Les grandes entreprises technologiques vont voir leurs besoins en matière d’énergie évoluer, notamment pour exécuter leurs nouveaux programmes d’intelligence artificielle. Après de nombreuses expériences infructueuses, l’énergie issue de la fusion nucléaire fait désormais partie des solutions sur lesquelles les géants du numérique comptent.
Aujourd’hui, je vais vous parler de l’énergie de fusion.
C’est une idée que l’on évoque depuis presque aussi longtemps que les humains exploitent l’énergie pour eux-mêmes. Et elle remonte encore plus loin, si l’on considère que c’est ainsi que le soleil crée son énergie.
C’est la forme ultime et la plus naturelle d’énergie, mais nous avons du mal à la créer de manière assez efficiente pour en faire une source d’énergie courante.
La possibilité de créer de l’énergie par la fusion nucléaire a été présentée pour la première fois dans les années 1930. Et dans les années 1940, des scientifiques ont essayé de créer des méthodes permettant de l’exploiter. Considérant les limites technologiques de l’époque, et que l’énergie de fusion exige de contenir une réaction qui atteint des centaines de millions de degrés Celsius, peu de progrès ont été réalisés à l’époque.
L’énergie de fission est devenue une alternative bien plus réaliste. Alors que l’énergie de fusion exige de combiner deux atomes en un, l’énergie de fission fait l’opposé. Elle divise en deux un atome. Son utilisation la plus notoire est – comme vous le savez probablement – la bombe à hydrogène.
Toutefois, les scientifiques n’ont jamais renoncé au rêve de maîtriser l’énergie de fusion, solution bien plus sûre et durable. On dit souvent que c’est « l’énergie des étoiles« .
Depuis les années 1970, les Etats-Unis ont dépensé des milliards de dollars pour essayer de créer un générateur de fusion utilisable, en se focalisant sur le « tokamak », une chambre de confinement magnétique.
Toutes les tentatives ayant abouti à une réaction de fusion ont employé plus d’énergie qu’elles n’en ont créé. Manifestement, cette méthode n’était donc pas applicable.
Ou du moins jusqu’à aujourd’hui.
Créer une étoile
Le 13 décembre 2022, le Lawrence Livermore National Laboratory (Laboratoire national du Département de l’énergie américain) a annoncé que son équipe était parvenue au « seuil d’ignition ». Cela signifie qu’elle a réussi à créer une réaction de fusion ayant généré plus d’énergie qu’elle n’en avait utilisé pour la produire.
Plus remarquable encore, la société non cotée Helion Energy affirme être en mesure de parvenir au seuil d’ignition nucléaire avec son réacteur de fusion nucléaire de 7e génération nommé Polaris, qui devrait être achevé en 2024.
Helion a déjà attiré énormément d’attention, de même que des financements.
En mai, Microsoft a accepté d’acheter à ce fournisseur d’énergie 50 mégawatts d’électricité d’ici 2028. Cela représente assez d’énergie pour alimenter 40 000 maisons. Quant à Sam Altman, le P-DG d’OpenAi, il a investi 375 M$ dans Helion en novembre 2021. Si Microsoft et OpenAi sont attirés par l’énergie de fusion, c’est probablement pour alimenter leurs centres de données (data centers). Ces deux entreprises ont besoin d’énormes volumes d’énergie pour exécuter leurs complexes applications d’intelligence artificielle (IA).
L’exécution des programmes d’IA est un besoin spécifique qui va probablement gagner la plupart des grandes entreprises technologiques – si ce n’est toutes – au cours des années à venir.
Mais en premier lieu, comment Helion est-elle parvenue à accomplir cette avancée ?
Helion a d’abord réussi à fusionner deux atomes en utilisant son prototype de 6e génération, le Trenta.
Le Trenta s’est servi de deux anneaux de plasma en miroir à deux extrémités opposées du réacteur. Ensuite, à l’aide de puissants champs magnétiques, les ions sont lancés l’un vers l’autre à près de 321 km/seconde. A ces vitesses extrêmement élevées et à une température de plus de 100 millions de degrés, la collision crée de nouveaux atomes et libère un phénoménal volume d’énergie.
- FORMATION : le deutérium et l’hélium 3 sont chauffés pour former un plasma. Des champs magnétiques confinent le plasma dans une configuration à champs inversés (« FRC »).
- ACCELERATION : les champs magnétiques accélèrent les plasmoïdes FRC jusqu’à ce qu’ils fusionnent en un seul plasmoïde au centre de l’appareil.
- COMPRESSION : ce plasmoïde est compressé jusqu’à ce qu’il atteigne 100 millions de degrés Celsius. La fusion se produit et il y a expansion du plasma.
- RECUPERATION D’ELECTRICITE : l’expansion du plasma induit du courant dans les bobines de compression et d’accélération magnétiques et convertit directement l’énergie [des particules α] en tension électrique.
Traditionnellement, une turbine aurait été utilisée pour créer de la vapeur qui chauffe les bobines de cuivre générant un courant électrique. Helion a découvert une façon de remplacer ce processus en utilisant seulement l’électromagnétisme.
Cette efficacité économise non seulement un volume d’énergie considérable, mais également de l’espace.
Il existe un autre avantage, et c’est peut-être le plus important : le combustible qui doit alimenter le réacteur d’Helion. Dans un réacteur tokamak, on utilise le tritium, dont la réserve mondiale s’élève actuellement à 20 kg, seulement. Un seul réacteur la consommerait en deux mois environ.
En revanche, Helion utilise le deutérium, qui est extrêmement courant. En gros, c’est de l’eau lourde. Ce combustible exige également de l’hélium-3 qui, bien qu’il soit plus rare, peut être produit de façon plus efficiente et sûre que le tritium.
Cette technologie – qui avait atteint le statut de quasi-mythologie – est rapidement passée du stade de la science-fiction à une réalité imminente.
Et les applications potentielles pourraient être illimitées.
Imaginez par exemple que nous ayons un jour de l’énergie de fusion pour alimenter nos maisons…
Les problèmes posés par les autres sources d’énergie seraient peut-être réglés, qui sait ?
Pour un avenir radieux !
Ray Blanco