Entre Rivian et l’inflation, Philippe Béchade n’est pas très optimiste. Sommes-nous loin de l’explosion des marchés ?
Ce vendredi 12 novembre, nous espérions le 66ème record absolu du S&P500. Mais à 0,5% près, il ne s’est pas matérialisé.
Ce ne fut donc pas un parfait vendredi comme l’avait été le 5 novembre. Il avait d’ailleurs comptabilisé 8 records absolus pour les 8 principaux indices US. Mais nous avons fort heureusement pu nous consoler avec les indices européens. Et de belle manière !
La Bourse de Paris (+0,45%) a réalisé un double record en intraday (7 097 points) et en clôture (7 091 points) ; le CAC40 « GR » qui s’est hissé vers 20 170 points, inscrivant un 9ème record de clôture en 10 séances… mais surtout, une 6ème semaine de hausse consécutive. Du jamais vu depuis le printemps 2018 !
Et c’est bien parti pour une 7ème semaine de hausse avec un CAC « PX1 » à 7 110 points, un CAC « GR » à 20 200 points et un S&P500 qui renoue en préouverture avec les 4 700 points.
Le CAC40 « GR », on ne l’a pas assez souligné, fait mieux que le S&P500 en termes de performance globale (près de 31% de hausse annuelle contre 24,7% pour le S&P500) et fait jeu égal en nombre de records historiques battus cette année.
L’inflation est à son maximum depuis 31 ans. Et il n’y a naturellement jamais eu de tels parcours boursiers quand les prix passent par exemple de +3% à +6,2% au cours des 12 derniers mois.
En réalité, il n’y a jamais existé dans l’histoire d’année d’euphorie boursière quand l’inflation doublait par rapport à l’année précédente.
Du jamais vu depuis l’après Seconde Guerre Mondiale !
L’explication est d’une simplicité enfantine : jamais les banques centrales n’avaient observé la repentification de la courbe des prix sans réagir… en s’abritant derrière le narratif d’un phénomène « transitoire ».
Même lors de la 1ère guerre du Golfe [NDLR : invasion du Koweït en 1990], avec la perspective d’une normalisation des prix du pétrole en cas de retrait des troupes de Saddam Hussein, les banques centrales s’étaient abstenues de faire le moindre pari sur l’accalmie des couts de l’énergie en espérant que d’autres pays producteurs pourraient ouvrir leur robinet et rééquilibrer les prix.
Cette fois-ci, la FED compte sur la capacité de la Maison Blanche à faire pression sur l’Arabie Saoudite… et si les prix du gaz continuent de grimper, ce sera la faute de Vladimir Poutine et de son allié biélorusse, il faut bien que quelqu’un ait tort. Et ça ne peut en aucun cas être la banque centrale !
En attendant que l’OPEP et la Russie coopèrent, que les pressions inflationnistes retombent, ce qui ne saurait manquer de se produire, pas question de monter les taux, tout du moins pas avant fin 2022.
C’est tout ce que Wall Street voulait entendre.
Du coup, ils ont pu encaisser sans perdre une once de leur optimisme la chute de 5 points l’indice de confiance du consommateur américain, calculé par l’Université du Michigan, à 66,8 en novembre (contre 71,7 en octobre), alors que le consensus tablait au contraire sur un rebond vers 74.
Dans le détail, le sous-indice des attentes des consommateurs s’est contracté de 5,1 points à 62,8, de même que celui des « conditions présentes », en recul de 4,5 points à 73,2 en novembre.
Il convient surtout de retenir que 66,8, c’est le pire score observé depuis l’automne 2011 !
Pour résumer la situation en ce 15 novembre : l’inflation est au plus haut de 30 ans, le prix du « gallon » de sans plomb passe la barre des 4 $ dans plusieurs Etats pour la 1ère fois depuis 2008, les prix de l’immobilier deviennent incandescents (plus de 410 000 $ pour une maison qui en valait 250 000 $ en 2010, soit +60% !), le pouvoir d’achat des ménages américains subit en 12 mois sa pire dégradation depuis l’après seconde guerre mondiale, leur moral tombe au plus bas depuis la crise de l’Euro il y a 10 ans… donc il ne pouvait y avoir de moment plus favorable pour investir en Bourse en battre 9 record en 10 séances depuis le début du mois de novembre.
Et par un coup de chance inespéré, de superbes opportunités d’investissements se présentent au meilleur moment, comme l’IPO de Rivian, un constructeur de pick-up à propulsion électrique.
C’est très original : pour l’instant, seuls Tesla, General Motors, Ford, Toyota… et une dizaine d’autres grands constructeurs mondiaux songent à en fabriquer.
Et Rivian affiche des statistiques de rêve : 60 M$ de chiffre d’affaires anticipés au 4ème trimestre pour 1,3 Md$ de pertes trimestrielles au troisième trimestre.
Introduit à 78 $ (soit 65 Mds$ de capitalisation), le fabricant de pick-up virtuels n’a pas tardé à franchir le cap des 100 $ (85 Mds$ de « capi » le jour même) puis la barre des 100 Mds$ jeudi, pour atteindre 113 Mds$ vendredi. Environ 2 000 fois son chiffre d’affaires !
A 135 $, Rivian c’est « cadeau » !
En l’an 2000, lors de la bulle des « dot-com », payer 200 fois le CA d’une boîte fantôme, même avec un moral des ménages au zénith, cela pouvait paraître déraisonnable.
Aujourd’hui, « c’est différent ».
A 2 000 fois le CA avec un moral des ménages au plus bas, une inflation à plus de 6%, un ratio capitalisation de Wall Street à 210% du PIB, il n’est nul investissement parfaitement surréaliste que des « taux zéro » ne rendent rationnel.
Question un peu hors sujet, mais qui me turlupine. Pourquoi le Japon a-t-il encore un Ipc annuel négatif et de 0.2 en sept 21? Merci pour votre réponse.