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Intel réalise l’impossible

By 2 janvier 2024No Comments

Nouvelle technologie de gravure, offre commerciale renforcée, et une gamme de produits dédiés à l’IA : Intel débute l’année 2024 avec de nombreuses cordes à son arc. De quoi espérer revenir sur les plus-hauts historiques, après une belle année boursière 2023 durant laquelle l’action a gagné +90 % en ligne droite.

 

La tâche n’était pas mince, et Intel (NASDAQ : INTC) aurait pu, à l’instar de HP et IBM, tomber dans le purgatoire des valeurs technologiques.

Après l’arrivée de ses processeurs Core, véritables bouées de sauvetage suite au fiasco de l’architecture Pentium IV, le fondeur n’avait pas su se réinventer. Au début des années 2020, la tempête parfaite s’approchait entre les infidélités d’Apple, qui avait abandonné les puces Intel pour sa solution maison basée sur l’architecture ARM, et la renaissance d’AMD avec sa gamme Threadripper.

 Pire encore, les fondeurs asiatiques comme Samsung (LON : BC94) et TSMC (NYSE : TSM) avaient bien mieux négocié le virage vers les gravures ultra-fines, basées sur les machines à UV extrêmes (EUV) du néerlandais ASML (AMS : ASML).

Pat Gelsinger, arrivé à la tête de l’entreprise au printemps 2021, avait donc une lourde tâche devant lui. En pleine pandémie, il devait réinventer un avenir au groupe californien coincé entre une concurrence asiatique dotée d’une avance formidable et une technologie maison vieillissante.

Force est de constater que le nouveau P-DG a réalisé l’impossible. En quelques années, Intel s’est totalement réinventée. La firme est devenue un fondeur de poids dans le secteur du semi-conducteur « à la demande ». Elle est en passe de rattraper son retard sur la fonderie, et se permet même, en ce début d’année, de menacer directement Nvidia sur son pré carré le plus lucratif : l’IA.

Une décennie rattrapée en quelques mois

En fin d’année, la firme de Santa Clara a (enfin, diront certains) commencé à produire des processeurs Intel Core Ultra grâce au nouveau procédé de fabrication Intel 4. Celui-ci permet au fondeur d’atteindre une finesse de gravure de 4 nanomètres, en valorisant au mieux les capacités de machines de lithographie à EUV d’ASML qui ont fait la bonne fortune de TSMC et Samsung.

Intel rattrape ainsi deux générations de retard de finesse par rapport à ses concurrents asiatiques. Pour y parvenir, le californien a mobilisé pas moins de 17 Mds€ pour monter une nouvelle unité de production près de Dublin, en Irlande – un des premiers paris de Pat Gelsinger lors de son arrivée à la tête du groupe.

Ce succès industriel confirme la pertinence des investissements en Europe. En complément de la modernisation de ses installations en Irlande, Intel a en effet prévu de construire deux méga-usines en Allemagne, pour un montant total estimé à 30 Mds€. Si la prudence était de mise lors de l’annonce de ces projets, annoncés tambour battant en plein cœur de la crise du semi-conducteur, le fait est qu’ils sont bien plus pertinents maintenant qu’Intel est revenu dans la course à la finesse. Les 4 nm d’Intel ne sont, en effet, pas si différents des 3 nm maîtrisés par ses concurrents du fait d’une manière différente de mesurer la finesse des transistors.

 

Succès de la fonderie à la demande

L’autre grand succès à mettre au crédit de Pat Gelsinger est l’ouverture de l’offre de service de fonderie aux tiers.

Alors qu’Intel avait construit sa stratégie en conservant en interne, envers et contre tout, les activités de conception et de fabrication de processeurs, Pat Gelsinger a brisé un tabou en proposant ses lignes de production aux concepteurs « fabless » (sans usines).

