Le spécialiste français de l’aéronautique Safran a toutes les clés en main pour garder une longueur d’avance sur le marché. Dans l’immédiat, le renouvellement naturel des anciennes flottes et la croissance du nombre d’avions en circulation soutiennent les ventes de réacteurs. Elles devraient ainsi progresser de manière organique jusqu’en 2030.
Les constructeurs d’avions évoluent dans une niche bien particulière.
En façade, le quasi duopole Airbus/Boeing se partage le marché mondial dans un jeu à somme nulle, et le bonheur de l’un devrait mécaniquement faire le malheur de l’autre.
Pourtant, les déboires de Boeing ne font curieusement pas les affaires de l’avionneur européen. Et pour cause : les besoins des compagnies aériennes sont tels qu’aucun fabricant ne sera, à lui seul, capable de répondre à la demande sur les prochaines années. Les carnets de commandes des deux frères ennemis sont pleins, et même les accidents en série des B737 MAX ne sont pas en mesure de faire espérer des gains supplémentaires pour Airbus.
C’est dans ce paysage atypique qu’un acteur se démarque : le motoriste Safran.
Le Français conçoit et produit, en collaboration avec l’américain GE, les réacteurs les plus modernes qui équipent les derniers avions d’Airbus, de Boeing, et même ceux du nouveau venu chinois Comac. Cette collaboration, qui a débuté en 1974 – il y a un demi-siècle de cela! – a fait naître génération après génération des motorisations toujours plus silencieuses et efficaces.
A l’instar de ses clients avionneurs, Safran peut se prévaloir d’un carnet de commandes particulièrement garni, dépassant les 10 000 réacteurs. Le renouvellement des flottes des compagnies aériennes lui donne une visibilité portant sur plus de six exercices.
C’est donc tout naturellement que le cours de son action s’est envolé de +170 % depuis le printemps 2020. Son chiffre d’affaires, qui était de 16,5 Mds€ en 2020, s’est établi à 19,5 Mds€ en 2022 – et devrait selon toute vraisemblance dépasser les 23 Mds€ en 2023.
Il est désormais clairement établi que le motoriste aura de quoi faire tourner à plein ses chaînes de production jusqu’à la fin de la décennie. Cela ne signera pas pour autant la fin de sa croissance, car la prochaine étape de sa feuille de route technologique est déjà écrite.
Après les moteurs LEAP, qui ont réussi à faire tomber la consommation par passager aérien sous les 4,5L/100 km, le futur moteur ECOENGInE promet d’être un nouveau best-seller. Moins bruyant, et permettant de diminuer d’un facteur cinq les émissions de CO2, il justifiera à lui seul de renouveler les flottes d’appareils comme le fait en ce moment le LEAP.
En prévision de l’arrivée sur le marché de cette nouvelle motorisation, Safran et GE ont déjà renégocié le cadre de leur collaboration. De quoi apporter au Français de la visibilité sur ce marché se chiffrant en centaines de milliards de dollars.
Safran : les motorisations de 2030 déjà en préparation
Début janvier, le motoriste a annoncé le début des tests en soufflerie de la première maquette du moteur ECOENGInE. En collaboration avec l’ONERA, le démonstrateur à l’échelle 1:5 a subi une première batterie de tests.
Maquette de l’ECOENGInE dans la soufflerie de l’ONERA. Photo : Safran
Pour Safran, il s’agit de garder une longueur d’avance sur le marché. Dans l’immédiat, le renouvellement naturel des anciennes flottes et la croissance du nombre d’avions en circulation du fait de l’augmentation du trafic aérien soutiennent les ventes de réacteurs. Elles devraient ainsi progresser de manière organique jusqu’en 2030.
Entre 2040 et 2050, l’arrivée des motorisations zéro carbone justifiera un remplacement complet des aéronefs. La R&D avance d’ailleurs à marche forcée, et un prototype de réacteur à hydrogène gazeux a d’ailleurs passé avec succès ses premiers tests fin janvier.
Mais entre ces deux grands cycles, la décennie 2030-2040 risque de manquer de carburant. Le pire scénario, pour les constructeurs comme les motoristes, serait de voir les compagnies aériennes se contenter des appareils de la génération actuelle en attendant les avions propres.
Pour éviter ce trou d’air dans l’activité, Safran s’est fixé pour objectif de pouvoir proposer aux avionneurs, avant la fin de la décennie, une génération intermédiaire.
Le dernier moteur avant l’avion zéro carbone ?
Le cahier des charges qui a été confié à l’ECOENGInE est loin d’être trivial. Ce réacteur aura la lourde tâche d’être la dernière étape de l’aviation avant l’arrivée des motorisations à hydrogène.
Pour justifier un renouvellement du matériel volant, il devra apporter des améliorations significatives comme l’avait fait, avant lui, la gamme LEAP.
Grâce à son absence de carénage, l’ECOENGInE devrait offrir une poussée équivalente aux moteurs LEAP malgré une baisse de la consommation de 20 %. Certifié pour voler en étant alimenté avec du SAF, le carburant durable qui a vocation à remplacer le kérosène, son bilan carbone devrait être de 80 % inférieur à celui des appareils actuels.
L’architecture « open fan», qui laisse les pales visibles, permettra en outre d’augmenter le diamètre du réacteur qui atteindra les 4 mètres – soit plus que celui du fuselage d’un A320.
Ce design est si différent qu’il a conduit Safran et GE à remettre à plat leur collaboration, l’équilibre entre les coûts de l’intérieur du réacteur (géré par GE) et de la soufflante (gérée par Safran) étant profondément modifié par rapport aux motorisations classiques. Ce nouveau partage des tâches permettra en prime à l’équipementier tricolore d’augmenter sa part dans la valeur ajoutée totale du réacteur.
Cinq ans pour faire naître un moteur révolutionnaire
La campagne de test du démonstrateur qui vient de débuter devrait s’achever au début de l’été. Elle permettra de valider les performances de la nouvelle architecture. Si aucun point bloquant n’est relevé par Airbus, Safran procèdera à des essais au sol d’un prototype, cette fois-ci à taille réelle.
D’ici trois à quatre ans, les premiers exemplaires de test devraient s’envoler sur un A380 piloté par Airbus. Un succès de cette campagne en conditions réelles permettrait de proposer à Boeing et Airbus une version définitive de la motorisation pour qu’elle soit intégrée à la R&D des successeurs des A320 et des Boeing 737.
La production en série devrait avoir lieu dans le courant de la prochaine décennie , laissant à l’ECOENGInE quelques belles années avant l’arrivée des futures motorisations à hydrogène.
Chose rare dans l’industrie, Safran dispose désormais d’une feuille de route technologique claire jusqu’au milieu du siècle. De quoi maintenir la confiance des actionnaires au long cours, qui peuvent déjà se féliciter d’une croissance du chiffre d’affaires de +44% sur les dix dernières années.
Félicitations aux dirigeants de SAFRAN, qui ont su pour une fosi garder un équilibre technologique et commercial avec un partenaire américain…. ce champion français sera un soutien de poids à la filière industrielle d’Airbus et de Safran pour tous leur sous-traitants.
J’ai débuté avec SAFRAN en 2004 et je n’ai jamais été déçu. Bravo « SAFRAN » pour vos performances industrielles et Financières.