société travaille sur un plan de restructuration de ses principales activités pour devenir une entreprise à but lucratif qui ne sera plus contrôlée par son conseil d’administration indépendant (« Board of directors »).

Cette décision controversée devrait rendre l’entreprise plus attractive aux yeux des investisseurs.

Pour rappel, voici la structure actuelle d’OpenAI :

 

 

Oui… C’est aussi compliqué que cela en a l’air.

En fait, contrairement à la plupart des entreprises technologiques, l’actuelle OpenAI (rectangle au bas du diagramme) est une société [à but non lucratif] contrôlée par un conseil d’administration indépendant.

Ces administrateurs n’ont pas de devoir de loyauté envers les investisseurs, contrairement aux conseils d’administration des entreprises classiques. Leur mission consiste à construire une intelligence artificielle générale sécurisée (ou à la stopper, si nécessaire).

Le raisonnement à l’origine de cette structure unique est le suivant : les fondateurs ont estimé que l’intelligence artificielle générale serait si puissante et changerait si radicalement le monde qu’OpenAI devrait agir dans l’intérêt de l’humanité, et non dans un but lucratif.

Au départ, le projet était le suivant :  OpenAI construirait une intelligence artificielle générale qui serait disponible gratuitement. Ses modèles devaient être open source (d’où le nom « OpenAI »), visibles, et compréhensibles de tous.

 

Le problème, c’est qu’il est coûteux de construire une entreprise dédiée à une intelligence artificielle de pointe.

 

• Les dépenses d’OpenAI en puces – essentiellement les GPU Nvidia – s’élèvent à des centaines de millions de dollars par an, tant pour l’entraînement que pour l’inférence des grands modèles.

 

• Pour avoir accès à Microsoft Azure, OpenAI dépense des sommes considérables qui représenteront des milliards de dollars sur toute la durée de leur partenariat. Cela englobe l’entraînement de grands modèles tels que GPT-4 et l’inférence en temps réel exigée pour offrir des produits tels que ChatGPT.

 

• OpenAI est également en concurrence avec des géants tels que Google, Meta et Microsoft quand elle recrute les meilleurs talents de l’IA, ce qui fait grimper les salaires des chercheurs, des ingénieurs et des scientifiques spécialisés dans ce domaine. Les meilleurs chercheurs en IA peuvent gagner des salaires dépassant le million de dollars annuel, alors que ceux des ingénieurs spécialisés dans le développement de logiciel varient de 200 000 $ à 500 000 $ par an.

 

Il y a un autre problème : le fait que l’entreprise soit contrôlée par un conseil d’administration soucieux du bien de l’humanité n’est probablement pas le type de structure le plus avantageux sur le plan de la concurrence.

OpenAI évolue dans le domaine technologique le plus concurrentiel du monde. Si l’entreprise a pour objectif le bien de l’humanité, ses concurrents ne partagent pas forcément le même objectif idéaliste.

Malheureusement, toute contrainte imposée par le conseil d’administration désavantage l’entreprise, ce qui – au bout du compte – ne sert pas l’objectif de conduire une révolution de l’IA sans danger pour l’humanité.

 

OpenAI veut attirer plus d’investisseurs

Le timing de cette annonce n’est pas surprenant, lui non plus.

La société est en train de lever 6,5 Mds$ qui devraient porter sa valorisation à 150 Mds$.

On le sait bien, les précédents investisseurs avaient été informés qu’ils devraient « considérer tout investissement dans OpenAi Global, LLC comme une donation, sachant qu’il serait peut-être difficile de savoir quel rôle jouerait l’argent dans un monde post-intelligence artificielle générale ».

Comme vous pouvez l’imaginer, peu d’investisseurs ont envie de « donner » 6,5 Mds$ sans garanties raisonnables. Et je ne vais pas le leur reprocher !

Voilà pourquoi la conversion d’OpenAI en entreprise à but lucratif est une bonne chose, quel que soit le camp dans lequel vous vous trouvez.

Que vous souteniez sa mission de veiller au bien de l’humanité en construisant une intelligence artificielle générale de la manière la plus prudente possible, ou que vous pensiez qu’OpenAI a le droit de tirer des profits substantiels de la technologie qu’elle a créée, rien de tout cela ne pourrait intervenir sans d’énormes sommes d’argent et une structure optimisée pour être compétitive.

Or, la restructuration d’OpenAI permet de réaliser ces deux objectifs.

Et maintenant, OpenAI n’a plus qu’à décider dans quelle proportion l’entreprise souhaite être « sans danger pour l’humanité », à l’avenir.

On finira bien par le découvrir.

 

Davis Wilson