Pour beaucoup d’analystes, le P-DG ouvrait la boîte de Pandore en permettant potentiellement à des concurrents d’avoir accès à ses innovations technologiques. Nvidia, éternel frère ennemi d’Intel tant leurs promesses de valeur ne cessent de se chevaucher au fil des évolutions de gamme, fait par exemple partie de ces entreprises qui ne possèdent pas de capacité de fabrication propres. Son concurrent le plus direct, AMD, est désormais lui aussi fabless, depuis la scission de son activité de production sous le nom de GlobalFoundries en 2009.

Si risquée qu’elle soit sur le plan stratégique, cette réorientation était bien inspirée sur le plan commercial. Selon les dernières informations, la division Intel Foundry Services aurait déjà signé des contrats avec Amazon Web Services (AWS), Cisco, ou encore le département de la Défense américain (DoD). Au troisième trimestre, elle a engrangé plus de 310 M$ de chiffre d’affaires, en hausse de 299 % (!) par rapport au T3 2022.

L’ouverture des capacités de production aux tiers est un deuxième succès à mettre au crédit de Pat Gelsinger. Mais sa grande victoire sera sans nul doute l’arrivée fracassante sur le marché des puces pour IA.

L’inférence, ou quand l’IA change d’échelle

Depuis un an, Nvidia et sa fameuse puce H100 ont fait couler beaucoup d’encore. Parce qu’elle a été massivement utilisée par les pionniers de l’IA générative comme ChatGPT pour entraîner leurs modèles d’IA, et parce que son prix catalogue avoisinait les 30 000 $, certains y ont vu le signe d’un nouveau cycle d’hyper-domination de Nvidia sur le secteur du hardware dédié à l’IA.

Il y a quelques mois, je vous mettais en garde sur le positionnement de ces puces, qui ne s’appuyaient sur aucune barrière technologique infranchissable par la concurrence.

Mais plus que la question de l’entraînement des modèles d’IA, c’est celle de leur utilisation qui se pose désormais. En effet, les IA déportées comme ChatGPT représentent un coût pharaonique pour les entreprises. La plus populaire des IA coûte à OpenAI la bagatelle de 700 000 $ par jour rien que pour faire tourner les serveurs.

L’avenir est donc à l’exécution des calculs directement sur le matériel des clients, qu’il s’agisse de smartphones ou d’ordinateurs. Apple a fait partie des précurseurs en intégrant dans ses iPhone des circuits électroniques dédiés à l’exécution d’IA depuis 2017, et plus récemment dans tous ses Mac dotés de puces Apple Silicon.

Intel se bat désormais sur les deux tableaux. Côté entreprises, ses puces Gaudi 3 viennent directement concurrencer le H100 de Nvidia. Côté utilisateurs, les derniers Intel Core Ultra gravés en 4 nm embarquent un NPU permettant d’accélérer les opérations d’IA directement sur les machines. Intel a annoncé collaborer avec une centaine d’éditeurs parmi lesquels Adobe (Photoshop, Illustrator), Microsoft (Zoom), Audacity et Cisco. Leurs logiciels pourront effectuer les calculs directement sur les appareils des utilisateurs, pour une consommation énergétique dérisoire par rapport au modèle déporté de ChatGPT.

Intel s’engouffre ainsi dans le marché des puces pour IA, estimé par son concurrent AMD à 400 Mds$ par an d’ici 2027. De quoi faire gonfler significativement le chiffre d’affaires d’Intel, qui s’établissait à 63 Mds$ en 2022.

Nouvelle technologie de gravure, offre commerciale renforcée, et une gamme de produits dédiés à l’IA : Intel débute l’année 2024 avec de nombreuses cordes à son arc. De quoi laisser espérer revenir sur les plus-hauts historiques, après une belle année boursière 2023 durant laquelle l’action a gagné +90 % en ligne droite.

 

Cours_Intel_année_2023

L’action Intel a gagné +90 % en ligne droite en 2023. Source : Investing.com

 

Etienne Henri

Etienne Henri est titulaire d'un diplôme d'Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l'industrie pétrolière, puis l'électronique grand public. Aujourd'hui dirigeant d'entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l'intérieur les opportunités d'investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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