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Un scénario à la GameStop pour les taux US

By 8 juillet 2021No Comments

Hier soir, la FED publiait ses résultats. Et le constat est parfaitement conforme aux annonces de la FED en début d’année. Et ce, malgré des marchés US bouleversés ! Philippe Béchade enquête.

 

Hier, Wall Street a retrouvé son appétit pour le risque. Conforté par une confiance des opérateurs, le S&P500 a décroché un nouveau record historique en intraday à 4 362 points et en clôture à 3 458 points.

Théoriquement, il est tout de même difficile de miser simultanément sur une thèse et son antithèse, soit une anticipation d’inflation et une possible déflation.

De fait, si les taux américains se détendent en même temps que Wall Street grimpe, il y a plusieurs possibilités :

  • D’une part, les investisseurs étant noyés sous les liquidités, ils achètent tout, y compris des émisions obligataires « high yield».
  • D’autre part, un facteur exogène ponctuel inverse la relation symétrique entre les bons du Trésor – « risk-off » – et les actions – « risk-on ».

Ajouté à cela, mardi, nous avons pu constater un mini-krach sur le pétrole. Seulement 5% de baisse en quelques heures (entre 77,5 et 73 $) ! Et cet événement a soudainement délivré les opérateurs de la peur que le dérapage des coûts de l’énergie n’invalide la thèse de « l’inflation transitoire ».

Quelques initiés auraient également pu voir une subtilité sémantique démontrant une tonalité encore plus « colombe » des « minutes » de la FED dont la publication étaient attendue pour 20 heures ce mercredi.

Une publication parfaite pour la FED ?

Mais dans les faits, Wall Street n’a rien découvert de neuf : le communiqué fut un parfait non-événement.

Tout est conforme aux attentes, parfois même trop ! Le soutien monétaire va être poursuivi, l’économie américaine dispose encore de marges d’amélioration, notamment sur le front de l’emploi… aucune surchauffe à l’horizon, les prix devraient s’assagir, le scénario de la remontée « transitoire » de l’inflation est réaffirmé.

Le « fait accompli » n’a pas vraiment joué… ou plutôt, tout était déjà joué, bien avant 20 heures.

Le rendement des Bons du Trésor à 10 ans s’est effondré en 48 heures et en deux étapes majeures : de 1,435% (support court terme) vers 1,35% mardi puis sous 1,300% en début d’après-midi ce mercredi (1,315% en clôture à 22 heures).

Le rendement des T-Bonds s’inscrit au plus bas depuis cinq mois, et plus précisément le 17 février, après avoir effacé 46 points depuis le double zénith annuel des 1,75% des 18/19 puis du 31 mars.

La spectaculaire rechute des rendements depuis les 1,53%, testés le 28 juin, s’étend sur 7 séances consécutives : une série d’une longueur inhabituelle.

Ainsi, il paraissait logique d’attendre une consolidation… mais c’est l’inverse qui s’est produit.

Cela confirme le scénario du contrepied, une majorité d’opérateurs ayant misé sur le scénario inflationniste et une erreur de jugement de la FED.

Un scénario à la GameStop

La détente des T-Bonds ne colle évidemment pas aux 6,5% de croissance de l’économie américaine, encore moins aux 3,9% de l’inflation PCE, ou de l’activité dans le tertiaire… ni à quoi que ce soit.

C’est juste que ce constat était trop largement partagé et que trop d’investisseurs jouaient une hausse de rendement des bons du Trésor.

Avec l’enfoncement du seuil technique des 1,4350% – qui a coïncidé avec le croisement à la baisse des moyennes mobile à 50 jours et à 100 jour –, les derniers espoirs de voir les taux longs américains atteindre les 2,000% de rendement avant la grande messe des banquiers centraux de Jackson Hole le 26 août prochain se sont évaporés, d’où des rachats de positions short sur les T-Bonds.

Avec une poursuite des achats de couverture, leur rendement pourrait bien se détendre jusque vers 1,2800%, l’ex-zénith – très éphémère – des 19 et 30 mars 2020.

Impossible d’exclure désormais le comblement d’un « gap » au-dessus de 1,213% resté béant depuis le 12 février… puis le test de l’ex-résistance des 1,1800% des 11 janvier et 7 février.

Mais si cela survient, l’écart entre les taux longs US et l’inflation instantanée battra un record de +250 points de base, ce qui est presque ridicule en regard des 500 points d’écart par rapport à la croissance : plus c’est gros, plus ça passe.

Et c’est passé ! Les vendeurs à découvert de T-Bonds se sont fait défoncer, puis se sont fait hara-kiri… comme les vendeurs à découvert sur Tesla, GameStop ou AMC.

C’est du poker, de la pure manipulation, et cela ne devrait pas pouvoir exister… mais c’est justement fait avec de l’argent qui n’existe pas.

Philippe Bechade

Rédacteur en chef de « La Bourse au Quotidien » et de la lettre « Béchade confidentiel », Philippe Béchade rédige depuis 2002 des chroniques macroéconomiques et boursières. Il est également l’auteur d’un essai, "Fake News", qui fait office de manuel de réinformation sur les marchés financiers. Arbitragiste de formation, analyste technique, il fut en France dès 1986 l’un des tout premiers traders et formateur sur les marchés à terme. Intervenant régulier sur BFM Business depuis 1995, rédacteur et analyste contrarien, il s'efforce de promouvoir une analyse humaniste, impertinente et prospective de l’actualité économique et géopolitique.

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