Pour la première fois depuis son arrivée sur le marché, Netflix a enregistré une perte de 200 000 abonnés… et le titre a chuté de plus de 30%. Faut-il y voir une opportunité ? Philippe Béchade passe à l’analyse !
Netflix (US64110L1061 – NFLX) dévissait de -30% ce mercredi à l’ouverture (après -22% le 21 janvier et -30% en 4 séances), mais a rapidement creusé ses pertes jusqu’à -36% (à 222 $). Le N°1 du streaming a perdu 200 000 abonnés (sur 222,5 millions dans 190 pays, soit à peine 0,1%) au 1er trimestre après avoir enregistré 700 000 résiliations pour la seule Russie.
Autrement dit, hors Russie, Netflix a engrangé +500 000 abonnements… mais cela reste très éloigné de la cible des 2,7 à 2,75 millions anticipée au 1er trimestre 2022.
Un changement de tendance majeur
Netflix nous avait habitués à des recrutements par millions chaque trimestre depuis le 1er trimestre 2020 (+8,9 millions par exemple au 4ème trimestre 2021 après +4,4 millions au 3ème et +1,5 million au second, loin du record de 15,8 millions du T2 2020).
Avec les récentes hausses de tarifs annoncées en janvier 2022, le revenu par abonné (« ARPU ») est désormais supérieur à 15 $ aux Etats-Unis et au Canada ; mais c’est au détriment de la base de clientèle avec un taux de désabonnement record depuis 2011 (-600 000 aux Etats-Unis et au Canada, justement).
Netflix dit s’attendre à la perte de 2 millions d’abonnés supplémentaires (une baisse de -1% du total) au 2ème trimestre, malgré une nette progression en Afrique, grâce à des prix plus abordables.
En effet, outre une hausse tarifaire « qui ne passe plus » pour de nombreux ménages confrontés à la chute de leur pouvoir d’achat avec une inflation à +8%, Netflix est confronté à une forte hausse du « partage de mots de passe » qui permet à des non-abonnés de profiter des programmes « en passagers clandestins ».
Ces spectateurs qui profitent gratuitement de ses services de streaming seraient estimés à la bagatelle de 100 millions, soit presque 50% de l’effectif des usagers payants : un effort particulier va être consacré à la réduction du nombre de ces « profiteurs » qui se verront proposer une offre d’abonnement reprenant leurs « préférences » (une continuité d’accès à ce qu’ils ont déjà visionné).
Une concurrence de plus en plus agressive
Netflix fait surtout face depuis 1 an à une concurrence accrue de la part d’autres diffuseurs de contenus tels que les géants Disney, HBO, Hulu et Amazon qui proposent des services en ligne à moindre coût (Disney propose même du sport en plus).
Mais Netflix se distingue par son « excellence créative » alors que Disney, Discovery, Amazon se reposent sur leurs (gigantesques) catalogues.
De ce point de vue, HBO reste le plus dangereux rival avec des séries comme Chernobyl, The Wire (sur écoute), Barry (la mieux notée aux USA), Les Soprano (entrés dans la légende), Watchmen (la meilleure dystopie du catalogue) et bien sûr, le blockbuster inégalé « GOT » (Game of Thrones).
La question qui se pose maintenant est la suivante : est-ce qu’à 222 $ (ce qui valorise l’action Netflix à moins de 22 fois les bénéfices, mais qui se situe bien en-deçà de la moyenne historique), le cours de cette société a intégré tout le « bad buzz » qui circule dans les salles de marché.
Combien d’analystes (ils vont se compter par centaines) vont réviser leurs objectifs à la baisse, et dans quelles proportions ? Cela va prendre des semaines avant que toutes les études négatives aient fini de sortir.
Quel avenir pour Netflix ?
La capitalisation a désormais fondu de deux tiers, passant de près de 400 Mds$ mi-novembre à un peu plus de 150 Mds$ ce jeudi.
Le plus inquiétant, c’est que le titre a enfoncé ce 20 avril le support majeur des 255 $ qui fut testé à de nombreuses reprises, d’abord mi-décembre 2018 puis fin septembre 2019 (un plus bas a été inscrit à 212,5 $ ce mercredi). Techniquement, il n’y a plus de support décelable avant le palier des 200 $ mais Netflix pourrait être rapidement victime de l’effet d’attraction du « gap » des 194,5 $ de début décembre 2017.
Nous sommes familiers de ce genre de scénario « séisme + répliques » : le « big one » s’est produit il y a quelques heures, et de nouvelles secousses de moindre magnitude ne manqueront pas de se produire ces prochains jours… mais elles provoqueront de nouveaux dégâts, car les répliques achèvent souvent de détruire ce que le trémor initial a lézardé.
Mieux vaut se tenir encore à l’écart d’un titre encore très fragilisé : il faut souvent près d’une semaine pour « purger » une telle dynamique baissière.
Mais en se plaçant à l’achat vers 200 $ (10% plus bas que le cours actuel, 71% ou 500 $ plus bas qu’il y a 4 mois), le risque de moins-value semble faible car le titre aura perdu -43% en quelques jours et se paiera alors 20 fois les profits 2022 contre 28,5 pour Disney.
Netflix n’est probablement pas loin de la fin de sa série… noire.